Chapitre 1 : Conséquence d’une Vie !

7 minutes de lecture

L’an trois de l’ère Darckienne, au cœur du Palais de Khalarie sur Terre 1, un maelstrom d’or se dissipa, révélant Kelly Darck. Sa démarche, empreinte de la grâce d’une diva des Podiums, contrastait avec l’éclat éphémère des joyaux qui se dispersaient dans l’éther lorsqu’elle relâcha sa chevelure. Puis, sa robe de dentelle évanescente se métamorphosa en un kimono de soie parsemé d’étoiles. Désinvolte, la Créatrice réarrangea une mèche rebelle, contemplant ses appartements qui lui avait cruellement manqué.

Un lustre ancien jetait une lumière tamisée, tandis que l’encens et les fleurs nocturnes imprégnaient la chambre d’un effluve enivrant. Le miroir de la coiffeuse vacilla puis se stabilisa. Un faciès vieilli, sévère, s’y révéla. Kara, son alter ego maléfique, aux pupilles d’argent, qui adorait la tourmenter. De son timbre de mégère, elle ouvrit les hostilités :

— Abandonner l’enfant… Est-ce vraiment ce que tu voulais ? Vois-tu ce que tu es en train de faire ?

À l’accusation, Kelly crispa les mains, ses ongles creusant la peau, des perles de sang s’égouttant de ses paumes :

— C’est nécessaire. Il doit grandir là-bas pour comprendre pourquoi il doit protéger ce monde.

Mais Kara ne se laissa pas convaincre aussi facilement, enfonçant davantage le couteau dans la plaie :

— Au prix de sa vie sans toi ? Quelques instants ici, des décennies ailleurs. Et Enlil ? Ne lui as-tu pas déjà pris assez ? L’empêcher d’être père, est-ce juste ?

Kelly se détourna, l’âme nouée. Ces quelques heures avec Baphomet revinrent à la surface : ses petites menottes agrippant les siennes. Les larmes lui montèrent : la douceur de son épiderme contre le sien, son souffle léger frôlant son cou. Malheureusement, les pensées conflictuelles se déchaînaient. Sous l'angoisse, elle trembla, dévorée par la culpabilité. Se dérobant à la satisfaction manifeste de son alter ego, elle effaça les traces de son élan de faiblesse, puis murmura :

— C’est un Darck, il... il comprendra.

Son reflet tronqué secoua la tête :

Et toi ? Que deviendras-tu, toi qui le chéris ? Peux-tu vraiment tolérer cet éloignement ?

Rassemblant ses forces, Kelly inspira profondément :

— Je supporterai tout pour ceux que j’aime. Parfois, cela signifie savoir lâcher prise. Et pour Enlil... tu as raison, il mérite mieux.

Agitée par cette lutte intérieure, Kelly ressentit une bouffée de chaleur l’engloutir. Sa poitrine se contracta violemment, comme si son cœur était sur le point d’exploser. Ses mains tremblèrent, puis une décharge fulgurante d’énergie s’en échappa. La déferlante dispersa la coiffeuse en fragments.

Ses jambes fléchirent. Elle s’effondra, submergée par une vulnérabilité écrasante. Tourmentée, la Créatrice redoutait déjà l’entretien crucial avec son fils aîné, sentant qu’elle se trouvait à la croisée des chemins.

Encore chamboulée, elle fixait les éclats éparpillés. Un silence pesant s’installa rompu seulement par sa respiration saccadée. Soudain, les débris épars frémirent, se regroupant peu à peu. Lentement, chaque morceau retrouva sa place originelle, et, en un instant, le reflet redevint intact, sans la moindre trace de l’incident. Kara s’y voyait toujours, un rictus sournois suspendu aux lèvres.

— Tu penses vraiment que tout peut se réparer d’un claquement de doigts Kelly ?

