Chapitre 3 : Anarchie

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Marchand parmi le firmament constellé, Enlil survolait Khalarie. La toile cosmique, lointaine et indifférente, paraissait étrangère à l’agitation terrestre. Dans l’attente d’un indice quant au danger, l’Imperator vibrait sous la pression.

Soudain, un éclair déchira les précieux tel un arc-en-ciel. En un instant, sa famille apparut à ses côtés, leurs silhouettes se dessinant nettement contre l’obscurité. Enlil se rapprocha de Kayna et posa doucement sa main sur la tête de la jeune fille. Ce toucher, bien plus qu’un simple apaisement, servait de bouée essentielle, empêchant la tempête de doutes de l’entraîner vers la folie. Kieran, incapable de contenir son impatience, rompit l’instant :

— On n’a pas le temps pour ça,  lança-t-il, les mâchoires serrées.

Sous l’œillade incendiaire de son aîné, un frisson parcourut sa peau. Un calme lourd s’abattit, s’étirant en une éternité. Puis, d’un ton aussi tranchant qu’une dague, Enlil articula :

— Il y a toujours un moment pour la famille, surtout avant une bataille. Quelque chose te trouble, même si je n’inclus pas quoi. Cependant, ce n’est pas une raison pour me harceler. Rappelle-toi que je suis plus qu’un simple grand frère !

Kieran fixa Enlil avec une intensité qui aurait pu briser un homme moins aguerri :

— Tu ne comprends rien,  répliqua-t-il, plus agressif.

Flairant le point de non-retour, maman s’interposa avec autorité :

— Ça suffit ! 

Elle se plaça entre eux :

— Une menace tangible se profile, et nous l’affronterons en famille. Mettez vos différends de côté ; nous les réglerons après avoir remporté cette bataille.

Warren, en retrait, scrutait la cité en contrebas. Rien n’échappait à son attention ; les mouvements, les perturbations qui agitaient les rues de Khalarie se dessinaient clairement dans son esprit. Le moindre effluve portait des échos de crainte et de confusion, murmures discrets émanant des sujets.

Darrius s’avança à son tour, ses traits marqués par la gravité de la situation :

— Khalarie est notre territoire, et on va les écraser. 

— La population perd son sang-froid,  constata Lyana, désignant la ville de son index.

Un souffle de vent, chargé d’une odeur métallique, annonçant l’orage, les enveloppa. Enlil leva la main, imposant le calme alors qu’il sondait l’obscurité… … …

Et tout bascula.

Des détonations déchirèrent la nuit, projetant des vagues de destruction à travers la cité. Les éclats de Karistal volèrent en tous sens, se transformant en projectiles mortels. Les structures de Khalarie, symboles de puissance et de grandeur, vacillèrent sous les assauts répétés, tremblant avant de céder.

En proie à la panique, les habitants fuyaient en désordre, leurs hurlements se mêlant au grondement des effondrements. La ville, autrefois resplendissante, se muait en un champ de ruines. L’utopie crée venait de prendre fin !

Kelly plongea tel un rapace, ses vêtements flottant derrière elle, découvrant le chaos en contrebas. L’air, saturé de fumée, de métal en fusion, et de soufre, siffla à ses oreilles alors qu’elle piquait à une vitesse vertigineuse, focalisée sur un seul objectif : sauver son royaume. À hauteur du toit de l’Université des arts invisibles, elle se réfréna et se stoppa, marchant sur un sol inexistant.

Sous ses pieds, le monde se désintégrait. Les cris d’horreur résonnaient à travers le tumulte, amplifiant l’urgence de la situation. Kelly se sentit soudain submergée par une colère froide en voyant des enfants égarés, cherchant désespérément une protection qui leur échappait. Ses bras s’élevèrent, inondant l’espace d’une radiance éclatante, tandis que les gravures antiques sur ses bracelets pulsaient d’argent. Ses mudras précises dessinaient des sphères qui traversaient le ciel, déviant avec une exactitude implacable les projectiles hostiles.

Les tirs pleuvaient, mais Kelly restait concentrée, respirant calmement, tandis qu’elle maintenait la barrière mystique.

Darrius s’immisça dans ses pensées :

— Un maléfice de destruction à retardement est en place. Il faut agir vite.

— Nous devons d’abord identifier la source, répliqua-t-elle sèchement.

