Chapitre 8: Shopping

5 minutes de lecture

Trois semaines s’étaient écoulées depuis l’incident de la mosquée clandestine. Joe y était tout de même retourné une fois ou deux, de loin seulement, pour observer, mais rien n’avait bougé depuis. Il ne revit plus jamais l’assemblée entrer dans l’immeuble. Il n’avait plus non plus entendu parler de Wen et la police n’avait fait aucun suivi. Le cambriolage était resté sans suite. La mort de Wen avait fait une apparition d’un jour dans la presse, qui s'était presque immédiatement désintéressée du cas. Manifestement les morts accidentelles d'étudiants chinois n’intéressaient personne.

Néanmoins, tout n’avait pas été vain, Joe avait tout de même réussi à obtenir un nouvelle télévision et quelques appareils électroménagers grâce à sa petite arnaque à l’assurance. Le cambriolage avait été l’occasion de faire une fausse déclaration de vol. Il avait acheté pour deux, trois milles euro chez Mediamarkt et avait ensuite modifié les dates sur la facture avec Canva avant de la soumettre à sa compagnie d’assurance, un jeu d’enfant. Personne n’avait vérifié et les flics n’y avaient vu que du feu, Il s’était arrangé pour éviter l’inspecteur Goossens, évidemment.

Lentement, Joe s’était décidé à oublier l’histoire de Wen. Son colocataire Chinois avait été assassiné, il en était convaincu, mais si la police ne pouvait rien faire, que pouvait-il faire, lui, petit étudiant, et tout délinquant qu’il était?Qui allait le croire? Et puis, il avait tout de même enquêté, il avait même risqué sa peau en s’introduisant dans une mosquée clandestine, qui pouvait en dire autant? Certainement pas les bras cassés du commissariat. Tout et ça n’était plus son problème. Il avait d’ailleurs assez de problèmes comme ça entre sa copine, ses clients albanais et ses résultats universitaires désastreux.

— A quoi tu penses? Demande Géraldine,

— Oh à rien, menti Joe. En réalité, il pensait à beaucoup de choses. Notamment à la dernière fois qu’ils avaient fait l’amour. C’était le matin même. Le soleil était levé mais elle avait demandé à ce qu’on garde les rideaux tirés. Elle avait gardé son haut, au plus grand désespoir de Joe qui adorait toucher la peau de ses gros seins. Cela faisait des années qu’il ne l’avait plus vue réellement nue. Elle faisait des complexes avec son ventre qu’elle ne voulait plus montrer à personne. Il s’était fait une raison et s’estimait heureux de pouvoir tremper son biscuit de temps en temps. Il se rattraperait avec les filles des webcams ce soir. Elles lui donnaient l’excitation qu’il cherchait même si leurs intéractions manquaient de sincérité. Sur Chaturbate, il pouvait se laisser aller à toutes ses envies, se faire servir ses fantasmes pour quelques euros, sans réellement participer, il n’allumait jamais sa webcam. C’est probablement cette oisiveté sexuelle qui faisait de lui un piètre amant. Par écrans interposés, elles lui diraient des tas de saloperies et elles s’enfonceraient des tas de trucs en plastique dans les orifices. Ce qu’il n’avait jamais osé demander à Géraldine. Il n’aurait jamais braver l’interdit de payer des escorts non plus. Il préférait, comme presque tout dans sa vie, rester à distance d’écran. Sur les cinquantaines d'hôtesses virtuelles qu’il avait rencontré, trois peut-être avaient été si non pas sincères, au moins amicales et avaient pris la peine de le mettre à l’aise et de le draguer un petit peu avant de se mettre à geindre son nom en se triturant la chatte.

— Tu ne veux pas essayer cette chemise? Demanda Geraldine? Elle t’ira bien faut quand même que tu sois présentable pour ton interview. Il tenait sur son avant-bras un costume anthracite en laine sur un cintre. Ils étaient à l’Esplanade, la galerie marchande de la ville. Faire les boutiques était l’activité préférée de Géraldine. Joe en parfait mufle détestait ça, mais il s’était laissé convaincre pour se changer les idées, mais surtout aussi pour l’amadouer, il n’avait aucune intention de passer un entretient d’embauche avecle père de Géraldine, à l’agence ING de La Hulpe et encore moins d’y travailler.

— Allez d’accord, je vais aussi essayer celle-ci qui me plaît. Mentir était si facile, pensa Joe.Suffisait-il vraiment de servir aux gens ce qu’ils voulaient entendre ? Où fallait-il être deux pour triompher dans la tromperie?

Après avoir acheté les vêtements, les deux amoureux flanèrent dans le centre commercial. Ils allèrent chez “Nature et Découverte” et fantasmèrent sur le voyage en Indonésie qu’ils se promettaient depuis des années. Faire du shopping était un sursis pour Géraldine, elle savait que la vraie vie et les déception réapparaitraient une fois sortis de la galerie marchande. Pour se consoler et se donner du courage avant de repartir, elle se fit acheter un smoothie bien trop sucré. Finalement, elle décida de prolonger son plaisir et essaya d'amener Joe chez Zara, c’est à ce moment qu’il décida d’aller aux toilettes.
— Je dois pisser, prends ton temps je te retrouve après, lui dit-elle.

Il poussa la porte des toilettes et s’approcha de l’urinoir. Un grand gaillard en veste en cuir pissait dans l’urinoir de droite. Joe défit sa braguette et commença à uriner. Soudain le géant s’adressa à lui:

— On se connait non?

— Non je crois pas, répondit Joe, gêné.

— Mais si, mais si, en tout cas tu connais mes potes. Insista l’homme.

— Non vraiment vous devez confondre.

— Oh lala tu me vouvoie en plus. Dardan, ça te dit rien?

Joe écarquilla les yeux. Oh putain les télés, la dette, le colis est toujours en route.

Le type lui fracassa le visage contre la chasse en métal de l'urinoir. Joe se mit à pisser du sang, le nez cassé.

— Bon je dois pas te faire un dessin. On m’envoie pour que tu t’acquittes de ta dette. Tu comptais tout de même pas t’en tirer comme ça?

— Non non je te jure qu’il y eu un problème. Il avait posé un genoux sur le sol et lui montrait les paumes de ses mains, il sentait le sang chaud couler dans le fond de sa gorge.

— Un problème? Il lui colla encore une droite et une gauche dans la figure. Et puis lui passa un téléphone.
— Allo? C’était ton meilleur pote, dit la voix de Dardan au téléphone

— Ecoute-moi bien, lui dit l’albanais. T’as deux jours pour nous payer les vingt milles que je t’ai avancé. Dans deux jours je reviens te casser les jambes moi-même et puis je m’occuperai personnellement de la petite blondasse qui t’accompagne t’as compris?

— C’était dix mille, non? Demanda Joe.

— Les intérêts de retard mon grand, on t’apprends pas l’économie dans ta prestigieuse université?

— C’est bon je te paierai. Je te le jure. Supplia Joe.

— Allez c’est bien petit. Va bosser. 48h. L’albanais raccrocha.

Annotations

Vous aimez lire Alsid Murphy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0