Que les mots me passeront à travers, en courants d'air.

 Je m'immobilise. Quelqu'un marche. Trace des ronds autour de moi. J'entends ses pas contre le sol et les mots qu'il prononce.

— Je n'ai rien à voir avec ça. Mieux vaut ne pas regarder.

 Le cherche des yeux, mais c'est comme si Frans – je le sais, c'est sa voix – était partout où mon regard n'est pas. J'ai l'impression de le rater de justesse à chaque fois. Sa présence intangible m'est insupportable. 

— Leur mal, c'est peut-être mon bien. Alors tant pis pour eux. Ne surtout pas regarder. Exister le moins possible. Frôler les murs. Comme quand Maman rentre du taff. Frôler les murs, laisser mon téléphone sonner, laisser filer les heures, la pensée se confondre, s'oublier. Hocher la tête bêtement, shooter dans les canettes, se défoncer, embrasser sans désir, devenir l'ombre de soi-même, se rapprocher un peu plus du rien, de jour en jour, se laisser aller. Penser attrape-moi si tu peux, sans jamais le dire à voix haute. Parce que je ne veux pas qu'on m'attrape. Même par amour. Même si c'est pour moi – ce que je ne crois pas, honnêtement. Être libre, au moins, dans cette extrémité. Parce que je ne suis libre nulle part. Alors, je préfère ne rien avoir à faire avec les autres. Ne pas les voir, ne pas les entendre. Je veux être seul. Non, je veux être ailleurs. Très loin, ce très loin dont je parle toujours. Là où personne ne saura me trouver.

 Envie de lui dire, qu'il se trompe.

 Lui crier.

 MOI, J'AI SU TE TROUVER.

 (Et au fond, peut-être envie qu'il frémisse.)

 Mais je ne le vois pas. Tout comme il ne me voit pas. Ne me sent, ne m'entend pas. Et j'ai le sentiment étrange que si j'ouvrais la bouche, je mettrais fin à cette cohabitation. Alors je ne dis rien. Parce que je ne me sens pas prêt à sortir de mon rôle, mon beau rôle d'ombre. Monstre caché au fond du placard, monstre caché là où tu ne regardes pas, Frans.