Chapitre 7 : Sprint

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Le lendemain, il était midi lorsque Joe ouvrit les yeux. Il prit son triste petit déjeuner, quatre paquets de biscuits Dinosaurus au chocolat au lait et un verre de lait tiède. Comme un soir sur deux, il avait oublié de remettre le carton au frigo. Après sa misérable collation, il roula et alluma son premier joint de la journée. Léger, mais tout de même assez chargé pour lui tourner la tête et le scotcher à son fauteuil pendant environ une heure. Puis, il voulut vérifier ses découvertes, le téléphone, les fichiers, les bitcoins. Après tout, il était possible qu’il ait rêvé ou halluciné les évènements de la veille, ça c’était déjà vu, surtout après cinq jours de consommation effrénée. Alors, Il ouvrit Electrum, mais les bitcoins étaient toujours bien là. Il était quatorze heures, Joe s’habilla et se mit en route.

A cette heure, la ville était plutôt tranquille, les étudiants étaient retournés assister à leur cours après leur déjeuner, les rues étaient calmes, les cercles ouvriraient et la fête ne commencerait que dans quelques heures. Il lui fallut à peu près vingt minutes pour descendre du Blocry et remonter jusqu’à la place des sciences. Il prit à gauche, après la bibliothèque et redescendit en direction du parking des sciences. Bientôt, une rangée de maisons de quatre ou cinq étages se dressa devant lui. Il reconnut le bâtiment concerné qu’il avait vu sur street view, il se trouvait sur le flanc droit, comportant une porte surplombée d’un petit préau et d’une lampe.

A priori, tout semblait banal: une rue tranquille, une résidence étudiante de taille moyenne. Le banc d’immeubles devait abriter une centaine d'étudiants tout au plus. Rentraient et sortaient des étudiants vaquant à leur vie de jeune gens occupé, rien qui ne trahissait un quelconque mystère, encore moins un casse à deux millions d’euros.

Joe se tenait là, juste en face, posté discrètement, faisant semblant de téléphoner et chipotait son smartphone en gardant les yeux sur le bâtiment. Il scrutait chaque fenêtre et chaque passant à la recherche d’un élément qui pourrait lui sembler inadéquat. Mais rien. Puis, son attention fut capturée par une porte à l’extrême gauche, de l’autre côté du bâtiment. Par intervalles réguliers des hommes barbus, la vingtaine, l’empruntaient pour rentrer dans l’immeuble. La mosquée de Louvain n’était pas très loin, ça n’était pas si étrange que les fidèles rentrent chez eux après un prêche, mais tout de même, pour Louvain-la-Neuve ça n’était pas courant.

Joe attendit un bon moment, qu’aucun autre homme ne fasse son apparition. Il franchit alors la porte de service, et descendit doucement un escalier qui menait à la cave du bâtiment. Après avoir passé plusieurs pièces en enfilades, il crut percevoir une mélodie, plus précisément un chant, oriental, cela semblait être une prière ou du moins quelque chose à caractère religieux. Joe se laissa guider et suivit la musique. Il arriva finalement dans un corridor obscur qui donnait sur une porte légèrement ouverte, on pouvait deviner qu’elle était éclairée à la bougie par les ombres qui dansaient sur la vitre teintée. Prudemment, il s’en approcha jusqu’à regarder l’embrasure de la porte. Ce qu’il vit le terrorisa. Jamais il n’aurait imaginé voir de ses yeux, à quelque mètres de lui, le drapeau noir bardé du sabre et surplombé de gribouillis blancs. L'emblème du Califat était placardé contre le mur en face de la porte, accroché par des punaises. Avant de prendre ses jambes à son cou, Il regarda à l'intérieur de la pièce et vit des silhouettes, cinq ou six, agenouillées, absorbées par leur prière. Il était sur le point de fuir quand son pied heurta une chaise métallique pliante entreposée dans le corridor. Le bruit résonna par-dessus les chants religieux, coupant court aux prières.

Instantanément, toutes les têtes se tournèrent vers la porte. La vitre teintée dissimulait le visage de Joe. L’adrénaline le cloua sur place pendant une fraction de seconde et puis, sans réfléchir, il se lança dans le sprint le plus important de sa vie. En remontant les escaliers quatre à quatre, il pouvait entendre des pas se précipiter derrière lui. À l'extérieur, il s'engouffra dans les ruelles étroites, zigzaguant entre les bâtiments et entra finalement dans le laboratoire Mercator. Il emprunta la grande cage d’escalier et monta aussi vite que ses poumons sous-entraînés lui permirent. Il s’enferma dans les premières toilettes qu’il put trouver,au troisième étage. Il n’avait couru que quelques minutes, deux ou trois tout au plus, mais ses jambes lui faisaient mal comme s'il venait de gravir une montagne. Son coeur résonnant dans tout son corps, ses mains tremblantes et son souffle court dans la cabine couverte de carrelage blanc et de graffitis. Il y resta une heure, accroupi, les pieds en canards sur le trône pour éviter que ses sneakers dépassent par la porte. Il faisait noir quand il se décida à s’aventurer en dehors des toilettes. Il se mêla à une classe qui sortait d’une séance de travaux pratiques et emprunta la rue principale pour redescendre vers le centre ville. Il l’avait échappé belle, et il garderait son teint blême pendant plusieurs jours comme séquelle de la frayeur de sa vie. Il maudissait Wen, de l’avoir entraîné dans cette situation.

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