Chapitre 5: Intrusion

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Cela faisait maintenant quelques jours que le corps de Wen avait été retrouvé. Il ne s’attendait pas à ce que la mort d’un homme qu’il avait côtoyé si peu le bouleverserait autant. Une carrière tronquée, une vie effacée sans raison. Les derniers mots que Wen avait prononcés à son égard étaient justes, et ils l’avaient profondément touché. Il en avait de la chance, il était en vie, libre de faire ce qu’il voulait et après tout il était peut-être encore temps de choisir une vie normale. Joe sortit de ses rêveries devant sa porte. Quand Joe voulut entrer chez lui, il remarqua immédiatement que la porte avait été défoncée. Le montant en bois était arraché et elle ne tenait plus dans ses gonds.

Joe poussa la porte vers l'intérieur de son appartement et s'annonça prudemment.

— Y'a quelqu'un ? lança-t-il

Il alluma la lumière et le choc fut immédiat. Les intrus avaient retourné tous les meubles et les tiroirs du salon et de la cuisine. Il monta à l'étage dans sa chambre, tous les vêtements étaient éparpillés par terre et les armoires renversées. Toutes les caisses étaient toujours là, avec tout son matériel électronique, elles avaient été fouillées mais rien ne manquait. Il se rendit ensuite dans la chambre de Wen, et sa chambre était totalement vide. Tout avait disparu, il ne restait que son matelas et son bureau. Les vêtements avaient disparu des armoires, il n’y avait plus de livres rien qui aurait pu indiquer qu’elle avait été habitée quelques heures auparavant.

Joe n’en avait vraiment pas envie, mais il décida de retourner à la police pour porter plainte. Le cambriolage et la disparition de Wen ne pouvaient être une coïncidence. Cela allait peut-être instiguer un peu de bon sens chez l’officier de police et le pousser à enquêter. Il se présenta à l’accueil et on le fit attendre. Quand on l’invita à entrer dans le poste, il se leva et suivit l’agent de police à travers le sas, et entra dans les bureaux sans dire un mot. Il s’assit devant l’agent Goossens qui l’attendait:

— Alors vous ici? Encore? On avait dit qu’on ne se reverrait plus! dit Goossens.

— J’ai été cambriolé, ils ont tout volé et toutes les affaires de Wen ont disparu. Vous devriez voir l'appartement, ils ont tout retourné!

Joe sortit son téléphone et montra une photo de son salon.

— Je vois, dit l’inspecteur en pinçant les lèvres.

— Pourriez-vous lister les affaires manquantes? Vous savez, le genre de choses pour lesquelles vous vous êtes fait connaître de notre service, peut-être? Dit-il avec un sourire mauvais.

— Vous avez raison, je dois vérifier attentivement si rien ne manque, se reprit Joe. Il avait immédiatement pensé à faire une fausse déclaration pour arnaquer son assurance, il n’y avait pas de petit gains.

— En tout cas, ils ont défoncé la porte et ils ont tout retourné et je le répète toutes les affaires de Wen ont disparu.

— Oui vous savez, il y a pas mal de cambriolages dans le coin en ce moment. C’est tout juste le retour des vacances, les résidences étaient vides pendant au moins quelques semaines. Les voleurs ont dû penser que vous n’étiez pas encore revenus de vacances. Rien d’anormal à ça.

— Vous ne pensez pas qu’il y ait un lien avec la mort de Wen? Je ne sais pas exactement ce qu’ils ont pris (Joe le savait très bien, ils n’avaient rien pris sauf les affaires de Wen). Mais la chambre de Wen est vide! Plaida Joe.

— Bah ils n’ont rien pris car il n’y avait rien à prendre, mon pauvre ami. Et puis, ses parents ont voulu récupérer ses affaires, ils ont dû simplement envoyer quelqu’un avant que le cambriolage se produise.

— Vous n’allez donc pas poursuivre? C’est tout de même curieux, vous l’avouerez volontiers.

— Bon, si vous voulez tout savoir. Selon, les autorités chinoises qui ont déjà fait une autopsie éclair et rapatrié le corps, c'était un accident. Il avait énormément d’alcool dans le sang et des lésions qui indiquent une chute. Circulez y’a rien à voir. Les parents ont parlé de dépression et de problèmes d'alcool. Ils n’étaient pas fort surpris de récupérer leur fils entre quatres planches, déclara l’inspecteur.

— Cela ne colle pas du tout avec ce que je vous ai dit lors de ma déposition! Rétorqua Joe.

— Oui votre déposition, je vous cite hein: ‘je ne le connaissais pas bien”, “nous n’étions pas proches”, "il était assez discret”, vous aviez l’air de bien le connaître en effet. Vous ne saviez même pas quel programme il suivait. L’inspecteur avait touché juste. Joe s’en voulait mais il n’y pouvait plus rien. Il tenta une autre approche:

— Vous avez dit parents? Il m’a dit qu’il n’avait jamais connu son père et que sa mère était morte il y a quelques années.

