Chapitre 34:

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Abdel - Une semaine avant la nuit du 7 mars

Le messager n’était pas né dans la foi radicale, loin de là. Fils de commerçants modestes à Rotterdam, il avait grandi dans un foyer aimant. Rien dans son enfance ne laissait présager qu’il deviendrait un maillon clé du réseau du Califat. Mais tout avait changé il y a quelques années, lors d’une conférence à Istanbul. Pour sa thèse de doctorat, il avait choisi d’étudier les prêcheurs violents et leur influence sur la jeunesse du monde arabe. Il avait donc assisté pendant plusieurs jours à un symposium wahhabite.

Rahimullah était l’orateur principal. Les messager fut alors hypnotisé par la présence magnétique du Cheikh. Pendant deux heures, il avait captivé son auditoire en parlant de la grandeur de L’islam, de la nécessité de la justice divine, et de l’importance des sacrifices individuels pour le bien commun. Le messager, alors simple doctorant en sociologie, avait été subjugué. Ses recherches académiques sur l’oppression des minorités avaient trouvé un écho violent dans les paroles du Cheikh.

Après la conférence, il s’était approché de l’estrade pour lui parler. Rahimullah avait vu en lui un potentiel. Il n’était pas un guerrier, pas un futur martyr, mais il avait d’autres qualités. Intelligent, méthodique, capable de se fondre dans n’importe quel environnement social. Un profil parfait pour les tâches de l’ombre. Ce jour-là, Rahimullah lui avait parlé brièvement, mais ses mots étaient restés gravés.

— Tout le monde n’est pas destiné à manier une arme. Certains d’entre nous ont des talents différents. La plume est parfois plus puissante que l’épée. Si tu es sincère, il y aura une place pour toi dans notre mission. Lui avait-il dit.

Depuis ce jour, il était devenu un “messager”, un rouage discret mais essentiel du réseau. Trop lâche pour tuer, mais suffisamment dévoué et opportuniste pour accepter les missions de coursier. Il portait les messages, souvent cruciaux, qui scellaient les destins. Il ne posait jamais de questions, et il n’avait pas besoin de connaître tous les détails. Cela lui convenait. Il aimait l’idée de contribuer à une cause plus grande que lui, sans avoir à se salir les mains.

Professeur discret et apprécié par ses collègues, il enseignait l’interaction sociale et la dynamique des communautés marginalisées. À première vue, il n’était qu’un universitaire passionné, un homme aux idées progressistes qui donnait des conférences sur la diversité et l’inclusion. Mais derrière cette façade se cachait un dévouement sans faille à la cause djihadiste.

Ses ordres étaient simples : retrouver Abou Souleymane à bord du train de 6 h 32 reliant Rotterdam à Paris, wagon 7, siège 34. Le contenu de l’enveloppe, il était tenu de ne pas l’ouvrir, mais sa curiosité ne lui faisait jamais défaut. Il l’avait parcouru la veille et savait exactement ce qui attendait Abdel et son groupe.

Dans le train, il avait choisi une place stratégique, non loin de l’endroit convenu. Abou Souleymane était exactement comme on lui avait décrit. Il se leva et se dirigea vers le siège 34 de l’Eurostar. Il s’assit en face de lui et entama la conversation.

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Le train filait à travers la campagne grise, son rythme monotone ne laissant qu’un bourdonnement sourd en arrière-plan. Abdel, assis à une place isolée près de la fenêtre, fixait le paysage qui défilait, perdu dans ses pensées. Il avait reçu l’instruction d’être à bord, de se rendre au wagon 7, et d’attendre.

Quelques minutes plus tard, un homme s’assit en face de lui. La quarantaine, cheveux courts poivre et sel, vêtu d’un simple manteau noir. Rien ne le distinguait des autres passagers.

— Que la paix d’Allah soit avec toi, murmura l’homme.

— Et avec toi, répondit Abdel.

L’homme posa une enveloppe brune sur la table entre eux, la glissant du bout des doigts.

— Tu sais pourquoi je suis là. Abdel hocha la tête, ses yeux fixés sur l’enveloppe. Il sentait le poids de ce moment. Il n’y aurait pas de retour en arrière.

— Qu’y a-t-il dedans ? demanda-t-il, la voix basse.

— Le quand et le qui, mais pas le comment. C’est à toi de planifier le reste. Ton entraînement doit servir maintenant. Tu es l’homme de la situation, et tu peux compter sur des renforts. Des visiteurs de Tora Bora sont en chemin.

— Pourquoi maintenant ? demanda-t-il, cherchant à comprendre ce qui avait précipité sa mission finale.

Le messager esquissa un sourire.

— Suis les ordres, c’est tout ce que tu as besoin de savoir. Mais... je vais te donner une raison, pour que tu comprennes l’importance de ce moment. Un dignitaire Chinois arrive dans quelques jours. Il vient rencontrer l’ambassadeur et faire un discours au parlement Européen pour plaider contre les permis pour nos frères Ouïghour. Imagine l’impact : éliminer ces salauds chinois et envoyer un message clair au monde entier.

— Si dieu le veut. Répondit Abdel.

— Une fois lu et appris par cœur, l’enveloppe disparaît, c’est compris? Pas de téléphone, pas de mail, pas de photos. Une heure pour tout mémoriser, puis tu t’en débarrasses. Ton heure de gloire est arrivée, Abou Souleymane. Prépare-toi.

Il quitta la table sans un regard en arrière, laissant Abdel seul avec l’enveloppe. Abdel la prit délicatement, la tenant comme un artefact sacré. Il sentit le poids de la mission peser sur ses épaules, mais aussi une étrange exaltation. Tout ce qu’il avait appris, tout ce qu’il avait sacrifié, l’avait mené ici.

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