Ce n’était pas qu’un territoire, c’était son devoir, son foyer. L’ignorance de l’ennemi derrière cette tragédie attisait une frustration vorace, une soif de justice qui la rongeait. Pourtant, Kelly se refusait à céder à l’emportement. Sa rage deviendrait son arme.

Elle traça un glyphe complexe, ses doigts se mouvant avec dextérité. En un instant, un bouclier chakratique se matérialisa. Les projectiles s’écrasèrent contre la barrière, éclatant en étincelles qui dévoilaient le paysage dévasté.

Marqué par une sérénité austère la Créatrice se tourna, propulsant sa nuée mordorée. Kelly était bien plus qu’une guerrière ; elle était un symbole, un phare de puissance et de protection. Ceux qui avaient assisté à cette scène ne pouvaient qu’admirer la grandeur de cette figure inébranlable. Comprenant qu’elle ne pourrait en venir à bout tant que le maléfice n’avait pas été défait, elle changea de tactique :

— Enlil, renforce les défenses ! Je veux des éclaireurs partout, des sentinelles sur chaque point stratégique.

Elle s’adressa ensuite à Kayna, son expression se durcissant :

— Immobilise cette attaque selon mon enseignement.

L’adolescente, réprimant l’envie de se réjouir, s’éleva rapidement jusqu’aux confins de la stratosphère. Là, isolée et en sécurité, elle pourrait maîtriser pleinement son sortilège. Depuis longtemps, elle attendait de tester véritablement ses prérogatives de Gardienne du Continuum.

En un instant, Enlil se centupla et, pareil à un général fixant son armée de clones, il ordonna :

— Aucun civil ne doit rester sans protection et tous doivent être évacués.

Les copies plongèrent tel un attroupement de corbeaux, glissant à travers la ville. Kayna inspira profondément, se raidissant à la manière d’une statue de marbre. Un éclat doré naquit de son front, puis se répandit, couvrant sa peau d’un voile scintillant. Paumes tournées vers les étoiles, ses bras s’élevèrent, dessinant un arc. Remplie de conviction, elle entama la première psalmodie, veillant particulièrement à son articulation :

« Tempus aeterna, vinctum luce, serva fluxum ».

Au fur et à mesure que l’incantation se déployait, des serpents de foudre jaillirent de ses ongles, se tordant et se mêlant, vibrant d’une force titanesque. Ces spirales, tirées du Continuum, l’encerclèrent formant une bulle radiante.

« Lux et tenebrae, immota permaneant, ad voluntatem meam »

L’orbe fut propulsé avec la vélocité d’une comète, touchant les toits et les rues, éteignant les flammes ravageuses, les figeant en sculptures incandescentes.

Et arriva l’ultime incantation :

« In pace aeternum, ardeat ignis, sed non urat »

Les mots pétrifièrent les débris, éclats et projectiles en plein vol, prisonniers d’une toile invisible, jusqu’à ce que tout vestige de chaos se retrouve entravé, allégeant ainsi le fardeau de Kelly. Naturellement, les cris moururent, les explosions s’étouffèrent, et le temps fut intégralement suspendu.

L’accomplissement ne put être célébré. Les clones d’Enlil, s’intégrant à l’action, ouvrirent un vortex – symbole d’espoir pour les civils terrifiés, les orientant vers la sureté du palais, unique refuge préservé par ses antiques sortilèges.

À l’ouest, Kieran, maître de la cryogénie, libéra un souffle glacial qui figea la fournaise en sculptures éphémères. Le givre se répandait en un clin d’œil, avant que le brasier ne réalise son annihilation.

Sur un autre front, Lyana déploya son sceptre à tête de serpent et convoqua les eaux violacées de l’océan. La vague se déchaîna, éteignant les dernières étincelles et emportant les vestiges calcinés du désastre, purifiant l’oxygène des cendres et des toxines.

Warren se déplaçait à une vitesse fulgurante, laissant une traînée chakratique dans son sillage. Ses mouvements défiaient la gravité. D’un simple effleurement, il apaisait les douleurs, guérissant à la fois les corps et les esprits. Son pouvoir allait bien au-delà : les décombres se dissipaient sur son passage, affranchissant ceux qui y étaient piégés.

Tandis que la bataille faisait rage, Darrius restait immobile. Et pour cause, sa projection astrale glissait parmi l’apocalypse, cherchant l’origine de l’assaut. Rejoignant Kelly par la pensée, il déclara :

— Ces attaques ne sont pas aléatoires. Tout fut calculé pour créer l’anarchie. Ils ont dû nous observer depuis des mois.

