Chapitre 17 : Retrouvailles et Manigances

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Deux années s’étaient écoulées depuis qu’Enlil avait invité sa belle-sœur, par le biais de songes, aux Jeux Sorcellériques. Impatient de leur arrivée, l’Imperator détaillait les parois cristallines l’encerclant. Sur les reflets, l’espace dévoilait bien plus que ses frontières : l’écho d’un univers en expansion s’y manifestait. La naissance des étoiles, impulsée par l’origine même du Fondateur, se propageait dans une danse cosmique ininterrompue. La poussée initiale, encore active, traçait sa route.

À ses côtés, Nick demeurait immobile, bras croisés, formant un contraste frappant avec l’agitation de son mari. Warren, concentré sur son Ensorcetab, esquissait des runes et modulait des cadrans avec une précision chirurgicale. Puis, il pivota vers le Djinn :

— Que penses-tu de mon calcul sur l’application de la relativité ensorcelée ?

Warren lança l’Ensorcetab avec finesse. Son beau-frère l’attrapa, activa l’écran, et le théorème apparu en suspension. Nick déploya ses filaments, qui s’enroulèrent avec souplesse autour de la projection, la capturant. Sous son contrôle, les glyphes se remodelèrent, les formules s’ajustèrent.

Taquin, Enlil intervint :

— Corrige la fluctuation des particules exotiques du mana, sinon une confluence ésotérique pourrait ébranler la structure du sortilège.

Le duo de génie échangea une œillade faussement exaspérée. L’importun savoura leur réaction face à ses bêtises, qui à son grand désarroi ne réussirent pas à détendre son fils.

En retrait, Baphomet observait le point d’émergence avec une concentration presque fébrile. Les accomplissements de Kieran, Lyana et surtout Kayna hantaient ses pensées. L’histoire de son clan, en particulier celle de sa cousine, future Créatrice de l’Univers, pesait sur lui. Devant une telle destinée, il se sentait minuscule, accablé par un sentiment d’inutilité. Kelly Darck vouait-elle le même amour à ses petites-filles qu’à lui ? L’idée que son jumeau parasite l’ait peut-être dégoûtée le rongeait. Jamais sa grand-mère n’avait visité ses rêves... Seule tante Lyana et parfois Darrius y passait.

Simone, attentive, détecta la détresse de son prince. Elle s’approcha, établissant une connexion apaisante.

— De grandes épreuves te guettent, dit-elle calmement.

— Comment peux-tu en être sûre ? Le Prieuré attaque sans relâche, et les morts s’accumulent. Ma cousine, à douze ans, sauvait un monde entier face au Néant.

Enlil, s’avançant avec assurance, ajouta :

— Kayna, exilée dans le temps, loin du confort du Palais, a vu son enfance engloutie par l’entraînement. Devant vivre dans l’anonymat, ses contacts avec les siens se résumaient à la préparation d’une bataille épique aux enjeux cosmiques. Chacune de nos attentes pesait plus lourd que la précédente. Tu n’as jamais porté ce fardeau, aucune raison de t’en plaindre ne justifie ton mal-être.

Il s’interrompit, puis, d’une douceur nouvelle, reprit :

— C’était une époque différente. Ta grand-mère veille sur toi. Toi et tes cousines, vous êtes les Gardiens du pouvoir créateur. Apprécie le fait de t’être épanoui à l’abri des tempêtes, loin des épreuves brutales qui forgent dans la douleur. Tu en auras plus que ton lot à surmonter.

Un craquement sec brisa les échanges, suivi d’une détonation sourde. Le maelström apparut, ondulant dans l’espace avant de laisser une vibration ténue. Une silhouette émergea des résidus dissipés : Kieran. Lyana le suivait, tenant la menotte de Lya, tandis que Kayna les dépassa d’un pas résolu.

— Tonton !

L’exclamation joyeuse perfora le cosmos. Enlil ouvrit les bras ; la jeune fille s’élança...

— Ma grande !

Lya, éclatante d’enthousiasme, se précipita vers Warren qui l’attrapa pour l'entraîner dans un tourbillon enjoué.

— Toujours aussi curieuse, petite exploratrice ?

