Le maître stratège
Cœur de construct rotatif, 14 octobre 1503
L'expérience ayant pour objectif de créer de nouveau type de cœur de construct est un échec en tant que tel. L’idée initiale d’une pièce de roche conique en rotation dans un creuset de dimension identique et de même nature pour obtenir une démultiplication du potentiel de la roche. Cela n’a pas donné les résultats attendus. L’expérience demandait un entrainement de départ par courroie et une mise en friction du cône dans le creuset.
Dès la mise en friction, les mouvements se sont révélé étrange : s’il suivait la direction de l’entrainement, la force motrice subissait des variations, puis nous l’avons entendu. D’abord lointain, un chant des plus sinistre s'est fait entendre, enflant pour dominer tout autre bruit de machinerie. Tous mes assistants se signèrent en pensant entendre les plaintes des damnés.
Je ne suis pas prêtre et je n’ai pas compétences à juger de la nature infernale ou divine de ces sons. J'ai noté toutefois que la température autour du creusé augmenté de manière rapide, les armatures de métal furent d’ailleurs rapidement portées aux rouges. L’air autour du creusé s’animé comme chassé par la chaleur. Nous dument interrompre l’expérience, quand un grand nombre d’hommes dans la pièce s’évanouirent, certainement sous l’effet de la chaleur.
Dernière note d’Augustus Vispera avant son meurtre par l’un de ces assistants
— « Oui ! Voilà qui est intéressant… aaaah. »
Le Prince Vladimir s'éveilla dans les remous de ses innombrables mémoires. Des voix anciennes s'élevaient en son âme menaçant sa cohésion. Un nouvel écho résonnait au milieu de ses souvenirs. Vladimir eut envie de sauver sa terre ; il trembla à l'idée des troupes tatares qui ne tarderaient pas à déferler sur son domaine.
Le prince se souvint qu'il n'avait plus de domaine… l'idée le révoltait. Bien-sûr qu'il avait un domaine ! Il était un boyard, responsable de ses gens. Le Prince se morigéna.
— « Non ! Tu n'as pas de gens, tu n'es pas un boyard. »
— « Je… Je suis Sergueï Borisovitch, Boyard de Karaidel, mes terres m’attendent »
Ce fut plus un gémissement que des paroles d’homme.
— « Je dois y retourner, Les sauver ! »
Où croyait-il aller, il n’y avait nulle part où aller et surtout plus d’endroit où se cacher.
Le prince perdit patience ; Sa voix intérieure se fit grondante :
— « Je suis le Prince Vladimir et je règne sur mes souvenirs, je suis le maître, ici et maintenant ! »
Comme pour répondre à cette déclaration, son cœur de métal et de roche s'ébranlât. Le Prince connaissait cette sensation et la maîtrisait si bien ; son âme emprisonnée dans le bloc de lux venait de redonner vie à son corps d'acier. Les vérins expulsés du cœur de Lux revenaient déjà pour frapper l'indestructible pierre. Une multitude de petites lamelles la caressaient, transmettant ses vibrations aux milliers de ressorts et de rouages qui permettaient à l'esprit de l'ex-grand prince de contrôler sa carcasse. Doucement ces membres reprenais leur vie mécanique, de manière souple, sans tressaillement.
— « Une chose après l'autre, revoyons d'abord ceci. »
Les images de la vie récente du jeune Sergueï repassaient dans l'esprit du Prince : La silhouette d’Anna au-dessus de lui à sa mort ; La discutions avec le Yézidi ; La marche sur l’esplanade du kremlin ; la descente sur le débarcadère depuis le pont d’un navire de commerce ; les échange à Kazan avec un prince sans terre pour obtenir un sauf conduit ; la discussion animée auprès du seigneur d’Oufa plus au Sud sur la rivière du même nom au sujet de ce voyage vers Moscou...
— « On approche, montre-moi »
Vinrent alors se fixer dans son esprit de manière claire le visage des Tatares, leurs nombres, leurs armements au milieu de ce qu'attendait depuis le début le Prince Vladimir, des scènes de bataille ; Les combattants de la horde se ruant sur les villages ; Les pillages, les meurtres et les viols devant des yeux qui cherchaient pourtant à fuir ces visions.
— « Tu as donc fuit les combats, les laissant saccager tes terres ?
