Chapitre 2

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Le bruit de papier que l’on déplace résonna lourdement dans la pièce. Un homme était assis derrière un grand bureau en bois massif et écrivait rapidement des instructions sur une lettre, qu’il plaça ensuite dans une enveloppe et qu'il cacheta avec le sceau impérial. Il se passa une main fatiguée sur le visage.

À cet instant, une autre personne fit irruption dans la pièce, un plateau dans les mains. Elle vint le poser sur le bureau et remplit une tasse de thé bien chaud qu’elle présenta devant l’autre homme. Ce dernier déclara après l’avoir remercié.

  • “ Cette guerre dure depuis bien trop longtemps et ne semble pas prête de se terminer… “
  • “ Peut-être devriez-vous faire le premier pas et proposer un accord de paix, votre majesté. “
  • “ Penses-tu que cela pourrait fonctionner ? “
  • “ Ça ne vous coûtera rien d’essayé. “

L’empereur resta silencieux un moment, paraissant perdu dans ses pensées. Le plus jeune des deux s'affairait à ranger un peu la pièce et le bureau pour le confort de l’empereur. Son poste officiel était celui de Valet de chambre de l’empereur, son rôle était d’aider le dirigeant à se préparer et à veiller à ce que celui-ci soit impeccable. Cependant, ce dernier avait toute la confiance de l’empereur, faisant de lui, son plus proche serviteur. Celui-ci songeait d’ailleurs à l’élever au rang de majordome personnel de l’empereur, ce qui serait un grand honneur pour l’homme seulement âgé de 34 ans.

  • “ Sawan. “, l'interpella sa majesté.

Tout en s’avançant, l’autre répondit : “ Oui, Votre Altesse ? “

  • “ Rassemble mes conseillers dans la salle de réunion, il faut que je mette au point, une stratégie pour demander au mieux cette paix. “

Sawan grimaça, il avait peur de ce qu’allait dire les conseillers, et il savait pertinemment que sa parole n’aurait que peu de valeur face à la leur. Il n’appréciait pas ces hommes avides de pouvoirs, mais acquiesça et s’exécuta immédiatement.

Dans la salle en question, se trouvait une longue table rectangulaire. Les conseillers de l’empereur étaient assis de part et d’autre de celle-ci. Quand l’empereur, accompagné de Sawan, fit irruption dans la pièce, tous se levèrent et s’inclinèrent pour lui montrer leur respect. L’homme s’installa au bout de la table et tous se rassirent.

L’empereur resta silencieux un instant, un air grave sur le visage. Il déclara alors qu’il souhaitait mettre fin à la guerre qu’ils entretenaient avec le royaume Kyovith, depuis déjà bien trop longtemps. Qu’il souhaitait envoyer une proposition de paix au Roi. L’un des conseillers se dressa et s’insurgea.

  • “ Mais enfin, votre majesté, comment pouvez-vous concevoir de simplement faire la paix avec cette bande de sauvages ?! “
  • “ Tout ce temps dépensé dans une guerre pour finalement ne rien en tirer ? “, continua un autre.
  • “ Et qu’en dirait le peuple, Votre Altesse ? “, demande finalement un troisième.

Debout au côté de l’empereur, Sawan serra la mâchoire. Il ne pensait pas que le royaume Kyovith, qui était composé d’Okleorial, soit aussi barbare qu’ils le prétendaient. Son statut ne lui permettait pas d’intervenir, mais les propos de ces hommes l’énervaient fortement. Le dernier à avoir pris la parole, en particulier, ne lui inspirait jamais confiance. Il s’agissait du cousin de l’impératrice, le Duc Mihel de Prallicia.

Un grand homme au regard fier, qui venait d’entrer dans la cinquantaine. Il était venu s’installer au sein de l’empire en même temps que sa cousine, de huit ans sa cadette, qui arrivait en tant que fiancée du prince héritier, à l’époque. Après le mariage de cette dernière, on lui avait offert un titre et des terres. En tant que seule famille de l’impératrice, c’était la récompense qu’il avait reçu pour l’avoir accompagnée. Il était entré au palais, en qualité de conseillé, peu de temps après le couronnement officiel du couple impérial.

  • “ Que voulez-vous dire, Duc Prallicia ? “, demanda l’empereur.
  • “ Eh bien, Votre Altesse. Le peuple subit cette guerre depuis tant d’années, qu’il ne pourra pas accepter un simple accord de paix, sans contrepartie. “
  • “ Et à quoi pensez-vous ? “
  • “ À mon humble avis, seule une victoire de Hauriothy, pourrait satisfaire, le peuple. “

L’homme faisait passer cela comme une simple suggestion pour apaiser le peuple qui avait souffert, mais Sawan pouvait aisément voir la lueur avide dans les yeux du Duc. Cela le répugnait, que l’on se serve ainsi du peuple, dont l’avis n’avait même pas été sollicité, pour influencer l’empereur et assouvir sa soif de pouvoir par procuration.

  • “ Mais cela ne reviendrait-il pas à continuer la guerre ? “, demanda finalement le dirigeant.
  • “ Certes, ce serait là une possibilité… Mais l’utilisation d’un stratagème plus subtile pourrait sans doute nous apporter une victoire plus rapide et moins risquée. “

Ces paroles éveillèrent la curiosité de l’empereur, qui demanda :

  • “ Auriez-vous déjà une idée à suggérer ? “
  • “ Pour ce qui est de la méthode, je suis certain que Votre Altesse la trouvera sans difficulté. “

L’empereur prit un regard plus sérieux et se mit à songer à un plan. Sawan savait qu’il ne pourrait rien faire, l’empereur allait suivre l’avis de ses conseillers aveuglément, une fois de plus. Dans un moment comme celui-ci, il aurait aimé avoir un rang plus élevé, pour que sa voix ait plus de poids face à celles des conseillers de l’empereur.