Simone en retrait, contrastait avec l’effervescence plus légère. Un échange imperceptible transperça Kieran et Lyana. Aucun mot ne fut prononcé, mais l’évidence du secret s’imposa.

Trois semaines s’étaient écoulées depuis le départ de l'aîné. Pourtant, ici, dix-sept années avaient filé. Fidèle à lui-même, l’Imperator mit fin à son hésitation :

— Vas-tu rester figé ?

Sans attendre de réponse, il s’avança et l’enlaça fermement. Kieran, tendu au départ, céda. Dans cette accolade, les douleurs traversées s’effacèrent définitivement…

— Frangin…

Impatiente, Lyana bouscula son mari avant de se jeter avec enthousiasme dans les bras de son beau-frère. Pendant ce temps, toisant le jeune homme Kieran déclara :

— Enchanté de te connaître, cher neveu.

Ne sachant comment réagir à cette froideur, Baphomet riposta avec mordant :

— Plaisir partagé, cher frère de mon père...

Un moment de gêne s’installa. Soudain, l’oncle passa un bras autour des épaules du garçon et, plus chaleureux, s’exclama :

— Viens par là, morveux !

Il l’enlaça tendrement, brisant toute solennité. Surprise, sa proie laissa échapper un éclair de joie involontaire, alors qu’il tentait de se dégager de l’ébouriffage. Après avoir libéré son cousin, pourtant plus âgé bien qu’il soit né après elle, Kayna s’avança et, d’une acidité maîtrisée, prononça :

— C’est donc toi ?

Il répondit avec un rictus en coin :

— En effet... et toi c’est donc toi ?

Un bref flottement s’installa, puis en chœur, ils éclatèrent de rire. La pression s’évapora comme un nuage chassé par le vent, laissant place à une complicité naturelle. Galvanisé par ces retrouvailles, Warren prit la direction des événements :

— Alors, ce n’est pas tout ça, mais vous n’êtes pas venus ici pour papoter !

Fascinée par les lieux, Kayna tourna lentement sur elle-même :

— Où sommes-nous, exactement ?

Fier comme un paon, l’oncle effleura la console et sur le ton de la confidence révéla :

— Bienvenue à cent kilomètres sous Terre, dans les entrailles de la Darck Magicologium.

Le génie enclencha un tapis ascendant. Une fois installés, l’Élevatap s’élança vers les hauteurs avec une rapidité saisissante. Les parois cristallines s’égayèrent d’un panorama à couper le souffle. L’univers, en pleine genèse, s’étirait ; des spirales tourbillonnaient, des nébuleuses naissaient, tandis que la flamboyance des astres mourants peignait une fresque éternellement éphémère.

— Sublime... souffla Kayna, happée par l’immensité.

Rivé à ce spectacle céleste, le Magicologue déclara :

— Ces miroirs ne sont pas qu’une œuvre d’art. Contrairement à celui de notre palais qui ne conduit qu’ici, Nick et moi l’avons conçu pour maîtriser les portes entre les mondes.

Croisant les bras, le Seigneur des Djinns enchaîna :

— Chaque surface réfléchissante est liée à l’un des huit domaines, ce qui explique sa forme octogonale. Un système d’ancrage entre les réalités, prévenant les distorsions qui pourraient engendrer le chaos.

Se grattant le cuir chevelu, Kieran s’enquit :

— Vous avez donc trouvé le moyen de coordonner les temporalités ?

L’attention toujours portée sur l’espace, son benjamin confirma :

— Précisément ! Toute dimension possède son rythme, mais nous avons percé le secret de leur harmonique. Sans cela, l’expansion cosmique s’essoufflerait, menant à l’effondrement.

Un silence pesa, puis il reprit, le ton plus grave :

— Pourtant, cette issue est inévitable... sauf si, peut-être...

L’Imperator compléta :

— À moins que nous ne triomphions des Anciens et nous appropriions leur territoire.

Nick surenchérit :

— Si nous y parvenons, l’artefact fracturera la barrière entre notre monde et Anaheim. La Création s’étendra, repoussant l’imparable pour des éons.

— Nous pourrions conjurer la fin…, comprit Kayna.

Extatique, Lya se jeta dans les bras d’Enlil, désignant les astérismes du doigt.

— Tonton ! Imagine... tout ça, éternel ! L’univers ne s’éteindrait jamais !