La mémoire réagit, essayant de se redonner une identité, un honneur, des excuses à sa lâcheté ;
— « Je serais mort ce jour-là et à quoi bon ? Le reste de mes terres avait encore besoin de moi. Je dois la sauver ! »
Comme un chat jouant avec une souris, Vladimir resserra sa prise sur ce résidu d’âme. Cette dernière devait ressentir les crocs et les griffes de l’esprit qui l’abrité désormais. Le premier coup lassera un souvenir non essentiel, un souvenir d’enfance, le visage de sa mère s’envolèrent comme une main tranchée par un coup de sabre. L’âme de Sergueï se recroquevilla dans un tout petit espace. Le Prince fondit sur elle, le souvenir de sa belle paysanne en ligne de mire. Sergueï supplia qu’on lui laisse.
— « Par le Christ ! Pas cela »
Vladimir sut que l’âme ne se redressera plus devant lui ; sa leçon était bien apprise ; sa volonté écrasée.
— « Soit le bienvenu » ironisa le prince.
Il n’y eu pas de réponse, mais personne n’en attendait vraiment une ; Celui qui fut Sergueï devint une partie de celui qui fut de le Grand Prince Vladimir de Staritsa, cousin et soutien du Tsar. Le Golem savait bien qu’il avait trépassé depuis longtemps, mais cette mort, sa mort, resté pour lui un mystère. Étais-ce l’explication de son appétit pour les événements ayant amené d’autre à venir perdre la vie ici dans cette salle du trône ou dans les oubliettes au plus profond du kremlin ?
Cet pensé le mis en colère, la vie des autres n’apporté plus depuis longtemps d’information sur la sienne. Ils étaient rares ceux qui avaient but à la même table que lui, festoyaient ou guerroyaient à ces côtés et pas un n’aurait la folie de venir mourir ici pour lui raconter comment il est passé de Prince à Créature d’acier.
Il saisit les mémoires de Sergueï sans ménagement, les déroulants devant son “regard”. Il se concentra sur chacun des souvenirs ; combien de souvenir conscient sont accompagné d’artefact subconscient, de vision tronqué par la naïveté et les préjugés ; de quoi expliquer des choix irrationnels et des stratégies douteuses. Il prenait soin d'absorber le plus d'informations utiles ; de dresser un tableau global de tous les événements ; d’exprimer pour lui-même des théories ; de comprendre les motivations de tout ce petit monde.
Cela prendrait à un homme des jours pour extraire ne serais qu’une fraction des informations extraite des souvenirs de Sergueï. Pourtant, dans quelque instant, Il allait bientôt livrer une image plus claire qu'elle ne pouvait l'être dans un esprit humain des événements qui se déroulaient à l’est.
— « voilà qui est inattendu ! »
Les lieux, les stratégies appliqués, rien ne concordé avec les habitudes des Tatares. Non que ce peuple ne soit pas coutumier des raids ; ils avaient par quatre fois inquiété l’empire et Moscou lors de leur incursion, mais les Khanats de Kazan et Sibir avait été dissous lors des expéditions punitives du Tsar, installant ces territoires sous la tutelle de la sainte Église Orthodoxe.
Les Tatares poussées à la conversion par le patriarche de Kazan n’en resté pas moi rétif à s’intégrer parmi les Russes ; il en fallait peu pour les voir reprendre leurs raids. Régulièrement des poches de résistance encouragées et appuyées par les Ottomans apparaissaient entre le sud de l’Oural et la Mer Caspienne.
Les terres du jeune boyard se trouver au limite des contreforts occidentaux de l’Oural, bien plus au nord. Elle ne présente pas un grand intérêt, des populations limitées, peu de ressources autres qu’agricole et personne pour payer les rançons pour leurs otages.
Toutefois, La cité d’Oufa plus au sud constituait l’une des routes commerciales les plus sures vers les confins de l’orient et ces enfers. Alors que plus au nord et au sud les cols étaient devenus infranchissables avec le temps, une passe au travers des chaines de montagne permettais d’acheminer par caravane les marchandise au travers de l’Oural.
La ville était gouvernée par un membre de la famille de la dernière tsarine le boyard Ivan Hagovo. Ce dernier avait obtenu du Tsar la construction d’une forteresse et d’avant poste dans les montagnes à l’est afin d’en sécuriser la route. Une troupe importante était stationné là, capable de tenir tête au pire monstre, fussent ils venue des enfers même, bien à l'abri derrière leur fortification.
