Chapitre 15: Le Califat
L’Etat Islamique du Milieu, baptisé le “nouveau Califat”, le califat oriental ou EIM par les médias, avait connu un succès notable et fulgurant. En quelques mois seulement, il avait attiré militants musulmans de diverses régions du monde, en particulier du Pakistan, d'Afghanistan, d'Indonésie et de Birmanie. Il faut dire que beaucoup d’entre eux n'attendaient que ça. L’opportunité de reprendre les armes et regagner l'autodétermination et la liberté totale de culte par la force, Israël y était parvenu, alors pourquoi pas eux? Les recruteurs travaillaient dur sur les réseaux sociaux pour attirer les jeunes désœuvrés du monde arabe. Ils n’avaient pas encore étendu leurs griffes jusqu’en occident ou les nouvelles de l’oppression ouïgoure ne rencontraient pas un intérêt notable. Mais ce n’était qu’une question de temps.
Pour rejoindre le Califat oriental, les nouveaux moujahidines prenaient généralement un vol pour le Pakistan, puis continuaient leur périple vers l'Afghanistan par la route, avant de s'enfoncer dans les montagnes isolées du Xinjiang. Adoptant les tactiques d'Al-Qaïda, les moudjahidines se cachaient et s'entraînaient autour et dans les multiples réseaux de cavernes, devenant ainsi quasiment insaisissables malgré les frappes aériennes et les tentatives d'infiltration de l’armée chinoise.
L’influence du Califat s’étendait de jour en jour et comptait des cellules clandestines dispersées au quatre coins du monde arabe et au-delà. Profitant du succès de leurs opérations et de l’attention grandissante des médias, la vague de terreur du nouveau Califat dépassait les frontières chinoises. Un incident particulièrement marquant fut l'explosion d'une voiture piégée dans le chinatown de Bangkok. Plus d’une cinquantaine de morts et des centaines de blessés furent à déplorer. Le quartier fut bouclé pendant des semaines jusqu'à ce qu'on trouve les quatre terroristes birmans responsables. Ils furent arrêtés et condamnés à mort dans un procès expéditif dont le régime thailandais avait le secret. Mais cela ne fit qu’attiser la volonté sans faille des rebelles du monde entier.
Peu après, un autre acte d'une violence extrême frappa l'ambassade de Chine à Djakarta, causant la mort de dix diplomates. La vidéo de cet exploit sordide fit le tour des médias internationaux, l’on voyait les bourreaux asperger les visages de vitriol des diplomates ligotés à leurs chaises. Les médias avaient censurés la dureté des images mais l’on pouvait tout de même entendre leur cris de douleur sur certains montages moins regardant. Leur souffrance fut soulagée par la lame du bourreau qu’il fila en travers de leur gorge. Le monde entier redoutait désormais l’Etat Ismalique du Milieu.
Le gouvernement chinois tenta tant bien que mal de dissimuler la révolte qui sévissait au sein du Xinjiang, mais les réseaux sociaux rendaient leur campagne de désinformation impossible. Le parti communiste chinois avaient la rage et redoublaient d’effort à coup de frappes aériennes, d’emprisonements arbitraires et de torture, mais rien n’y faisait. Le mouvement grandissait quotidiennement par l’arrivée de nouveaux combattants et par la libération des camps de travail.
L’opinion publique belge bien que terrifiée à l’idée de voir débarquer des attentats terroristes sur son territoire, sympathisait avec la cause ouigoure. De nombreux politiciens, de tous bords, minimisaient la menace du Califat. En période électorale, il était crucial de s'attirer les voix des communautés musulmanes du pays sans les aliéner. Il représentaient une fraction significative des votants, surtout à Bruxelles, et leur voix étaient les plus faciles à capter à coup de promesses de subsides, d’allocations et surtout de représentation sur la scène internationale. Ainsi, bien souvent, le hashtag #freepalestine ressortissait allègrement pendant les campagnes. On promettait de ne plus vendre d’armes à Israël, ou d’imposer des embargos, ce qui n’arrivait évidemment jamais et qui servait uniquement à souffler sur les braises de la colère des islamistes.
Les belges, par ailleurs, avaient été également soigneusement conditionnés pendant des années à se méfier des Chinois. Cette masse homogène et surpuissante, projetée comme une menace imminente, leur faisait peur. Les discours médiatiques avaient habilement instillé cette crainte, sculptant une image de l'ennemi chinois à travers des récits de domination économique, intellectuelle et d'espionnage industriel. Le peuple belge se considérait supérieur culturellement aux chinois et de loin. Il n’existait dans la mentalité belge que deux types de chinois. L'esclave docile du régime et le magnat milliardaire corrompu. Il était facile de ne s’identifier ni à l’un ni à l’autre. L’augmentation des classements des université chinoises sur la scène mondiale et la quantité des prix nobels décernés à des chinois ne pouvaient rien y faire. Le belge s’identifiait mieux avec les Ouïghours opprimés, c’était aussi simple que ça. On avait dressé les esprits à percevoir les Ouïghours non seulement comme des victimes de la machine chinoise, mais aussi comme des symboles de résistance contre l'oppression capitaliste.