À destination, l’effervescence les engloutit immédiatement. Le centre nerveux de la multinationale foisonnait d’activités. Les parois, serties de gemmes précieuses, pulsaient à intervalles réguliers, émettant des ondes arkaniques qui serpentaient entre les rubis et le cobalt, dessinant des motifs sinueux en constant changement.

Warren ouvrait la marche, menant le groupe à travers la foule qui semblait évoluer en parfaite symbiose. Certains discutaient autour de tasses fumantes, dont les vapeurs formaient des arabesques dorées au-dessus de leurs têtes. D’autres, absorbés par leurs tâches, manipulaient des documents suspendus, tandis que des parchemins vivants oscillaient doucement à côté d’eux.

Au-dessus, des télépathes méditant transmettaient des messages aux différents services. L’ordre dans ce chaos paraissait dicté par les flux enchantés coulant à travers les murs.

Soudain, une silhouette émergea, filant à une vitesse vertigineuse. Elle sauta, tentant de donner à ses rotations une élégance qui lui échappa. À l’atterrissage, ses baskets aérolissantes frappèrent d’un fracas disproportionné, laissant dans son sillage une traînée pailletée, éparpillée tel un pet de licorne. En un battement, elle se retrouva face au Darck, un carnet flottant à ses côtés :

— Warren, 14 h, la Commission vous attend. Monsieur Nick, 16 h, le comité de l’Éther. Ensuite…

Les mots se déversaient sans relâche. La collaboratrice, plongée dans son énumération de tâches, n’accordait aucune attention au groupe qu’elle venait de stopper. Kayna fronça les sourcils :

— Ils sont avec moi aujourd’hui. Pas de service. Dégage !

L’assistante s’arrêta. Un hoquet étrange la secoua, et presque instantanément, se dispersa en nuée de papillons irisés dans les hauteurs du hall.

Kayna se tourna, les lèvres étirées d’un éclat de satisfaction. Nick, amusé, laissa échapper un souffle rieur, tandis que Warren, soulagé de cette interruption, reprit son avancée - l’arche imposante se profilant enfin devant eux.

À peine sorti, le Vieux-Port de Massilia s’étalait sous leurs yeux. Le rivage azur reflétait les derniers rayons d’Hélios, tandis que les embarcations élégantes, voiles déployées, glissaient sous la caresse du courant. Tout ici respirait une sérénité ancestrale, malgré le bruissement continu des vagues contre les quais.

Figée par la grandeur de la scène, et l’effervescence de Massilia, la Princesse resta quelques secondes immobile. L’incessant va-et-vient de la mer, qui effleurait les pavés millénaires, portait les histoires de civilisations oubliées.

— Magnifique, murmura-t-elle, absorbée par le spectacle.

Bien que familier de ce décor, Baphomet ne put s’empêcher de trouver un certain orgueil dans l’émerveillement de la visiteuse. Lya, incapable de contenir son enthousiasme, bondit vers une boutique de poupées enchantées. Warren, pris par l’énergie joyeuse, la suivit sans résister.

Pendant ce temps, les adultes flânaient au bord de l’eau, leurs échanges se mêlant au brouhaha des passants et à l’écho lointain des vagues. Enlil, toujours en verve, relatait une anecdote à Nick, interrompu à plusieurs reprises par les éclats de Lyana. Un peu en retrait, Kieran savourait cet instant de calme, laissant la pesanteur des retrouvailles s’effacer peu à peu.

Marchant aux côtés de Baphomet, l’adolescente observa :

— Je reconnais bien l’empreinte de ton père.

Celui-ci acquiesça :

— Tu n’as encore rien vu. En deux ans, il a métamorphosé cet endroit. Hôtels, restaurants, chaumières de luxe, casinos… Tout ça appartient à son empire. Un véritable sanctuaire des plaisirs.

— Ça ne m’étonne pas. Papa m’a souvent raconté qu’Enlil regrettait l’époque des hommes de leur monde, ceux qui savaient comment profiter de la vie. Ici, il semble avoir recréé cet art de la distraction.

Ils longeaient une boutique au design avant-gardiste, où verre et métal se mêlaient, renvoyant les reflets dorés du crépuscule. L’enseigne du Darck Store brillait, ses lettres élégantes promettant des trésors uniques.

