Vêtu d’un habit d’obsidienne, l’un des intrus avança, absorbant toute clarté environnante. Sous son capuchon, ses traits se perdaient dans une noirceur étouffante, tirant la vitalité du lieu. Ses doigts enserraient un sceptre dont l’extrémité portait un crâne gravé de symboles, diffusant un froid mordant, prémices de désolation. À ses côtés, un second personnage masqué arborait une teinte écarlate terrifiante, révélant une malice aiguë. Ses ailes, gigantesques et hérissées, paraissaient prêtes à lacérer le tissu même du monde.

Forgés par d’antiques guerres et des combats célestes, ces deux êtres exhalaient un danger au-delà du simple péril. Des échos de cataclysmes révolus enfouis parmi les archives de la Création. Il les reconnut : ces entités venaient d’Ardh al-Lajou, cette plaine extrastellaire d’Anaheim. Dédaignant la sécurité des siens, il s’avança vers les intrus, les muscles contractés, une moue arrogante étirant ses lèvres :

— Ah, des visiteurs inattendus. Que peut-on faire pour vous aujourd’hui ?

Des rires fusèrent des hauteurs où se trouvaient les Darck, tandis que les affreux échangeaient des œillades perplexes. Il ajouta, d’un ton presque amusé :

— Apparemment, tout ce vacarme visait à attirer notre attention. Vous auriez pu simplement demander audience… Frapper d’abord, discuter ensuite me semble quelque peu excessif.

— Qu’est-ce qu’il raconte ? demanda l’un des masqués.

Visiblement confus et feignant l’indifférence, l’autre haussa les épaules.

Maintenant qu’il avait ébranlé ses adversaires, un rugissement s’échappa de l’Imperator, un cri à faire trembler le globe. Les arbres furent déracinés, les rivières débordèrent, et une force mordorée l’entoura. Imperturbable, l’individu en habit d’obsidienne s’en approcha, son avancée déformant le sol. Il se redressa, imposant, et déclara avec hargne :

— Je suis l’Invokateur, maître des destinées, je manipule l’onirisme pour sculpter mes désirs.

Un frisson parcourut l’échine d’Enlil à l’évocation de cette compétence pernicieuse.

— Et moi, je suis le Mystificateur, renchérit son comparse, forgeur d’illusions, j’altère les perceptions pour révéler la vérité dans le mirage.

— Autrefois, nous étions une triade puissante. Mais lorsque nous sommes venus récupérer l’enfant adoré de notre génitrice et anéantir son œuvre abominable, il nous a piégés dans les noyaux des Pulsars jumeaux. Récemment, notre réclusion a cessé. Notre mère, la Destructrice, l’a senti et nous a ordonné de le retrouver et de tout décimer une fois de plus. Hélas, malgré nos recherches acharnées, le Fondateur, notre benjamin, demeure introuvable.

Leur attention se posa sur Kelly, une étrange familiarité, un écho d’un souvenir lointain et insaisissable se fit ressentir. Se reconcentrant, Le Mystificateur, pointant un doigt accusateur, se fit virulent :

— Vous, ses créations, l’avez dissimulé pour le protéger. Oseriez-vous le nier ?

Un éclat de rire glaçant résonna, alourdissant encore l’ambiance oppressante.

— Vous avez manqué beaucoup d’épisodes, les gars, mais pas d’inquiétude, le Scribe de l’Obscur raconte tout cela dans ses best-sellers interdimensionnels.

Anticipant ce qui allait suivre, les Darck reculèrent légèrement. Kelly et Darrius, conscients du tournant imminent, firent apparaître un sofa et une bouteille de champagne, parés à observer la confrontation. Pendant ce temps, Kieran, Lyana et Warren continuaient de planer, impatients de voir le spectacle se dérouler. Quant à Kayna, elle se tenait prête à agir au moindre signe.

— Navré de vous apprendre que ma mère, la Créatrice ici présente, a botté le cul de votre barjot de frangin… Et que cet univers n’est plus sa propriété.

— Elle ! Cette misérable ! Impossible…

Le masque narquois de l’Imperator se craquela, tandis que son chakra vira à l’ébène, l’entourant tel un prédateur affamé. Ce sorcier avait éliminé le Néant envoyé par la Destructrice et s’était approprié ses prérogatives.

— Je vais vous broyer, prévint-il avec une froide politesse.

— Ton arrogance te mènera à ta perte.

