la quête
Chapitre 2 : l'enfant
Velrak rejetta les draps de soie, et se leva. Le petit cabinet de toilette masqué par une lourde tenture de velours était prêt. Il huma l'eau encore fumante, les volutes de vapeur exhalaient une légère odeur de jasmin. Il se saisit de l'éponge parfumée et ôta toute trace de ses ébats. Il mit en place soigneusement une perruque poudrée sur son crâne. La nuit commençait.
Peut-être que les filles n étaient pas assez jeunes. Sa lame avait soif d'innocence. Peut-être que le sacrifice d'un enfant serait une solution. Il lui fallait descendre au village. Il ceignit son baudrier, et l'épée au côté, excité d'avoir sans doute la solution, il monta les escaliers et ordonna qu'on lui ouvre la porte principale. Il fit seller son cheval noir, et partit droit vers le village de Palvyr.
Les lumières commençaient à s'éteindre une à une, la plupart des habitants se levaient tôt pour aller travailler la terre, ou couper le bois. Velrak réfléchit un instant puis dirigea sa monture vers une petite maison un peu à l'écart du village. Il sauta souplement à terre. Il tourna ses yeux rouges luisants vers l'animal et lui indiqua une zone herbeuse en contrebas. L'étalon le fixa un instant puis baissa la tête et s'éloigna dans la direction indiquée. Velrak frappa à la porte de la sage-femme. Après tout s'il lui fallait un enfant, autant en prendre un le plus jeune possible. Il entendit un pas traînant, le grincement du verrou, et une vieille femme aux cheveux rares lui ouvrit, une lampe allumée à la main. En le reconnaissant, elle se crispa puis fit une profonde révérence.
- Seigneur Velrak. Je suis honorée de votre présence.
- Sage-femme, conduis-moi à la maison du dernier-né.
Le visage de la femme blémit. Sans un mot, elle décrocha une cape usée , s'en enveloppa, les mains tremblantes. Elle sortit en refermant sa porte.
Le vent d'hiver fouettait violemment les vêtements. La sage-femme resserra la cape autour de sa frêle carcasse et commença à descendre la rue principale. Quelques maisons plus bas, une lampe brillait à la fenêtre d'une maison assez cossue. Velrak rejetta le capuchon de sa cape en arrière. La sage-femme alertée par son brusque mouvement, se retourna vers lui, et vit à la lueur de la lampe, les narines de son long nez palpiter en humant l'air autour de lui. Le seigneur repoussa d'une main la pauvre femme, la projettant violemment au sol.
Il avait repéré sa proie. En un instant, il fut devant la porte. Il l'ouvrit avec fracas. On entendit un cri strident de femme et un hurlement plus grave. Velrak était déjà dehors un nourrisson vagissant dans le creux du bras.
La vieille femme n'osa pas se redresser avant son départ. Puis d'une démarche chancelante elle atteignit la porte restée ouverte, battant au vent. Un homme prostré le flanc dégoulinant de sang sanglotait devant le corps inerte de sa femme. La malheureuse avait eu la gorge proprement tranchée sur son lit d'accouchement, ses bras ne bercant plus que le linge dans lequel son fils avait été enveloppé.
Velrak avait déposé le nouveau-né hurlant sur l'autel de Ghenhorrott. Après une courte prière au dieu funeste, il leva son épée et lui enfonça dans le coeur. Le cri de l'enfant s'arrêta aussi net que sa vie. Velrak guettait le moindre changement de teinte de sa lame d'opale. Une infime lueur argentée remonta le fil de 'épée et s'évanouit à peine quelques secondes plus tard. De rage, le seigneur blême renversa l'autel de pierre écrasant le petit cadavre encore chaud.
Accoudé à la fenêtre de la tour haute, il plissait le front en se remémorant les paroles de la prêtresse. Où s'était-il fourvoyé ? Sans voir les premières lueurs de l'aube qui s'allumaient à l'est, il s'interrogeait sur la façon de rendre la lame d'opale réceptive à sa question.
La première flèche de lumière solaire, fit grésiller le dos de sa main droite. En jurant, il rentra dans la tour et redescendit dans le caveau. En descendant les degrés qui le ramenait en sécurité, il comprit que jamais la vie trop courte d'un enfant ne pourrait être assez puissante pour éveiller sa lame. Jamais la volonté d'un si jeune être n'avait rencontré la moindre tentation. Il lui fallait chercher une proie plus mûre qui avait repoussé la tentation du mal sans y céder.
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