— Tu veux jeter un œil ? proposa-t-il, désignant l’entrée.

Kayna accepta. Nick à l'affût, appuyé nonchalamment contre une colonne, hocha simplement la tête avant de retourner à sa conversation.

L’intérieur ressemblait à un temple moderne dédié à la fusion de la magie et de la technologie. Derrière les vitrines, des artefacts novateurs lévitaient : sphères chatoyantes ; grimoires vibrant subtilement ; baguettes sculptées à la perfection, trônaient tels des joyaux rares.

Un conseiller, vif et empressé, s’approcha, son enthousiasme exagéré transparaissant :

— Baphomet Darck, je me trompe ? s’exclama-t-il, s’inclinant mollement. C’est un honneur de vous accueillir ! Laissez-moi vous présenter nos nouveautés…

Tranquille, mais assurée, sa Majestée Kayna s’interposa, ses prunelles chakratisèrent une frayeur qui s’empara aussitôt du vendeur. D’abord, il se figea de désarroi.

— On va se débrouiller, lâcha-t-elle, imperturbable.

Puis, un frisson courut l’échine du malotru avant qu’il ne s’éclipse maladroitement, sans demander son reste.

— Pas mal, cousine. Tu as appris ça où ?

— La Créatrice m’a transmis quelques techniques.

Mutique, un léger trémolo saccadait sa respiration. Après une hésitation, il céda :

— Je ne l’ai jamais rencontrée. J’aurais voulu…

Consciente du poids de ses mots, elle tenta d’amoindrir cette peine soudaine :

— Elle voyage entre les dimensions, le temps ; fomente des plans, et toi tu es né dans un moment charnière de notre histoire. Et même si tu ne l’as jamais vue, elle te connaît. Mamie suit tes progrès, malgré la distance.

Cette confidence le traversa comme une vague de réconfort inattendue. Sa posture, jusque-là rigide, se relâcha subtilement.

Prenant note du changement, Kayna chuchota :

— Ne t’inquiète pas pour ta nature. En fait, elle a sûrement déjà des projets pour ta moitié infernale. Mère-grand porte des responsabilités qu’elle ne peut se permettre de déléguer...

Puis, malicieuse, elle ajouta :

— Je peux t’apprendre deux ou trois choses… si tu me promets d’être attentif.

Le rire de Baphomet résonna, plus franc cette fois. Ils continuèrent l’exploration, se faufilant entre les étagères débordant de merveilles. Au détour d’une allée, un objet flottant à quelques centimètres au-dessus d’une plateforme dorée attira l’intérêt de la touriste. De plus près, elle comprit qu’il s’agissait d’un coussin.

— C’est quoi, ça ?

Son comparse s’avança, examinant le dispositif :

— Le Social Dream. Un prototype. Tu t’allonges, et ta conscience plonge dans un réseau de rêves partagés. Là, tu deviens ce que tu veux, tu vis ce que tu désires, sans aucune conséquence. Un jeu où l’influence est la clé.

La Princesse fronça légèrement les sourcils :

— Et Warren a réussi à manipuler quelque chose d’aussi insaisissable que les songes ?

— Notre oncle obtient toujours ce qu’il exige, affirma-t-il.

Après un dernier tour, ils quittèrent la boutique. Le soleil, bas à l’horizon, projetait ses rayons cuivrés sur la méditerranée bordant le port. Parfumée par les effluves de fruits de mer grillés, une brise accompagna leur marche jusqu’au restaurant, ou une partie de la famille était installée à une table avec vue sur l’empire des ondes.

Enlil, Nick, Lyana, Simone et Kieran échangeaient avec enthousiasme lorsque Kayna et Baphomet les rejoignirent. Tout en profitant de son cognac, l’Imperator demanda :

— Alors, le Darck Store, quelles sont tes impressions ?

Les ados partagèrent un bref rictus avant qu’elle ne réponde :

— C’est bluffant, mais il y a encore des points à améliorer. Un logo ; des vendeurs moins pressants ; une décoration plus subtile ; une variation de couleurs pour les accessoires, ou un enchantement qui harmonise les teintes…

Un rire profond échappa à son oncle, qui reposa son verre de whisky. Nick, concentré sur la conversation, attrapa une frite et en apprécia la texture. Autour d’eux, le léger mouvement des vagues se mêlait à l’agitation tranquille du port.

