Chapitre 12 : L’Appel des Abysses.

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Au sommet du mont Sinaï, Lilith siégeait sur un amoncèlement d’os blanchi et vernis, comparable à une souveraine adulée. Ce trône, façonné autrefois par de fausses divinités, s’était imprégné de rituels prohibés. Les veines d’obsidienne qui le parcouraient pulsaient faiblement. À ses côtés, Ragië se tenait droit, affichant une nervosité à peine contenue. Solennelle, elle déclara :

— Notre cause requiert des alliés. Ta mission sera d’arpenter le monde pour rallier les anges déchus à notre bannière, qu’ils le désirent ou non.

D’une ferveur trop appuyée, Ragië clama :

— Je m’acquitterai de cette tâche avec dévotion, grand-mère.

Lilith inclina légèrement la tête – apparut le parchemin confié par Kara. Un murmure en langue morte le déverrouilla, libérant ainsi le plan du réseau de dolmens caché en ses fibres. La carte holographique vibra :

— Tu en auras besoin pour les retrouver, dit-elle en dupliquant le document avec précision.

Sans hésitation, Lilith saisit un athamé, une lame d’obsidienne enchâssée de gemmes ensanglantées, vestige d’un culte oublié. D’une vivacité impressionnante, elle entailla le poignet du Nécromancien. Son fluide coagulé relâcha quelques gouttes putrides sur le palimpseste, déclenchant un sortilège. Les runes se mirent à briller, comme éveillées par ce tribut de vie corrompue.

Elle le tendit ensuite, un éclat sinistre dans le regard :

— Pars maintenant et accomplis ta quête avec dévotion, car les ténèbres sont en attente.

Ragië prit le parchemin avec respect, conscient du poids de la tâche qui lui incombait, puis s’éloigna, prêt à entamer son périple parmi l’humanité.

Désormais seule, Lilith détacha la perle qui ornait son cou. Elle flotta, vibrant sous ses manipulations expertes. La splendeur de la pièce se réfléchit à travers le joyau, révélant un univers en miniature, des mondes enfermés dans les profondeurs du Karistal.

Une aura émana de l’Augure, et son coutumier timbre pompeux en sortit :

— Que désires-tu ?

Cette entité représentait le dernier vestige de l’union entre le Divin et le Profane. Forgé par Ëlara lors de la chute des Xandriens, il avait absorbé les larmes et le sang de ceux qui se sacrifièrent afin de défaire les démons de Yahvé. Lilith se fit glacial :

— Joins le Prophète infernal !

L’Augure pulsa. L’énergie spirituelle se mit en mouvement, guidée par la volonté de l’Artefact. Elle traversa les frontières, préservée des forces obscures, pour atteindre le Prophète infernal. Là, le cristal résonna avec les Enfers, révélant l’interlocuteur à travers son prisme.

Samaël, surpris par la présence de Lilith, se leva précipitamment du trône de serpent qu’il convoitait. Galérant à taire son trouble, il lâcha :

— Te voilà de retour, Reine ? s’étonna-t-il. Et avec un charme toujours aussi envoûtant, si ce n’est plus…

Bien que ravie qu’il ait remarqué sa mise à jour physique, elle resta impassible, le toisant :

— Je veux parler à Lucifer. Maintenant.

Sous l’effet de la peur, Samaël se transforma en un corbeau gigantesque. Ses plumes frémirent tandis qu’il déployait ses ailes avec majesté. Le battement puissant généra un vacarme lugubre.

Tout d’abord, il survola les cercles de l’Enfer, contournant les tourments et les terreurs. Puis, planant au-dessus de la Route du Pandémonium, il évita de justesse un jet de lave bouillante se faufilant autour du mont Glouton, une montagne de chair putréfiée. En approche de la tour Sulfureuse, il ralentit pour contempler le spectacle macabre. Enfin, il plongea à travers la cascade écarlate. Là, il descendit en spirale, ses serres griffant le sol devant l’entrée du Paradisium.

À l’intérieur, l’ambiance était moite, imprégnée de la fumée âcre des pipes infernales et du rire sinistre des démons. Des créatures de toutes sortes se prélassaient autour de tables branlantes, s’adonnant à des plaisirs dépravés.

Salamalek, le tenancier aux paupières cousues, l’accueillit d’un salut cérémonieux. Samaël le bouscula puis se fraya un chemin jusqu’à son Maître, qui se délectait dans l’orgie des péchés. Sentant son subalterne, Lucifer se redressa :

— Votre Perfidie... la Reine exige votre présence sans délai.

Lucifer, bien qu’imposant et fier, ne put dissimuler une légère hésitation. Une émotion rare pour le diable, mais une réalité qu’il ne pouvait nier. C’est virulent qu’il écartât ses amantes, tandis qu’il se transforma en une sphère incandescente qui traversa l’enfer avec vélocité. Lorsqu’il atteignit son Antre, il fut frappé par la vision de sa femme à travers le Prophète, assise avec majesté. Il fut étonné de son nouvel aspect, mais sachant qu’il était sur la sellette, il ne se risqua pas à la questionner. L’autorité qu’elle exerçait, via la projection, le subjuguait.

— Que veux-tu, Lilith ? demanda-t-il, englouti par un malaise croissant.

Brûlant de fureur contenue, son regard transperça Lucifer, qui en trembla. D’une mièvrerie pleine de menaces, elle lança :

— Tu oses te complaire dans la luxure, alors que j’étais perdue dans les abîmes de l’oubli. Tu n’as pas cherché à me retrouver, mon chéri, et ce, malgré mes multiples tentatives d’invocation ! Tu te délectes de tes infidélités, profitant des plaisirs de l’Enfer pendant que je languissais parmi la pourriture humaine !

Son époux avala difficilement sa salive, sentant la peur le mordre. Teinté d’une vulnérabilité qu’il aurait préféré dissimuler, il plaida sa cause :

— Voyons, damnée de mon cœur, tu sais très bien que le temps s’écoule différemment ici. Des jours infernaux sont des mois sur terre. Et pour ma défense, il t’arrive de disparaître plus longtemps sans que j’en sois informé. Je t’imaginais en train de poursuivre tes mystères dans les recoins inexplorés de notre royaume.

Lilith resta impassible :

— Cela ne t’a pas empêché de forniquer avec la lie de nos sujets ! Tu me dégoûtes !

— J’en suis désolé, vraiment ! Pardonne-moi, je t’en supplie. Je ne recommencerai plus.

— Des promesses vides, Lucifer ! tonna-t-elle. Tu dois prouver ta loyauté par des actes, et non par de simples mots !

Un silence pesant s’installa entre eux.

— Je ferai tout ce que tu exiges, articula-t-il, à peine audible.

— Très bien, Lucifer, déclara-t-elle. La Maladie, la Guerre et la Famine sont enfermées dans les geôles de Salamalek. Livre-les-moi.

— Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour te combler et me racheter, répondit-il. Et lorsque ce sera fait, je te rejoindrai sur Terre.

— Sache que je ne te fais pas confiance, et que je veillerai à ce que tu tiennes parole.

Un accord tacite fut ainsi scellé entre les deux amants déchus, chacun portant le poids de ses démons et de ses ambitions.

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