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Être oublié à la sortie de l'école primaire ; rentrer seul, les pieds dans la neige boueuse. Se tenir derrière la porte de sa chambre pour l'entendre pleurer. Au bout de la table à manger sans aucun appétit. Les reproches. L'affection refoulée. La caresse qui ne vient jamais. Le cœur qui roule au fond de l'estomac. Cette rancune qui vous étrangle.
Maman, c'est toutes ces choses.
L'Absent, lui, c'est une image. Dans l'entrebâillement. Un cauchemar. Une image rouge et puante qui ne vous quitte pas. C'est la mort au bout du couloir. Le silence d'un corps qui se vide. C'est une ombre quotidienne projetée dans votre dos. C'est un bout de vous-même arraché à ce monde. C'est le trou dans le ventre — le trou d'Absent. La trace d'un passage imprimée en vous-même. Indélébile. La certitude d'une existence terrible. Croiser un miroir et craindre de l'y voir.
L'Absent, c'est toutes ces choses, et ce n'est rien du tout.
Ce n'est pas palpable, ce n'est plus là. Je ne sens plus sa peau. Ça n'a plus d'odeur. Plus de visage, plus de nom. C'est d'un autre monde et d'un autre moi. C'est à peine un souvenir. Pourtant, c'est partout. Ça rôde. La nuit, j'entends des murmures. Du fond du couloir, ça m'appelle. C'est un accent étrange, une langue barbare échouée au fond de la baignoire. Et c'est peut-être, si l'on écoute bien, les prémices d'un très long cri.
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