  • “ J’ai peut-être une idée qui pourrait déboucher sur un stratagème fiable. “, déclara l’empereur avec une légère euphorie dans la voix.

Son idée semblât lui procurer un certain plaisir, Sawan n’avait aucune idée de ce qui pouvait le rendre si joyeux à propos de son plan, mais se dit qu’il finirait tôt ou tard, par le découvrir.

Le Duc Prallicia et les autres conseillers semblaient satisfaits de la tournure que prenait la discussion, tandis que le jeune homme, lui, rongeait sa frustration.

  • “ Nous étions persuadés que vous trouveriez une solution en un rien de temps. “, acquiesça l’un d’eux pour flatter l’ego de leur dirigeant.

L’empereur répliqua avec un signe de la main pour calmer les ardeurs flatteuses de son interlocuteur.

  • “ Laissez-moi d’abord vous exposer mon idée, nous verrons ensuite pour le reste. Nous devrions envoyer un tribut au roi, en gage de paix. “
  • “ Une alliance par un mariage, une technique assez courante, mais qui fonctionne très bien. Nous pouvons le constater avec le lien qui unit Sa Majesté, l’impératrice, avec vous, Votre Altesse. “, constata le Duc sous l’acquiescement de l’empereur.
  • “ En effet. Et ce tribut aurait pour mission de nous rapporter le point faible du roi. Une chose qui nous permettrait de se débarrasser de lui pour nous assurer une victoire. “

Le plan semblait assez simple sur le papier, mais possédait cependant plusieurs incertitudes. À commencer par l’identité du tribut en question.

  • “ Un plan remarquable, Votre Altesse. Mais qui comptez-vous envoyer au roi de Kyovith ? “, demanda le Duc.
  • “ C’est vrai, Votre Majesté ! Vous ne songez tout de même pas à envoyer l’une de nos précieuses princesses à notre ennemi ?! “, s’insurgea l’un des hommes de la tablée.
  • “ D’autant plus que seules les princesses Célesna et Assénices sont en âge de se marier. La première est déjà fiancée et la seconde bien trop innocente pour pouvoir supporter une telle mission. “, continua un autre.
  • “ Non, ce n’est pas ce à quoi je pensais. “, trancha l’empereur, “ Je songeais plutôt à envoyer mon fils illégitime pour cette mission. “
  • “ Envoyer un homme, pour un mariage politique ? “, demanda un des doyens de la tablée, visiblement choqué par l’idée même, d’un mariage de même sexe.
  • “ Ce royaume se dit très ouvert d’esprit, ils accepteront sans doute un tribut masculin, puisque les mariages entre personne du même sexe sont visiblement acceptés là-bas. Et puis de toute manière, notre objectif, n’est pas le mariage, mais la mission qu’il s’y cache derrière. “
  • “ C’est une merveilleuse idée, Votre Altesse ! Ce chien sans importance se montrera finalement utile ! “, s’extasia un de ses interlocuteurs.

Sawan tiqua face au mépris du conseillé envers le jeune homme qu’il ne devait sans doute même pas connaitre. Il fusilla un instant du regard ce dernier avant de détourner le regard et de tâcher de reprendre son calme, quand leurs regards se croisèrent et que l’homme semblât avoir des sueurs froides.

Bien que n’ayant qu’un statut de servant, ne lui offrant que peu de pouvoir politique. Sawan était un peu craint par les conseillers, dû aux capacités assez puissantes qu’il possédait, faisant de lui un homme redoutable. L’empereur lui confiait d’ailleurs régulièrement des missions liées à ces pouvoirs.

  • “ Ensuite, pour ce qui est de la communication, je songeais à envoyer Sawan avec lui pour qu’il puisse le surveiller et m’envoyer des nouvelles régulières. “, continua le dirigeant, sans relever l’insulte adressée à son fils illégitime.

Sawan se tourna vers l’empereur et s’inclina légèrement pour seule réponse. Il s’assura de cacher sa surprise, il ne s’attendait pas à être envoyé avec l’enfant illégitime. Une pensée lui traversa l’esprit, celle que l’enfant ne devait pas être si indésiré. Après tout, il n’aurait pas été envoyé avec lui, s’il ne souhaitait pas s’assurer de la sécurité du garçon. Ce n’était toutefois que ses propres spéculations. L’empereur convoqua finalement le chef de la garde impériale.

Un grand homme, à la peau sombre et à l’apparence imposante, se présenta devant lui quelques minutes plus tard. Il possédait de longs cheveux noirs affublés de deux mèches blanches. Le cliquetis de son armure résonna quand il s’agenouilla devant l’homme.

  • “ Vous m’avez appelé, Votre Altesse. “
  • “ Oui, Aaïm. J’ai une mission pour toi. Tu dois me ramener ici, au plus vite, mon fils illégitime. Il se trouve dans le village de ton prédécesseur, Gasran. Le nom du village est Dutum et le nom de mon fils, Oriel. “
  • “ Bien, je m’en fais de ce pas, remplir ma mission. “

En se redressant, ses yeux écarlates croisèrent le regard azur et indéchiffrable de Sawan. Le temps d’un instant, une profonde douceur se reflétèrent dans les iris du soldat, mais disparut dès que le contact fut rompu et qu’il quitta la pièce.

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