L’Invokateur, avec une assurance glaciale, fit briller ses orbites.

Le Darck libéra alors son pouvoir. Ses doigts, précis et rapides, tracèrent des cigils invisibles, tissant l’essence même d’une naine rouge dans une vague sombre, lourde et menaçante, qui émergea, fonçant droit sur le provocateur. D’une rotation du poignet, ce dernier invoqua une créature difforme, une bête suintante d’un liquide noirâtre et bourdonnant de manière lugubre. Ses griffes incandescentes déchirèrent l’attaque, la réduisant en une pluie d’étincelles.

L’Ancien fit un autre mouvement, et un serpent aqueux s’éleva, ondulant avec une agilité sinistre. Pivotante, une lame métaphysique jaillit de sa paume, sectionnant l’eau en deux. Le reptile s’évapora en une fine bruine, chaque goutte s’évanouissant avant d’atteindre le sol.

Un nouveau tour de passe-passe et un griffon éthéré plongea, tranchant l’espace avec une force redoutable. Un orbe géant apparut autour d’Enlil, qui se courba pour se protéger. La créature s’écrasa contre la barrière, sa frustration se dissipant en un vrombissement de sorcellerie.

Furieux, l’Invokateur décupla d’efforts, mais toutes ses attaques trouvaient son contre. Avec une précision mortelle, son adversaire esquivait, résistait, et frappait, aussi rapide que la pensée.

Le Mystificateur, en une série de mudras minutieusement calculées, façonnait des illusions si parfaites que la frontière entre réel et imaginaire se brouillait. Le Darck, scrutant ces mirages, ressentait une angoisse grandissante. Brusquement, l’ambiance devint une cacophonie de railleries accusatrices, esquissant des spectres de ses actes passés.

Une silhouette surgit - réplique de lui-même, le visage tordu par un rictus sadique. Ce double sinistre l’accabla de ses pires péchés : avidité insatiable, crimes perpétrés en secret, pulsions violentes longtemps réprimées. Les récriminations résonnaient, creusant une brèche dans ses défenses mentales, le rapprochant davantage de ses démons psychiques.

Heureusement une douceur perça les ténèbres, révélant un sosie différent marqué par la bonté et la générosité. Cette figure radieuse l’affronta avec la pureté de ses actions altruistes : le sens du devoir, l’amour de la famille, les sacrifices consentis pour le bien commun. Les deux visions s’opposèrent dévoilant ainsi la dualité qui l’habitait.

Avec une précision chirurgicale, le Mystificateur exposait sa folie et sa conscience. Les tableaux se succédaient, plus intenses. Il se voyait céder à la haine, suivis de scènes de tendresse et de compassion où il tendait la main pour aider.

Puis, comme un contrepoint, il se vit tenant son fils. Un sentiment de plénitude l’envahit. En acceptant la coexistence de son yin et de son yang, il conjura le sort, fusionnant ses deux moitiés en une force indomptable. L’onde qui en résulta dissipa les illusions, et les créatures invoquées s’évaporèrent. L’Invokateur recula, abasourdi par cette démonstration de puissance. Du haut des précieux, Kieran et Warren l’encouragèrent avec ferveur :

— Montre-leur qui commande ! Ne lâche rien !

Kelly, observant avec intensité, se tourna vers Darrius et déclara :

— Cette attaque était parfaite. Ils n’ont aucune chance.

— C’est vrai, ils puent le désespoir, confirma son mari avec un sourire en coin.

Engendrant une montée en puissance, l’Imperator libéra un maléfice si redoutable que le ciel s’obscurcit. Sentant le danger, les super-vilains combinèrent leurs pouvoirs, érigeant une barrière, fusion de réalité et de mirage.

— Kayna, appela-t-il mentalement. Prépare-toi à frapper !

— Compris, répondit l’adolescente.

Elle concentra son chakra au creux de ses paumes, formant deux sphères dorées crépitantes qui attendaient le moment opportun.

L’impact de l’attaque d’Enlil fut cataclysmique. Les rugissements de douleur des ennemis trahissaient la détresse éprouvée alors que leur cloison se fissurait. Exploitant la cassure, la princesse lança ses orbes, brisant définitivement la protection et les précipitant brutalement au tapis.

— Ils tentent de fuir ! s’écria Warren, galvanisé par la tournure des événements.