— On leur a parlé par vidéo interposée, Chun et Deng Li. Ils étaient dévastés d’apprendre la mort de leur fils. Wen vous a sûrement raconté des salades ou vous n’avez pas bien écouté, ce qui serait étonnant de votre part. Encore une fois Joe prit la remarque en pleine face, sa notoriété le précédait et il ne pouvait rien y faire.

— Je crois vraiment que tout est lié. Le cambriolage et la mort de Wen. Cela me parait évident!

— Allons, allons, c’est une simple coïncidence, faites-moi confiance. Vous savez dans la police si on devait enquêter sur tout et n’importe quoi on ne pourrait pas s’occuper des cas comme vous. Peut-être qu’on vous en veut pour vos différents traffics. Peut-être qu'un ancien associé que vous auriez lésé, se serait servi chez vous sans demander la permission? Vous avez une réputation vous savez? Si je devais enquêter, c’est forcément pas là que je commencerais. C’est ça que vous voulez?

— Mais Wen… intervient Joe

— La mort de Wen était un A-CCI-DENT, coupa l’inspecteur.

— Je vous le répète, vous n’avez pas à vous en faire. dit-il plus calmement. C’est normal de se sentir tout chamboulé après un tel épisode. Rentrez chez vous, appelez vos parents vous vous sentirez mieux.

— C’est pas possible d’être aussi aveugle. Si vous ne faites rien, je chercherai à votre place. Joe dit en s’énervant. Il se leva et quitta le poste.

— Merci d’être venu nous rendre visite, vous nous avez manqué vous savez. Rires haha, on sait plaisanter dans la police. J’espère qu’on ne vous reverra pas de si tôt. Et que je ne vous prenne pas à jouer les Maigret, sinon ça ira mal pour vous. Rompez. Lança Goossens dans son dos.

*********

Après son altercation avec les policiers qui refusaient obstinément de suivre les éléments évidents de la mort inquiétante de Wen, Joe avait décidé de mener sa propre enquête. Dans les jours qui suivirent, il se posta à la sortie des différents amphithéâtres fréquentés par les étudiants de sciences politiques et posa des questions à ceux qui passaient. Les réponses étaient intéressées, voire préoccupées mais souvent dénuées d'intérêt.

— Oui, j’ai entendu qu’on l’avait retrouvé dans le lac, quelle horreur

— Non, on ne le connaissait pas vraiment. Je ne lui ai jamais parlé.

— Quelqu’un est venu nous annoncer sa mort dans l’auditoire, cela devait être un opérateur ou une secrétaire, pour être honnête je ne l’ai jamais vu.

Personne ne semblait vraiment se souvenir de lui. Il était de toute évidence rarement en cours.

— Je ne sais même pas à quoi il ressemble, dit une élève de son groupe de projet. Pour les travaux, les autres lui avaient suggéré de profiter de la Belgique pendant qu'ils s'occupaient du reste. Je trouvais cela un peu facile mais parfois c’est mieux de travailler entre nous pour éviter les mauvaises notes.

Ainsi, même dans les sessions de groupes obligatoires, il était invisible, Joe était stupéfait. Mais que pouvait-il bien faire de ses journées?

Alors Joe essaya les professeurs, sans succès. Aucun n’avait eu de contact significatif avec lui. Juste un nom sur une liste, Li Wen, de Wenzhou, étudiant Erasmus totalement transparent. Il rendait ses travaux à temps, et n’avait causé aucun problème, c’est finalement tout ce qui comptait pour eux.

Frustré, Joe fut tenté de retrouver les parents de son colocataire. Après une conversation où il feint d’être dévasté auprès de la secrétaire de la faculté, il pu obtenir son adresse en Chine et le numéro de téléphone de ses parents.Il appela, mais en vain, le numéro était non attribué, personne ne répondait. Il ne put même pas retrouver la “Wengzhou School of International Business” où Wen avait étudié. Il y avait un site internet, en chinois, et là encore personne ne répondait ni mails ni au téléphone

— Si on avait voulu créer une fausse université, on ne s’y serait pas pris différemment. d'ailleurs difficilement choisir un plus mauvais nom, pensa Joe.

Il envoya des emails à peu près à toutes les écoles de commerce internationales qu’il put trouver dans rayon de mille kilomètres autour de Wenzhou et soit il ne reçut aucune réponse soit l’on n'avait jamais entendu parler de Wen Li. Après exactement une semaine, il finit par laisser tomber, agacé et déçu. Il savait que quelque chose n'allait pas, mais il ne pouvait pas mettre le doigt dessus.

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