Une horde avait pourtant pu passer sans qu’on ne la voie et sans que l’armé ne puisse s’y opposer. Ainsi positionné, il était probable que dans un proche avenir elle n’organise des raids sur les caravanes repartant vers l’occident. Bien coordonnées ces Tatares prendrait en tenaille les convoies ; Une horde partant du nord et une autre remontant du sud sans être inquiété par les troupes resté à l'abri de leur forteresse.
Leur appétit ne penché donc pas pour des terres, mais pour les tributs qu’ils espéreraient se faire payer pour ne pas transformer Oufa en enclave et coupé les échange vers la Sibérie et les contrés plus à l’est. Ces quelques arpents de terre valait finalement de l’or pour qui savait convaincre de farouche guerrier de se contenter de rapine, mais cela paraissez si évident que le prince avez perçu le plan dans le plan.
Vladimir n’avait malgré cela que peu de gout pour les tribus et rançon en tout genre et cette horde allez vite le découvrir.
Son bras s'étendit pour assurer une bonne prise sur le bord de la niche qu'il occupait dans une colonne bien au-dessus du trône. Son corps se précipita dans le vide comme un pantin désarticulé pour atterrir lourdement derrière le Tsar qui finissant juste son discours au boyard, ne bronchât pas.
Ivan connaissait trop bien son cousin pour ne pas douter qu'une mort chargée de souvenirs le sortirait de sa torpeur. Les quelques secondes entre la mort de Sergueï et son arrivée, avait suffi à préparer une réponse. Le Tsar lui faisait confiance pour les décisions à prendre, du moins en matière de stratégie militaire.
Encore accroupis, le Prince Vladimir se tourna légèrement vers l'exorciste royal, observant les réactions de ce dernier. L’air farouche, une expression où on décernait une touche de dégout ; La raison d'être de ce religieux auprès du tsar se limitait à s'assurer que jamais Vladimir n'attenterait à sa vie. La croix incrustée de lux à sa ceinture réagit à l'approche du grand prince. Mais à quoi bon, la charge d'âme contenu dans cet artefact était devenue ridicule au regard de toutes celles absorbées par le prince ; Après tout c’était devenu monnaie courante de venir mourir devant ce trône.
Vladimir en était conscient, Ivan aussi, mais tout deux entretenaient les apparences. Une créature aussi puissante que le Prince ce devait d’avoir des gardes de fou, ne fusse que pour rappeler à tous leurs propres garde-fous.
Sa main droite s’appuya sur le sol pour lui permettre de se redresser assez pour tendre l’autre bras, les plaque d’acier qui le couvrait griffèrent le sol devant lui pendant que se dresser ce qui lui tenais de main gauche : un sceptre plus haut d’une tête que le monstre de métal, un appui pour assurer sa stabilité lors de ces déplacements. Le Prince se redressa de toute sa taille.
À bonne distance, il rassemblait à la silhouette de quelque saint homme dénutrie envelopper dans une cape. La ressemblance n’était pas due au hasard, lui avait-on, raconter ; il devait inspirer le respect.
De près, rien d’humain ne se dégageait de cette créature aux lignes tordues et étranges ; À son arrivée la foule autour du trône avait réagi comme il s’y attendait : certains avaient poussé des petits cris d'animaux surpris, d'autre avaient commencé à suer leur peur. La vie ne se faisait décidément pas à la présence d'un mort.
Sa tête n’avait pas été conçu pour ressembler à celle d’un être humain, de nombreuse ouverture circulaire de toute taille la constellée dans une fausse impression de désordre. Chaque orifice plongé vers la machinerie interne du Golem en suivant un labyrinthe de tuyaux. De grand cornet acoustique permettant de ramener à lui tous les tremblements et les déformations des sons.
C’est ainsi que le prince voyait, percevant et superposant chaque son pour en tirer une image. Pas un battement de cœur ne lui échappe, même les visages se dessiner en creux et pointe quand il observait avec attention.
Plongeant sa vision plus loin dans l'assemblé, il observa la position de chacune de ces pupilles. Il les reconnaissait toujours au bruit unique des cœurs de métal dans leur bras, mais aussi au rythme lent et maitrisé de leur cœur de chair.
Au plus près de lui Anna, la fille prodigue avait décidé de mettre un terme à la vie du pauvre boyard dont le corps encore chaud gisait à ses pieds. Une partie insignifiante du prince lui en voulait, mais cela passerais comme pour les autres. Ses trois “sœurs” se trouvaient dans la foule, poursuivant leur ronde autour du trône. De parfaite arme de dissuasion, tout ce qui se passait ici était sous coupe réglée.