Blessés et épouvantés, les terroristes cherchaient désespérément une issue. Oncle et nièce, implacables, les acculaient.

— Nous ne pouvons pas les vaincre, gémit le Mystificateur.

— Alors nous périrons, répondit son frère avec témérité.

Un échange de regards suffit pour qu’Enlil et Kayna établissent une stratégie. L’adolescente canalisa un sortilège de paralysie, générant des filaments dorés qu’elle projeta avec précision, frappant l’Invokateur en plein torse.

Tourbillonnant au-dessus du sol, Enlil déchaîna des vagues de flammes dévastatrices, sa chevelure flottant avec une grâce sauvage. D’un bond, il pivota avec une agilité redoutable. Son poing, chargé de pouvoir, s’abattit sur le crâne du Mystificateur, l’impact résonna. L’ennemi fut catapulté au loin dans un fracas assourdissant.

Victorieux, le Darck progressa. Broyant les débris, ses pieds nus retentissaient tel un marteau cognant l’enclume. Il s’accroupit, agrippa l’Ancien par la nuque, refermant ses doigts avec une force implacable. Sans ménagement, il traîna son adversaire à travers les ruines et l’expédia jusqu’à son complice pareil à une poupée de chiffon.

Au-dessus des deux carcasses, Enlil tendit les mains, insufflant juste assez de chakra pour les réanimer. Profanant leurs mémoires, il fouilla le moindre recoin, violant leurs consciences avec indifférence. Il fut surpris de dénicher une zone totalement effacée, son contenu scellé et impénétrable. Mais il préféra ne pas insister, déjà suffisamment ébranlé par sa prospection, et poursuivit son exploration, redoutant d’en apprendre davantage. Les deux se tordaient sous la torture mentale, griffant le vide en une vaine tentative de résistance. Ayant obtenus ce qu’il souhaitait, il se retira, toisant avec mépris ceux qui avaient osé le défier qui gisaient dans une mare d’urine et de déjections bizarre.

L’adrénaline encore présente, Kayna pivota vers Tonton :

— Qu’as-tu découvert ?

Il se détourna, las, presque abattu :

— Il est trois heures du matin, ma chérie, et je suis épuisé. On en discutera au lever du jour. D’ici là, fais passer l’info : qu’on ne me dérange pas jusqu’à nouvel ordre !

S’avançant, il déposa un baiser sur son front avant de s’évaporer dans un vortex. L’attitude détachée de son oncle laissait présager un malaise qu’elle ne parvenait pas à dissiper. Ce qu’il avait trouvé l’avait ébranlé.

Désorientée, Princesse inspira profondément avant de se tourner vers son père et Warren. Ce dernier, après avoir consulté sa M-Watch, canalisa son pouvoir. En un instant, la cité disparue se reconstitua. Les habitants, regroupés aux nombreuses baies vitrées du palais, contemplaient le royaume avec désolation. Observant la scène, Kelly s’approcha des balcons avec une lenteur mesurée, susurrant des mots mystiques. Une nuée dorée apparut, telle une multitude de lucioles.

— Que notre demeure retrouve sa splendeur ! souffla-t-elle.

Sous les sanglots émerveillés des Khals, dont la plupart ne maîtrisaient que les rudiments de la magie, la brise dispersa la poussière enchantée. Les ruines s’évanouirent, révélant des murs étincelants, des jardins resplendissants de teintes variées et des fontaines jaillissantes de champagne millésimé. Des applaudissements éclatèrent, tandis que les louanges s’élevaient en l’honneur de la Créatrice et de ses alliés.

Le Sage de la Création, levant les bras vers le firmament, invoqua alors un cumulus rubis au-dessus de la ville. Intriguée, la population observa le phénomène. Puis, à son apogée, le nuage se dissipa en une pluie d’hémoglobine.

— Ne craignez rien, proclama Darrius. Ce sang vous libèrera des effrois de cette infamie et vous préparera à un avenir radieux.

Les filets écarlates se déversèrent doucement, tandis qu’ils quittaient le Palais en masse. Les sujets ressentirent bientôt une chaleur réconfortante. Leurs esprits, hantés par les visions de destruction, commencèrent à trouver la paix. Les pleurs de soulagement se mêlèrent aux gouttelettes pourpres, et la quiétude remplaça le traumatisme.

Pendant ce temps, Kieran et Lyana se dépêchèrent de conduire les envahisseurs vers les geôles horrifiques.