L’enquiquineuse laissa échapper un « Hihihi ! » glaçant, évoquant les vieilles sorcières des contes. Puis, sans prévenir, l’image s’effaça, ne renvoyant plus que Kelly, blême et bouleversée. Mélancolique, elle retint ses larmes, refusant de les laisser couler sur le tapis persan, et se recroquevilla sur la méridienne.

Peu à peu son chagrin s’atténua et son esprit vagabonda vers son bien-aimé. De fait exprès, ou pas, une force familière l’envahit.

Trente secondes plus tard alors son époux, Darrius Coltone Darck, se matérialisa – séduisant et irrésistible. Son pull ajusté soulignait sa carrure, et sa chevelure encadrait son visage sculpté. Il s’approcha, effleurant sa gorge du bout des doigts, déclenchant un frisson. Kelly ferma les yeux, savourant l’instant.

Il l’attira contre son buste, formant un cocon protecteur de ses bras. Elle sentit chaque battement de son cœur, une mélodie rassurante dissipant ses inquiétudes. Sa femme leva la tête, leurs lèvres se trouvèrent. D’abord suave et exploratoire, le baiser devint passionné, profond et inébranlable. Fronts pressés l’un contre l’autre, c’est haletants qu’ils se séparèrent. Alors, théâtrale, Darrius sortit une couronne de sa poche. D’un sourire tendre, il susurra :

— Pour toi, mon amour. En provenance directe du trésor d’Aphrodite.

Elle la tourna entre ses doigts, admirant la finesse du travail, puis la plaça sur sa coiffe avec une révérence solennelle :

— Tu sais toujours comment me surprendre. Merci, mon amour.

— Qu’est-ce qui te tracasse ?

— Cet univers et ses menaces constantes... parfois, ça m’épuise.

Darrius lui releva doucement le menton :

— Si ça devient trop lourd, je suis là. Et si tu veux rire, je peux te raconter l’histoire de la sorcière et de l’épouvantail.

Elle éclata de gaieté, ses soucis s’envolant un instant :

— Merci, mon tendre. Ta présence m’apaise.

— C’est mon rôle, après tout !

Ils se dirigèrent vers le lit, où Darrius s’installa en premier. Les draps de soie violets glissèrent, ajoutant une touche de luxe. Il tendit les bras, et elle vint s’y blottir. Le lustre de diamant projetait des reflets cristallins sur les murs, et leurs respirations s’accordèrent en harmonie. Alors qu’ils profitaient de cet instant de répit, une vibration presque imperceptible traversa l’espace autour d’eux. Kelly ressentit une pression, un signal annonciateur de l’approche d’une domination familière. Ses pensées furent interrompues par un tourbillon mordoré qui se matérialisa soudainement.

Enlil en sortit, majestueux, sa chevelure immaculée portée par des vents invisibles. Marqué par la noblesse et la fureur des âges, l’Imperator imposait le respect. Il se tenait là, pieds nus, vêtu d’un jean rouge brodé de fil d’or, et d’un débardeur noir soulignant sa musculature. Face à son fils, elle se redressa légèrement, cherchant dans les yeux de Darrius la force qui lui manquait. Que va-t-il me dire ? Que puis-je lui répondre ? Ses prunelles brillaient de la même volonté inébranlable que celles de sa mère, tandis qu’il toisait ses parents. Revêche, il déclara :

— Désolé d’arriver ainsi, mais j’ai besoin d’explications !

— À quel sujet ? murmura Kelly.

— Ne fais pas semblant, maman ! Hier, tu as joué sur ma faiblesse et mon sens du devoir pour m’arracher mon fils. Qu’il serve tes desseins, je l’accepte – c’est un Darck, c’est notre destin. Mais je refuse d’être écarté de son éducation.

Kelly s’approcha de son grand bébé, posant doucement ses mains ornées de bracelets sur ses épaules. Elle l’embrassa sur le front, avec une infinie tendresse. Enlil soupira, sentant le poids de l’émotion :

— Dis-moi où se trouve mon fils !

— Mon chéri, c’est bien plus complexe que tu ne le crois.

