La dame de compagnie
« Je ne conteste pas que Procope d’Oustioug ait été capable de prévenir d’une catastrophe Oustioug et qu’il ait préféré donner sa vie que de perdre l’espoir de sauver un croyant de plus.
Vous me connaissez tous dans cette assemblée ; Je tiens en haute estime le travail fait par nos archivistes et nos collecteurs pour sauver des impies et conserver les savoirs de ce qu’il reste de l’humanité. Mais après la chute certain registre ne furent plus tenu pendant une centaine d’années.
Nous avons donc ici des témoignages qui s’accordent pour reconnaitre le fait que Procope officié à Oustioug ; Qu’il agissait en fol-en-christ, cherchant dans le dénouement le plus total à se rapprocher du christ ; Qu’il aurait annoncé la chute d’un objet céleste. Mais rien dans ces textes ne parle de la chute de Lux Labis.
Dans ce procès, Je viens m’inscrire en septique, rien ne prouve que Procope ai vécue à l’époque de la chute et nous savons tous que de manière régulière de petit fragment chute depuis les cieux. Nous ne devrions pas attribuer à ce saint homme l’annonciation de l’arriver du déchu sans plus de preuve formelle. »
Parole de Frère Karamazov,
Minutes censurées du procès en canonisation de Procope d’Oustioug, Moscou 1547
Ania relâcha son attention du pauvre Sergueï. Elle serait l'une des dernières images qu’il emporterait, un ange au regard pris dans la glace, une sublime faucheuse qui avait même fait naître en lui quelques rougeurs.
Le jeune homme était encore indemne, émergeant en face d'elle de la foule des grands boyards, mais la Furie savait qu’il ne représentait plus un danger ; dans son « présent » à elle, il était déjà mort de la main de celle qui un instant, il avait secrètement désiré.
Tout ce qui avait une queue entre les jambes semblait ne pouvoir se contenir devant une vierge seulement parer de quelques perles de sueur. Les dames de la cour, faisait gorge chaude d’autant d’impudeur, mais se gardaient d’en blâmer l’instigateur. Il s’agissait d’un stratagème choisi avec soin par le Tsar pour couvrir de honte les familles de boyard dont été issus les dames de compagnies. C’est une chose qui occupé son esprit de manière constante ces derniers “temps”, cela faisait pourtant longtemps qu'elle ne s'embarrassait plus de considération sur sa pudeur et in fine sur son humanité.
Elle adressa un sourire à Sergueï, son cadeau d’adieu avant que la scène ne se joue et redressa la tête pour parcourir la salle du regard. Elle n’aurait pas à frapper avant un certain temps, une éternité pour elle. Tous ces gens bougent et pensent si lentement pour qui ignore la notion d’instant présent.
Ses “yeux” à elle lui permettait de voir un paysage que peu pouvait admirer. Une forêt de cristaux vivants, au contour sans relâche en mouvement présentant les instants à venir en d’innombrables images.
Les futurs de Sergueï furent inscrit là, nombreux furent plus sombre et inutilement douloureux pour lui, rare furent ceux où Ania lui permettait de s’enfuir. Elle fut seule juge de ces actes ; lui permettre de fuir entrainerait inévitablement sa mort à elle et des conséquences impossibles a déterminé ; Une mise à mort, dans un instant et de sa main était le meilleur choix pour Ania, le Tsar, L’empire.
Elle s’aventura sur ce chemin ; suivant les sentiers offrant les plus beaux fruits. Elle avait de l’instinct pour cela ; certain très lumineux n’offrait que des lendemains fades, Ania avait déjà eu le courage de passer par d'étroits boyaux où seul une étincelle au bout lui promettait qu’il y avait encore de la vie ; débouchant sur d’immense clairière inexplorée. Elle avançait sur un chemin aux contours particulièrement instable, oscillent parfois, refermant devant elle un possible pour en rouvrir d’autre l’instant d'après.
La tension douloureuse de ses orbites glacées la dissuada de continuer son exploration. Scruter l’avenir trop loin lui couter physiquement, les globes de cristal se couvraient de gel de manière cruel à l’intérieur de ces orbites, meurtrissant la chair déjà bien abimé. Ania dériva vers un lointain passé, en des instants maintenant figés ; vers la petite fille blonde qu’elle fût. Là tout était précis, net et pur au travers de ces yeux. Penchée sur la margelle du puits du château familial, elle cherchait des réponses à ses questions enfantines dans le scintillement du petit miroir rond que formé l’eau au fond.
Qu’il était beau le reflet de cette petite fille blonde aux grands yeux clairs, auréolée de lumière… un instant, elle se vit adulte penché au-dessus de l'épaule de la fillette, l'expression de la petite se figeât d'angoisse. L'eau se troubla, le visage innocent se brouilla. Ania baissa les yeux et regarda les gouttes écarlates couler le long de sa main. La vie quittée le corps de sa victime sans même qu'elle eut à se poser une question, c'était sa vision, son choix, son jugement.
