Chapitre 29: Parking

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Joe

Le moteur de grosse berline allemande tournait au troisième sous-sol du parking de la faculté des sciences. L’homme de main était au volant et Madame Lune attendait Joe sur la banquette arrière en tripotant son téléphone. Joe ouvrit la portière et s’installa à l’arrière côté conducteur.

— Bonjour Joseph dit Madame Lune

— Bonjour répondit Joe. Il enchaîna, Ils sont partis. Le local est vide et la cave a été nettoyée. Ils préparent une attaque c’est sûr! Joe était agité. Il aurait voulu présenter le faits de manière plus calme et mesurée, mais il ne pouvait s’empêcher de paniquer. Des vies étaient en jeu, Joe sentait la pression monter. De plus, il ne pouvait en parler à personne d’autre. Il était enfin rassuré de pouvoir se confier à quelqu’un.

— Je vois. Répondit madame Lune. Elle se tut et regarda par la fenêtre. Nous n’avons rien trouvé sur le PC d’Abdel, C’est une contrariété. Surtout qu’il semblerait que vous ayez perdu tout contact. Selon nos informations, ils auraient quitté la planque de la rue Eggericx ce matin. Elle contient peut-être encore quelques indices, mais pour combien de temps? Les islamistes ont disparu dans la nature.

— Oui les planques oui, c’est ça! Il faut simplement envoyer la police scientifique sur les planques et le tour est joué! Ils trouverons les ADN, Le type d’explosif. Joe retrouvait un peu d'espoir. Madame Lune se tut un moment.

— Nous avons décidé de vous libérer de votre contrat avec nous. La mission est terminée. Nous ne sommes pas parvenus à nos fins. Je me suis trompé en vous recrutant. J’ai pris un risque et nous avons perdu. Nous vous avons remboursé vos dépenses fictives ce matin. Décidément vous nous prenez vraiment pour des imbéciles, travailler avec nous ne vous a rien appris ? On vous paie pour acheter votre silence, j’espère que c’est bien compris.

— Mais vous allez arrêter l’attaque? demanda Joe

— Tout cela ne vous regarde plus.

— On ne peut pas les laisser faire, c'est des malades sanguinaires! Dieu sait ce qu’ils ont fait en Chine avant d’arriver ici. Des milliers de gens vont mourir. Joe la suppliait.

— Comme je vous l’ai dit, tout ça ne vous concerne plus. Vous pouvez garder votre avis de grand expert géopolitique. Elle tendit le bras en passant devant lui pour ouvrir la portière. Nous nous réjouissons autant que vous de l’arrêt de notre collaboration. Je ne pense pas que nous nous reverrons.

— J’ai besoin de vous entendre dire que vous allez arrêter l’attaque. J’ai tout fait pour vous et vous allez me laisser tomber ? En plus on va tout me mettre sur le dos! Je trouverai quelqu’un qui fera quelque chose j’irai à la police! Je… Elle le coupa.

— Je n’ai pas dit ça. Il faut vous calmer, Joseph, dois-je vous rappeler à qui vous avez affaire? Joe leva le regard et vit les yeux menaçants du conducteur dans le rétroviseur. Madame Lune continua.

— Vous me rappelez quelqu’un, Joseph. Il y a quelques années, nous étions en mission en Afrique de l'Est. Nous étions venus négocier pour implanter une cimenterie dans une région tribale loin des villes. La région regorgeait de ressources naturelles, mais c’était un territoire sacré pour le village. On nous avait dit que personne n'accepterait jamais de le céder. Nous avons travaillé à couvert en allant voir les anciens du village un par un pour trouver les bons arguments. Ils ont accepté l’argent sans même négocier et nous avons scellé l’accord dans le plus grand secret.

Elle marqua une pause, observant Joe, puis reprit.

— Dans le village, il y avait une jeune fille, une idéaliste. Une fille admirable prête à tout pour sauver sa terre. Elle avait deviné ce qui se passait, il était inconcevable dans son esprit de ruiner la nature pour de l’argent. Alors, elle est allée voir la police pour dénoncer l'affaire. Comme vous vous en doutez, c’est les premiers que nous avions convaincus du bien fondé de notre projet. Ils lui ont conseillé de rester tranquille, de ne pas se mêler. Mais elle ne les a pas écoutés. Elle était convaincue que la morale, le bien vaincrait, que sa communauté la soutiendrait.

— Au début, nous avons cru que nous allions avoir à faire le sale travail. Mais figurez-vous que les siens s’en sont occupés pour nous. Ils ont réglé le problème. On l’a retrouvée dans un fossé, nue, battue à mort. Quelques mois plus tard, l’usine était dressée au milieu de la savane produisant des centaines de tonnes de ciment pour contribuer à l’industrialisation de l’Afrique. Avec elle des emplois, des écoles, des hôpitaux, des routes, la prospérité. Cela a coûté un peu d’argent en pots de vin et une vie. Une seule.

— Et alors? Vous êtes des salauds et vous manipulez les autres pour arriver à vos fins, ça je le savais déjà.

— Décidément, Joe, vous avez la tête dure. Prenez ceci comme un avertissement. Ne commettez pas la même erreur que Wen. Il avait oublié ce que nous étions.

— Et qu’êtes vous?

— Nous ne sommes que le manche de la hache.

Joe sortit de la voiture, l’esprit chamboulé. Les Chinois n'allaient pas arrêter les terroristes, il en était convaincu. D’une part, il ne pouvait pas faire un raid eux-mêmes, il devaient sûrement avertir le gouvernement belge qui allaient faire le raid. Et d’après les journaux, l’ambiance n’était pas au beau fixe entre les deux nations. Le support évident et tonitruant de la Belgique au réfugiés du Xinjiang avait été un doigt d’honneur à la figure de la superpuissance asiatique. Le Parti communicte Chinois avaient rendu une nation entière en esclavage. Qu’est-ce que c'était pour eux une centaine de belges morts?

De plus, un magnifique attentat, au cœur de l'Europe, entacherait la réputation des terroristes du Califat. Au plus il y pensait, au plus Joe était persuadé que Madame Lune et sa clique n’avaient aucun intérêt à arrêter Abdel. En fait, c'était carrément dans leur intérêt qu’un attentat se produise. Plus il ferait de victimes, plus on en parlerait dans les médias et plus la Chine serait confortée dans son traitement des ouïghours. Cela leur permettrait d’envoyer un énorme “on vous l’avait bien dit” à la face du monde.

L’attaque aurait bien lieu et Joe était le seul à pouvoir l’arrêter.

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