Chapitre 11: Madame Lune

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On lui enleva enfin sa cagoule. Joe était assis sur une chaise pliante noire, face à une table métallique. La pièce était toute petite, sans fenêtres, et éclairée par un néon blanc qui rendait l'atmosphère assez malsaine. Devant lui se tenait une femme asiatique, vêtue d'un tailleur bien coupé. Elle tirait lentement sur le filtre doré de sa cigarette. Elle fixait Joe l'air agacé. Elle devait avoir quarante ans tout au plus.

L’instant dura une minute, ou deux, puis, elle prit la parole.

—Vous n’êtes pas bien malin, monsieur Van Lier, Joseph. Son français était gramaticalement bon mais infesté d’accent Chinois. Le “in” de malin avait sonné toulousaing et le “R” de Van Lier avait disparu.

— Pourquoi vous dites ça? dit Joe contrarié. Comme si la remarque désobligeante était le sujet principal de cette rencontre.

— Les Bitcoins que vous avez dépensé pour payer vos clients mécontents et pour vous acheter, elle sortit un calepin et lut: une console de jeu, 4 abonnements porno, des notes plutôt salées dans des restos, et une montre de luxe. Elle se tut encore un instant et tira sur sa cigarette.

— Tu croyais pouvoir te faire plaisir avec MON pognon? Tu penses que je suis ta pute, Van Lier Joseph? Le ton était monté brusquement et le vouvoiement avait disparu. Il y eut un blanc de quelques secondes et Joe osa:

— De quel argent vous parlez?

— Mmmm, monsieur Soleil va vous aider à retrouver la mémoire.

Elle hocha la tête vers la caméra au plafond et presque immédiatement surgit par la porte un homme épais, asiatique lui aussi, qui infligea une paire de baffes, coup droit revers à Joe. Son visage gardait encore les traces bleutée que l’urinoir avait laissé sur son nez, les gifles lui firent extrêmement mal. Il émit un petit gémissement. Tout se déroulait décidément comme prévu.

— Alors? demanda la femme

— Oui bon j’ai trouvé l’argent et j’en avais besoin. Wen est mort de toute façon, c’est pas comme s’il allait l’utiliser.

— Oui effectivement, je comprends votre point de vue, excepté que ce n’était pas son argent. C’était le mien, ou plutôt celui de mes clients comme on dit dans ma situation. Elle s’assit devant Joe. Elle écrasa sa cigarette, sortit la suivante de son étui doré, l’alluma et continua.

— Voyez-vous Wen n’était pas un simple étudiant d’échange. Disons qu’il travaillait pour son gouvernement. Sans rentrer dans les détails, nous l’avions placé à Louvain-la-Neuve pour qu’il rassemble des renseignements pour notre gouvernement.

— Wen m’espionnait pour le compte des chinois? Cela explique bien des choses remarqua Joe.

Elle tourna la tête vers Joe avec une expression perplexe. Puis éclata de rire!

— Monsieur Soleil, vous entendez, dit-elle en parlant à la caméra, il pense qu’on l’espionne, lui le savant de l’Université, le génie du crime international, le revendeur de petites culottes usagées, L’empire du milieu craint et meurt de connaître les secrets de Monsieur Van Lier Joe. Elle essuya ses larmes.

— Pas la peine de m’insulter. Maugréa Joe.

— Ne soyez pas stupide. Vous êtes insignifiant, dit-elle.

— Si je suis insignifiant pourquoi suis-je ici?

— C’est une très bonne question, à défaut d’être brillant, vous êtes un curieux, Van Lier et cela nous plait bien.

— Reprenons, les gens à qui nous nous intéressons sont ceux dont vous avez dépensé l’argent. Wen avait réussi à subtiliser les codes du wallet et nous comptions les utiliser pour surveiller les activités du portefeuille et pour essayer d’identifier les mailles du réseau. Une fois que nous aurions pu à qui l’argent était envoyé, nous aurions pu poursuivre l’enquête et identifier les acteurs clandestins du réseau.

— Vous parlez de la mosquée Biéreau?

— Vous voyez quand vous voulez. Comme vous avez détruit notre chance d’obtenir les informations par cette voie qui avait été durement obtenue par notre ami Wen. Nous sommes coincés. D’une part, ils savent que quelqu’un a subtilisé leur argent, mais ils ne savent pas qui. Nous pourrions leur donner vos coordonnées, vous savez comment ces sauvages traitent les voleurs, n’est-ce pas?

Une enclume tomba dans l’estomac de Joe. Une sueur froide lui parcourut le corps.

— J’ai entendu les rumeurs, oui. Il se rappela de l'exécution d’un gouverneur chinois qui avait tourné sur internet. Il avala sa salive et dit:

— Et si vous ne donniez pas mes coordonnées?

— Nous pourrions en effet trouver un arrangement. Par exemple rediriger votre wallet à l’un de nos agents, très loin d’ici ou leur faire croire à un piratage informatique et éloigner cette menace de vous.

Joe fut soudainement rassuré.

— Néanmoins, notre aide a un prix comme vous pouvez l’imaginer.

— Je vous rendrai l’argent, je trouverai un moyen.

— Illégal sans doute. Non, les, en ouvrant à nouveau son calepin, 8345 euros que vous avez dépensé, dois-je ajouter d’une manière extrêmement stupide, ne nous intéressent pas. Vous allez nous rendre le reste par contre, mais surtout vous allez nous aider à regagner la confiance du groupe. Et vous allez nous trouver les informations dont nous avons besoin.

— Vous voulez que j’infiltre un gang d’islamistes? Vous avez perdu la tête?! Je ne suis pas arabe, je n’y connais rien. Ils vont me démasquer immédiatement! protesta Joe.

— Tout cela s’apprend ne vous inquiétez pas. Mais surtout, vous êtes étudiant, et vous n’avez aucun passé administratif à part vos petits méfaits. Vous êtes un cancre et vous avez de l’argent familial. Vous vous droguez et vous avez manifestement un problème avec l’autorité vu vos antécédents pénaux. Il se peut que vous ayez soudainement acquis une conscience ou que vous cherchiez un peu de frissons dans votre vie franchement médiocre. Vous êtes le parfait candidat au Jihad mon cher ami!

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