Le prince s’approcha du macchabée et d’Anna. Cette dernière s’agenouilla en marque de respect pour son protecteur. Vladimir avait appris qu’il était à l’origine de leurs conditions à toutes... aucun souvenir de cela…
Il se pencha sur le corps pour prendre ce dont il avait besoin. Le seau familial, monté sur une bague sans grande valeur fut retiré de son doigt. Après cela sa main droite fouilla la poche intérieure de Sergueï, en sortant le sauf-conduit. Le sang au travers de la doublure de sa veste avait commencé à marquer le verso du document, Le prince le sortait donc à point nommé. Il plaça les deux objets à sa ceinture puis repris sa fouille en direction d’une poche extérieure de la veste. Un petit objet important se trouvé là… il sortit une petite broche en os sculpté, de quoi tenir les cheveux d’une jolie fille ; le prince compris la fausse piste, les sentiments rattachés et fut à deux doigts de sévir.
A coté de lui, Anna n’avait pas relevé la tête, toujours un genou à terre.
— « relève-toi mon enfant »
Il avait horreur d’entendre sa propre “voie”, sorte d'écho fluté de voies d’hommes.
Anna se redressa donc en même temps que le Prince. Il tendit la main juste au-dessus de l’oreille de la dame. Accrochant le bien le plus précieux de Sergueï dans les cheveux de sa meurtrière. Vladimir appréciait l’ironie de la situation, la blessure que la vue de cette broche dans les cheveux d’Anna allez causer à l’un de ces hôtes, jour après jour.
— « Tu as visiblement fait au mieux pour le Tsar et l’Empire, ma petite Anna, soit en remercié. Tes actes présents excuses tes errances passées et tu prouves à tous que tu es la meilleure. »
La phrase n'échappera pas au trois autres, une saine compétition commence toujours par un peu de jalousie.
Vladimir observa le corps être évacué par deux valets ; une servante s’affairait à essuyer la flaque de sang à ces pieds. À leurs airs blasés, ils n’avaient pas dû être surpris du tour qu’avait pris les évènements. Sans attendre de les voir disparaitre, Il se mit en marche vers les portes donnant sur les quartiers des officiers.
Il avait des ordres à donner ; des troupes à dérouter ;
un carnage à organiser. Intérieurement, il jubilait.
Dans un étroit réduit, la chaleur et le vapeur s'élevant de conduites devenaient gênante pour qui porter un uniforme un peu trop petit. La tenue de messager mordait désagréablement la peau au coup et aux poignets. Le haut du visage enfoncé dans sa chapka ne laissait voir qu’une mâchoire carrée et des lèvres crispées. Le soldat tenter de réajuster discrètement sa tenue quand il entendit le lourd pas de la créature à côté de lui.
Désormais il avait une bonne raison d’être mal à l’aise. Il se nommait Brad, Vladimir n'en avait cure, mais son nom et ces états de service, c'était élevé dans son esprit de roche pour qu'il puisse juger de l'homme. Un soldat, mainte fois décorer pour acte héroïque ; des insubordinations depuis qu'il était en poste au kremlin ; des rapports incendiaires de la part de ces supérieurs dans son dossier. Vladimir l’aimait déjà ce Brad. Il n’était pas de garde aujourd’hui et semblait plutôt faire le pied de grue devant le bureau d'état-major en attendant que quelqu’un en sorte.
— « Tu vas voir du pays » fluta le Prince
— « Je… »
Brad ne finis pas sa phrase. Trop habitué à ne pas discuter des ordres quand il venait d’une telle créature. Vladimir ressentait à quel point sa présence lui faisait peur. Du haut de ces trois mètres le grand prince Vladimir le couvrait de son ombre ; Enfermant Brad dans la crainte, agitant son esprit, comme le désirer l'être de métal.
Le jeune militaire se mis malgré tout au garde à vous, mais son mouvement fut interrompu par la pointe de douleur dans ces tempes. L'esprit du Golem se projeter dans celui de Brad, inscrivant ces commandements au plus profond de la mémoire de Brad, sans émettre le moindre un son et
sans risquer que le messager n'oublie les instructions. Une fois qu’il eut fini, il déposa le sceau et le sauve-conduit dans les mains du messager encore pris de convulsion et pénétrât dans la salle d’état-major pour donner ses ordres pour la suite des événements.
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