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 Je suis déjà venu ici. Comment cela va-t-il s'achever, aujourd'hui ?

 Lundi matin. Soleil crevant contre les vitres. À l'intérieur, les élèves s'éventent comme ils le peuvent, à l'aide d'une feuille ou de la couverture d'un cahier encore vierge. Les fronts sont brillants, les regards se croisent et se quittent ; certains se reconnaissent et quelques mots s'échangent, d'autres se découvrent et n'osent pas trop s'attarder.

 La chaleur est plus suffocante à chacune de mes visites. Je connais la scène par cœur. Frans est assis seul près de la fenêtre entrouverte – à l'extérieur, les retardataires trainent devant le hall d'entrée. Très vite, Keira fait son entrée. Elle pénètre dans la classe sans qu'il ne la remarque, regarde autour d'elle avec des yeux effarés – toujours cet air quand elle arrive quelque part, d'agitation et d'égarement, comme si elle venait de poser les pieds sur Terre – et finit par repérer une des dernières places libres.

— Je déteste l'été. (Elle exhale, larguant son sac sur la table.)

  L'adolescent se tourne vers l'arrivante, surpris de sa présence. Elle arrange ses cheveux, révélant la transpiration qui glisse sur ses tempes. Il la fixe longuement avant de parler.

— Tu es nouvelle ici ?

 Étonnée par sa question, Keira le sonde à son tour. Elle répond quelque chose mais je n'entends pas. Je n'entends jamais ce qu'elle répond. Parfois parce que les fenêtres explosent, parfois parce que la pièce est inondée. Cette fois, le sol se dérobe et tout s'effondre sans un bruit. Je tombe – c'est absurde, je ne repose sur rien – les tables et les chaises tombent aussi, le tout dans l'indifférence générale. Frans et Keira parlent sans que je n'entende quoi que ce soit. C'est un de ces silences encombrants, celui des oreilles qui bourdonnent. Surdité saturée.

 Nous transperçons le premier étage du lycée, le rez-de-chaussée, puis tout s'assombrit et la structure de l'établissement s'éclipse. Noir complet, nous sommes sous terre. Seuls les équipements de la classe demeurent, organisés dans les airs dans leur position initiale. Petit à petit, l'écart se creuse entre Frans et moi. Je suis rapidement attiré vers les profondeurs.

 L'espace entre nous devient si important qu'il disparaît de ma vue. Plus personne. Suis seul dans le néant. Songe que tout cela est éprouvant. Une éternité à errer près de lui, incapable de comprendre. La perpétualité des réminiscences, ce Frans indéchiffrable et son sens du drame qui déforme tout, ce Frans bizarre et triste, silencieux et solitaire – joyeux aussi, plein de bonheur et de vigueur, je l'ai déjà vu – ce Frans, je ne vis pas dans son monde, je ne le comprends pas.

 Autour de moi, l'espace s'est éclairci. Je continue à tomber,

 sans aucune crainte. Je sais ce qui m'attend.

 Des contours s'imposent à ma consistance nébuleuse. Un moi prend véritablement forme – je pense au regard de Keira posé sur lui, sens la brûlure du soleil, revois ce dos inconnu face à moi – et aujourd'hui ce moi prend des traits familiers, des traits rouges et méchants qui lacèrent le papier.

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