Qui serait le prochain ? Se dit-elle, en parcourant la foule du regard. Si seulement elle ignorait la réponse à cette question pensa-t-elle. Mais les seuls être qui restaient un mystère pour elle étaient ses trois sœurs d’infortune : Ouliana, Anastasia et Marthe, ainsi rebaptisées en hommages aux anciennes tzarines. Ania elle-même se nommait désormais Anna.
Elle eut un mouvement de tête comme pour chasser ces détails et se projeta à nouveau dans les méandres de sa prescience. Elle suivait les traces laissées par ses sœurs, invisibles dans son esprit, mais tellement présentes à travers les bouleversements qu’elles laissaient dans sa forêt des possibles. Comme elles, ses sœurs voyaient au-delà du temps ce qui leur permettait d’anticiper les événements et d’agir plutôt que d’avoir à réagir. De parfaite protectrice du Tsar, des chiennes de garde inarrêtable. Ania songea à tout ce qu’elle aurait pu raconter, tous ces destins explorés et entremêlés, tous ces secrets enfouis en des futurs jamais advenus, mais en la transformant, on l’avait condamnée au mutisme.
Parler en s’entendant prononcer tous les possibles mots à venir avant qu’ils ne franchissent la barrière de vos lèvres était une épreuve qui l’aurait fait osciller entre l’incohérence et la folie, d’autant plus que sa pensée était devenue tellement plus forte et puissante que ne pourrait l’être sa voix.
Il l’avait rendue si forte ce jour-là :
—« Je n’ai rien fait de mal ! Mes parents sont de haute lignée ! Vous serez exécuté vous et vos familles »
Ania se souvenait des supplications et des menaces pathétiques d’une enfant. Des hommes de l’Opritchnina était venu l’arraché à sa vie dorée à l’aurore et la voila maintenu allongé sur une lourde table de marbre banc aux milieux d’un laboratoire encombré de pièces de métal dont les usages lui échappaient totalement.
— « Libérez-moi » soupira-t-elle
La table été si froide qu’elle cherchait à se recroqueviller pour échapper à cette sensation. L’Ania actuel se repasser son souvenir en prenant une certaine distance. Elle n’était pas sur la table, mais a coté, se regardant plus jeunes de 5 ans. Elle connaissait la suite, mais voulez rester encore une fois à ses côtés. Comme elle aurait voulu avoir une présence rassurante à ces instants.
— « je vous en prie ! Non, non… »
On lui bourrait la bouche d’une étoffe humide au goût amer quel ne reconnaissait pas ; l’instant d’après elle était aspergée d’un seau d’eau à l’odeur ammoniaquée. Cette odeur, dont le souvenir reste encore présent aujourd'hui sur sa peau.
— « Mmmmh ! Mmmmh ! »
Impossible de comprendre ces mots, mais la terreur pouvait se lire si facilement sur son visage. Les hommes qui la maintenaient perdaient peu à peu leur assurance, évitant de croiser son regard ; il ne s’agissait pas de brute comme celle qui l’avait amené là, mais d’homme d’un certain âge, aux tempes blanches et à la barbe soigneusement taillé. Des érudits qui tout à leurs besognes transpirait l’angoisse et la peur.
Son ainé temporel de cinq ans suivit son propre regard vers l’homme qui approché, une lourde machine à la main dons une pièce avait l’air d’avoir été chauffé au rouge. Ania apprendra bien plus tard que cet engin sauvait de nombreuses vies chaque jour sur les champs de bataille de l’empire.
On inséra son bras gauche dans deux grandes bagues à l’extrémité de l'outil. Le bruit d’un levier qu’on actionne et les bagues se resserrèrent autour de son biceps ; On lui plaça un garrot au plus prêt de l’épaule. Les hommes intensifièrent leur prise a cet endroit précis.
Encore désorienté, L’Ania du passé n’anticipa pas ce qui allez arriver.
— « Prêt ? »
Personne ne répondit. La pression sur elle se fit écrasante comme s’ils cherchaient à lui faire traverser le marbre.
Un bruit strident s’éleva à peine une fraction de seconde, suivit d’un claquement de claquement sec de métal rencontrant le métal.
Ania n’eu pas tout de suite mal ; la lame qui avait sectionné le bras en traversant chair et os sans s’arrêter ; le sang fut projeté en ligne droite, marquant tout ce qui se trouver sur son chemin, la pierre blanche, l’homme qui tenait sa hanche et sa jambe.
