Le saint
Velrak s'éveilla alors que le crépuscule commençait à peine à poindre. Il houspilla son serviteur trop lent qui lui amenait ses vêtements. Fidèle à la tradition, le seigneur portait une veste de brocart anthracite brodée aux armes des Borgias.
Gwyrf, en donnant une bourrade supplémentaire au jeune serviteur qui se retirait, s'inclina devant son maître et lui tendit ensuite une missive de la prêtresse. Velrak la lui arracha des mains. Il la parcourut rapidement. Un jeune hérétique , nommé Yunus, attirait les foules. Il prônait un monde meilleur où le pardon, que seul son Dieu pourrait accorder, serait la clef du salut des hommes. Cette rebellion devait être promptement étouffée. Velrak rejetta le parchemin sur la table. Seuls les seigneurs Borgias avaient le droit de punir les fautes et le pardon ne serait jamais une option. Que des êtres inférieurs aient osé s'opposer à eux, ouvertement qui plus est, faisait enrager Velrak.
Il ordonna que l'on rassemble une centaine d'hommes et qu'on lui amène son armure.
Avec l'étendard à la tour déployé, Velrak dirigea ses hommes vers le village voisin , où prêchait Yunus.
Sur un signe de Velrak, à la lueur de la lune, les soldats se glissèrent silencieusement autour du campement des hérétiques. Ils s'étaient massés sur le flanc est du village de l'autre côté de la rivière. Les hommes à la tour encerclèrent les paysans ne laissant libre que l'accès à la rivière. Au faite de l'hiver, elle restait toujours vive et trop tumultueuse pour que la glace ne l'assagisse.
Aucun des disciples de Yunus ne montaient la garde. Toutes les tentes étaient semblables, de la toile brute sur des branches mal équarries. Un foyer au centre du campement illuminait les visages dévots tous tournés vers un jeune homme brun vêtu d'une simple tunique de lin. Avec des gestes amples et gracieux, il prêchait avec chaleur.
- Mes frères et soeurs, il est temps de retrouver le goût de la vie. Nul n'a le droit de vous arracher à votre famille et de vous torturer, fût-il seigneur ou soldat. Rebellez vous au nom du seul Dieu. Regagnez votre liberté !
Oui, Certains d'entre vous devront se sacrifier pour que les autres aient une vie meilleure. Mais seule la voie de la rébellion vous redonnera le droit de vivre comme vous l'entendez !
Velrak ricana en entendant ce discours tellement naïf. Et ordonna à ses hommes de charger. Les soldats, leurs sabres au clair, s'élancèrent sans bruit sur les paysans. Ils les fauchèrent par dizaines avant que la panique les fit hurler. Yunus les joues sillonnées de larmes, se porta au devant de Velrak.
- Tuez-nous, d'autres les remplaceront toujours. Le joug de l'oppression se brisera. Nous sommes la multitude et le sang de cette terre. Vous n'êtes que des parasites dont il faut se purger.
Velrak mit pied à terre, et fit face au jeune inconscient.
Il empoigna par les cheveux une femme qui restait bravement à côté du prophète. Il la maintint a genoux devant Yunus.
- Je vais l'occire devant toi, jeune impie. C'est ce que tu souhaites, apres tout, ricana-t-il d'autres vont la remplacer.
Et Velrak sortit un poignard de sa ceinture et lentement entama la peau de sa victime.
Yunus déchira sa tunique et offrit sa poitrine au seigneur sanglant.
- Epargnez cette femme et tuez moi. Ils sont faibles et ne sont coupables que de m'avoir suivi.
Velrak enfonça le poignard jusqu'à la garde dans la gorge de la femme et repoussa son corps.
Puis d'un geste presque amical, il entoura d'un bras les épaules du jeune homme, et le força à se relever.
Autour d'eux, les nombreux cadavres des fidèles impies couvraient le sol jusqu'à la rivière. Les soldats mirent le feu aux tentes et l'odeur lourde de sang fut couverte par celles des flammes.
Velrak assomma le prophète et le jetta sur sa monture. Il ordonna à ses hommes de surveiller le brasier et de tuer le moindre survivant.
Un sourire malsain éclairant son visage blafard, son trophée inconscient attaché en croupe, il partit au galop vers sa forteresse.
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