— Ils testent nos limites avant de se montrer, comprit-elle. Personne ne défie les Darck impunément !

Dressé dans les hauteurs, Enlil, figure énigmatique au cœur de la tempête, scrutait l’échiquier chaotique. Son intérêt se porta sur Darrius, qui réintégra sa forme corporelle et entama son rapport :

— Ils sont deux. Des Anciens, leur présence, bien que dissimulée, s’infiltrent de toute part.

— Où sont-ils ?

La question était directe, tranchante.

— Partout et nulle part à la fois. Ils ont disséminé des talismans balises à tous les coins de rue, les rendant impossibles à distinguer.

— À notre nez et à notre barbe ! Cela prouve que nous nous relâchons !

En moins de temps qu’il n’en faut pour débiter abracadabra, les habitants furent évacués, les incendies maîtrisés, et la catastrophe écartée... malheureusement des décès furent déplorés. S’élevant dans les airs, le clan forma un cercle autour d’Enlil, Darrius et Kelly, tandis que Khalarie restait suspendu et que les clones disparaissaient du paysage à la manière des mirages évanescents.

Warren qui de par son ouïe extrêmement fine avait suivi la conversation suggéra :

— Et si je les privais de leur cachette ?

En dépit de la gravité de la situation, ses iris brillaient de malice, tandis qu’il précisait :

— Je viens de concevoir un nouveau système. C’est l’occasion parfaite pour l’essayer. En plus, il neutralisera assurément le maléfice.

Partant du principe que celui qui ne dit mot consent, il tapota sa Magic-Watch, un sourire en coin :

— Alexa, confirme-moi que tous nos sujets se trouvent dans tes murs.

Effectivement, 1 000 092 individus sont au Palais, en plus de la princesse Lya, qui dort paisiblement. Nous déplorons deux cent vingt décès, dont j’ai capturé les âmes pour une éventuelle résurrection.

Le palpitant affolé, il déclara :

— Excellent ! Lance l’incantation de déphasage maintenant !

Êtes-vous sûr, Votre Altesse ? Nous ne l’avons pas encore mis à l’épreuve.

L’intelligence Magificielle avait une nuance d’hésitation, à son grand désarroi, son créateur n’était pas du genre à reculer :

— Alexa…

Bien, bien ! s’offusqua l’IM.

Sous l’observation de sa famille, le génie leva la paume. Un éclat smaragdin en jaillit, projeté avec force. Le faisceau atteignit le sommet du Palais avec une précision redoutable, se répandant en une pulsation qui parcourut toute la bâtisse. L’énergie se propagea ensuite le long des parois lisses, serpentant jusqu’aux souterrains où reposait l’Arcanoprocesseur. Les rainures marbrant la cité se teintèrent alors de vert, enveloppant même les cratères béants.

— Alexa, statut sur le flux chakratique ? exigea Warren, les sourcils froncés.

Stable, malheureusement la répartition est plus rapide que prévu. Réajustement des régulateurs en cours...

Les motifs complexes gravés par l’émeraude ondoyèrent, se mouvant telles des vagues à travers la désolation.

— Alexa, je vois des fluctuations sur les lignes primordiales. Ça pourrait déstructurer le système. Quel est ton plan B si ça arrive ? interrogea Warren, tendue.

Plan B en simulation... Le résultat indique un risque de rupture à 12 %. Toutefois, une reconfiguration de la grille principale pourrait compenser la surcharge.

— Exécute, mais dévie 20 % de la magie excédentaire vers les circuits secondaires pour éviter toute saturation critique.

Okay, reste zen !

— Alexa, ça circule mieux, cependant je capte toujours des pics d’instabilité sur les nœuds ouest et nord.

Anomalie détectée. Réalisation de la séquence d’équilibrage des nœuds en cours... Répartition du chakra vers les régulateurs... Stabilisation atteinte à 82 %... maintenant à 91 %.

Warren poussa un soupir de soulagement.

— Alexa, procédure de dissimulation active ?

Confirmation. Khalarie est en phase de déphasage. Opération à 100 %.

En un souffle subtil, les contours éclatés des bâtiments s’estompèrent graduellement, devenant translucides, puis presque invisibles. Les rues, les tours, et même le Palais, envahissaient l’impalpable, s’occultant définitivement à la vue. Ainsi, deux entités machiavéliques, dépourvues de tout refuge, furent dévoilées...

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