Ania vis le visage de l’homme ensanglanté, les gouttes de son sang coulant comme au ralenti sur son visage ridé ; La vague de douleur vint quand son corps compris ce qui venait d’arrivée. Elle fut si violente que son cri expulsa son bâillon :
— « Rhhhaaaahahaaaaa ! Mon Braaaas… ! »
— « Courage c’est bientôt fini. » Menti l’un des hommes visiblement touchés.
Un nouveau brut de levier et la pièce rougeoyante vint s’appliquer contre la chair sanguinolente, la cautérisant en un instant et disséquant le muscle autour de son humérus. Une odeur de viande brulée emplie la pièce.
Ania se souvient du gout de bile dans sa bouche. On déplaçait la machine ; on insérait le bras droit dans les anneaux. La machine d’amputation était prête à recommencer son ouvrage.
— « Noooonnnnn ! » Gémit la princesse.
Son Moi futur se penchât sur elle ; sur ces yeux exorbités, remplis de larme ; sur quelques taches noisette perdu parmi les fibres de cet iris bleu clair ; Ces yeux-là lui manquait-il ?
La machine entonna sa courte réplique. Ces bras furent retiré de la table comme on retirerais une pièce de viande de l’étale. Les doigts encore pris de petit spasme incontrôlé
En face de chaque moignon, on vint déposer de magnifique œuvre d’art en or, ces nouveaux bras. Ouvert tel des fleurs pour recouvrir la chair encore fumante. Alors que deux hommes s’occuper de fixer dans l’os une mèche d’acier, les autres démarré les cœurs internes de chacun des ouvrages, ces cœurs de pierre et d’acier battrons bientôt à l'unisson de son propre cœur. Une fois les bras insérée sur leur axe, leurs corolles se refermèrent reprenant les courbes idéales d’un bras athlétique.
Ania revint à son visage livide, couvert de morve, de salive et toujours de larme… enfin pour l’instant. La souffrance l’a abrutie, elle le sait, mais comme sur la margelle du puits, elle ne peut s’empêcher de se demander si elle la voie au-dessus d’elle.
Elle croit en avoir finis, si elle savait…
On lui remet le chiffon retremper dans ce distillat de pavot et de belladone qui lui donné ce gout amer.
Sa tête est placée dans un instrument plus Léger, permettant de maintenir sa tête fixe et d’approcher les écarteurs à ces paupières.
Elle comprend et ces cris reviennent toujours plus fort, elle pouvait à peine respirer se souvient-elle, sa morve la noie et le bâillon ne laisse pas passé assez d’air. Elle aurait pu littéralement se laisser glissé vers l’inconscient. Mais Ania se découvrit à cet instant.
Elle crachat le chiffon et le cri qui sorti de sa gorge ne fut plus celui de la terreur. Elle venait de cesser d'être une fillette gâtée de bonne famille. Elle criait avec force à plein poumon sa rage envers ceux qui lui faisaient ça.
Son cri continua à raisonner lorsqu’un par un ces yeux furent sorti de leur orbite, Elle ne perdit pas connaissance, malgré la douleur lorsqu’on se mit à les découper ces globes oculaires pour joindre la chair à de complexe cage d’or renfermant des blocs de roche blanche à la luminosité blafarde.
Cette opération dura-t-elle vraiment une éternité ?
Ania observa la métamorphose. La sensation d'être dans ce corps s’effaça, celle d’être dans cette pièce également. Tout fut balayé, envoyé au loin pour être remplacé par la symbiose avec la roche. Les hommes s’écartèrent d’elle, plus aucun son ne sortait de sa gorge pourtant sa gorge était encore grande ouverte. Seul resté le bruit de l’air s’engouffrant dans sa gorge à grandes bouffées.
Ces doigts sur le marbre lui répondaient et elle découvrait la sensation en retour de ce touché, débarrassé de la sensation de froid, de texture, seul la sensation de pression extrêmement précise lui parvenait. Elle releva sa main vers celle qui l’avait accompagné…
Elle revint dans le présent, la main tendus dans le vide, encore couvert de quelque goutte de sang. Une femme lambda face à elle était blême devant cette main à quelque centimètre de son visage.
Ania avait perdu ses bras, ses yeux, sa voix, son nom et sa famille. Son père lui manquait parfois et le prince Vladimir, leur « chaperon » ne saurait le remplacer.
C’est lui qui avait eu l’idée de les créer pour protéger le Tsar et l’empire. Sa famille les Cheremetiev, ainsi que les Morozov, les Paletski et les Zakharine furent toutes contraintes de sacrifier une princesse en sachant qu’elles allaient devenir des jouets déshumanisés du Tsar pour avoir comploté envers leur souverain. Une sorte de compensation, en espérant ne pas être décimé en retour lorsque leur trahison fut mise au jour.
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