Enlil serra les poings :

— Mon engagement envers la Création a toujours été total. Ne suis-je pas destiné à chérir et protéger Baphomet ?

Les paroles d’Enlil la heurtèrent profondément. Elle reconnaissait la justesse de ses reproches, sachant que son affection pour Baphomet ne pouvait être contestée. Pourtant, le tourment de l’avoir éloigné de ses proches la consumait. Comment réconcilier cet amour incommensurable avec l’obligation de l’isoler ? Dans son regard, elle cherchait une lueur de compréhension, espérant qu’Enlil saisirait le dilemme déchirant entre ses devoirs maternels et la lourde responsabilité de préserver l’équilibre du cosmos.

Darrius intervint :

— Ta mère n’est pas la seule à blâmer. Nick et moi avons aussi participé à cette décision.

À la mention de son conjoint, Enlil se renfrogna davantage, laissant échapper :

— J’aurais dû m’en douter…

Elle voulait le réconforter, lui promettre que tout finirait bien. Cependant, les mots restaient bloqués. Comment expliquer que chaque choix, bien qu’atroce, avait été pris pour le protéger, pour assurer la sécurité de Baphomet ? Se remémorant les paroles insidieuses de Kara, la Matriarche rassembla toute sa résolution pour faire face à son fils :

— Il est crucial de le prémunir de Lilith, car son influence pourrait causer des ravages. Les Anciens, pour qui sa magie est une menace bien plus grande que la tienne, le traqueront sans relâche. Il est destiné à renverser Lucifer. Bien qu’innocent, son avènement instillerait la peur. Son existence doit rester secrète, jusqu’à ce qu’il plonge dans le chaudron, tel l’ingrédient létal.

Nuançant son autorité pour glisser sur la bonté, elle ajouta :

— Tu as raison, tu as le droit de rejoindre la troisième réalité. Ton époux et ton enfant seront ravis de te revoir. Ils sont sur l’île Mystique de Simone, la métempsycose de la Pythie de la Terre, qui veille sur eux.

Surpris par ce déséquilibre du projet cosmique, Darrius n’en montra rien et conclut calmement :

— Préviens-nous avant de traverser les dimensions.

L’Imperator prit une profonde inspiration et adressa à ses parents une œillade faussement courroucée, teintée de reconnaissance avant s’évaporer du décor. Ses sourcils se fronçant légèrement, comme s’il s’attendait à une explosion qui n’était jamais venue, Darrius murmura :

— Il a mieux réagi que je ne l’imaginais.

— Cette distance entre ce que j’aurais dû être en tant que mère, et ce que je suis... Comment ai-je pu laisser notre enfant souffrir de mes choix ?

Pour éviter qu’elle ne succombe à la mélancolie, il changea de sujet :

— Enlil avait de nombreuses responsabilités.

— Je les donnerai à Kieran.

— Tu sais qu’il déteste ces tâches ingrates. Aucun de nous ne les affectionne. Notre aîné est parfait pour ces basses besognes qu’il apprécie...

— Je n’aime pas lui imposer cela, mais il est le second Roi de la Magie, la charge lui revient.

Ils se tournèrent vers la fenêtre. À l’horizon, Khalarie et ses bâtiments cristallins se dressaient vers les cieux, tandis que les éclats de rire des Khals résonnaient sur les places ornées de fontaines de champagne. Pourtant une question la tourmentait : « Pourquoi ce calme chez mes ennemis ? ».

Depuis qu’elle avait fracturé l’âme du fondateur en quatre et scellé ses fragments dans les os de ses défunts champions, elle ne décelait plus la progression des Anciens. Une tempête se profilait, mais elle était préparée. Tout était planifié.

Cherchant tous deux à se vider l’esprit, l’époux idéal proposa :

— Et si nous réunissions la famille pour un verre à l’El Café des Délices.

Enthousiaste, Madame se précipita pour enlacer Monsieur, puis s’empressa de contacter mentalement ses deux autres fils pour les convier.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire limalh ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0