Dans ce contexte, la cause ouïghoure était habilement présentée comme une lutte contre les excès du capitalisme, avec ses surprofits et sa surconsommation destructrice. Les méchants capitalistes, ces ogres modernes, étaient dépeints comme les véritables coupables de la situation des Ouïghours. Cette trame trouvait un écho particulier en Belgique, où le sentiment anti-capitaliste était déjà bien ancré. En fin de compte, les Ouïghours, réduits en esclavage pour fabriquer des produits de qualité déplorable vendus sur Shein ou AliExpress, devenaient les martyrs d'une lutte plus vaste contre un système économique perverti.
Et pourtant, cette même Belgique, si prompte à dénoncer les dérives du capitalisme, voyait des millions de colis chinois déferler sur son territoire, principalement destinés aux plus pauvres, souvent les communautés maghrébines de Belgique. Ceux-là mêmes qui, tout en critiquant le système, n'avaient d'autre choix que de consommer les produits bon marché fabriqués par les Ouïgours réduits en esclavage.
On ne sut très bien comment, mais pendant quelques semaines les Ouïghours firent la une des journaux. Un creux médiatique probablement, ou alors un bureaucrate dissimulé dans les couches administratives du pouvoir de l’union européenne en avait décidé ainsi. On se mit à déblatérer sur leur situation et leurs tribulations. Bientôt les politiciens se creusèrent durement les méninges pour trouver des programmes et des solutions aux problème ouïghour. Il fut décidé qu’on établirait un programme pour les accueillir. On accepterait les demandes d’asile en priorité au ressortissants chinois persécutés dans le xinjiang et le gouvernement belge promit trois mille permis de séjour aux ouïghours qui se présenteraient à la frontière belge. Ce qui était bien évidemment très compliqué à moins d’arriver en avion ou par la route mais en évitant tous les postes frontières de l’Europe jusqu’à la Belgique. Très vite les réseaux de passeurs se mirent en place et les caravanes de réfugiés ouïghours arrivèrent en Belgique. Au début au compte goutte, finalement ce furent des centaines qui établirent un campement en face de l’office des étrangers sur le parc Maximilien dans le Nord de Bruxelles.
Cela va sans dire, tout le monde n’était pas d’accord pour accueillir les réfugiés ouïghours. Ceux-là même qui voyaient leur pays se faire dévorer par un mal religieux trouvaient cette promesse électorale tout bonnement insupportable. N’était-ce déjà pas suffisant de voir des quartiers entiers aux mains des islamistes ? N’était-ce pas suffisant de servir de la viande halal dans les cantines ou d'adapter les horaires de piscine ? Les immigrés maghrébins, en surnombre dans les quartiers en difficulté, votaient déjà les lois et imposaient leur culture barbare aux Belges de souche qui se désespéraient de voir la société changer. La réaction des groupes extrémistes de droite ne se fit pas attendre. Les Combat 18 s’organisèrent rapidement pour faire bloc et semer la terreur dans les camps de réfugiés. Armés de battes de baseball et de cocktails Molotov, ils cherchaient à dissuader les migrants de venir en Belgique, mais également à semer la discorde au sein de la société belge. Seul un mort fut à déplorer, un réfugié qui n’avait pas eu le temps de sortir de sa tente à temps. Le cocktail molotov avait enflammé la tente en plastique qui lui avait fondu sur tout le corps. Brûlé au troisième degré par le plastique, il fut emmené à l’hôpital en urgence, où mourut avant d’avoir pu être examiné par un docteur de l’hôpital St Luc.
La Belgique avait promis les permis de séjour oui, mais ne s’attendait pas à vraiment devoir les délivrer. En plus, son administration catastrophique ne parvenait pas à délivrer les permis assez vite. Pour cacher ses immigrants que l’on ne savait voir, on se mit à approuver les permis sans prendre le soin de vérifier la bonne foi des individus qui se présentaient. Ce fut une aubaine pour le Califat du milieu. Il avait été décidé en haut lieu qu' on enverrait des frères faire le djihad, infiltrés parmi les migrants. Si les occidentaux pensaient que le califat était trop loin et que cela ne concernait que l’Asie, ils se trompaient lourdement. Le Califat frapperait le cœur de l’Europe pour envoyer son message.
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