Enfin, Warren fit son apparition. Toutefois, ce n’était pas tout. Lya à sa suite était accompagnée d’une poupée, réplique grandeur nature d’elle-même. Tout y reflétait parfaitement l’originale.

— Regardez ! s’exclama la sorceline, excitée. J’ai une jumelle ! Elle a mes souvenirs et mon caractère ! Bon, pas mes pouvoirs ! Ça, tonton a refusé.

Animé d’une étrange vivacité, le jouet s’adressa à tous avec un enthousiasme inattendu :

— Salut !

Les réactions furent de l’étonnement pur, chacun absorbant la scène singulière. Lya la plaça à côté d’elle. Lyana, se tournant vers l’oncle trop permissif, leva un sourcil avec perplexité :

— D’où te viennent ces idées ? C’est bien ton genre, n’est-ce pas ?

— Quoi ? Juste une création rigolote... Je t’assure, tout est sous contrôle. J’ai refilé le brevet aux commerçants. Ce fut une soudaine inspiration de ta fille cela dit.

Lyana, peu convaincue, croisa les bras :

— Sous contrôle ? Et si elles se disputent ? Ou si cette « poupée » veut autre chose ?

Warren haussa les épaules avec nonchalance.

— Tout devrait bien se passer… en principe.

— Il aurait pu en faire trois, se moqua Enlil.

Nick, tout en ajoutant du ketchup à son plat, fit une remarque amusée :

— Je me demande si cette jumelle aura son propre goût pour les desserts... ou si elle piquera ceux de Lya.

Il déclencha l’hilarité de la sorceline, bientôt imitée par sa « sœur ». La soirée se poursuivit. Parsemée de rigolade et d’histoires exagérées.

Warren captivait Kayna avec ses récits sur ses derniers travaux au Darck Magicologium, ses mains gesticulant pour accompagner ses paroles, ses yeux brillants d’enthousiasme. Lyana, concentrée à frotter une tache de sauce tomate sur sa robe, écoutait d’une oreille distraite, tandis que Kieran, désormais détendu, fit signe discrètement aux garçons pour qu’ils lui apportent la carte des entremets.

Enlil se tourna vers sa belle-sœur :

— Et ma mère ? Toujours aussi douée pour manipuler son petit monde ?

Laissant échapper un rire superficiel, Lyana répliqua sans hésitation :

— Plus que jamais. Elle se rendait en l’an 30 de Terre 3 avant notre départ.

Nick, amusé par cet échange, mordit dans une autre frite croustillante, et confirma ce que tous savaient déjà :

— Kelly ne perd jamais de temps, lança-t-il. Quand elle prévoit quelque chose, tout se déroule comme sur des roulettes. Mais cette fois, ses ambitions me semblent presque démesurées.

Lyana hocha la tête, son expression se durcissant sous le poids de sa réflexion.

— C’est vrai. Pourtant, elle paraît plus distante, comme si quelque chose la rongeait. J’ai l’impression qu’elle nous cache quelque chose de crucial.

Les desserts prirent forme au centre de la table, leur apparition se faisant en un éclair. Lya, bouche bée, resta figée devant un banana split gigantesque, éblouie par la montagne de crème fouettée, les morceaux de chocolat brillant sous l’éclat des lampions.

Kieran qui se redressa devint tout à coup sérieux.

— D’ailleurs, il y a un autre point qui me travaille, l’Invokateur et le Mystifikateur sont sous la garde de Farouh Siriki.

En pleine dégustation, Enlil faillit lâcher sa cuillère :

— Notre grand-mère ? La Gardienne de l’Entre-deux-Mondes ? s’exclama-t-il, posant sa coupe de fruits. Pourquoi les cloitrés dans le cocon édénique du Royaume des Défunts ? Je pensais qu’elle les enverrait droit dans les geôles de Lucifer.

— Ils auraient dû y finir... Mais pour une raison qui m’échappe, elle les préserve là-bas.

Enlil se frotta le menton, à la recherche d’une explication plausible, lorsque son fils mit le doigt sur l’évidence :

— Pour des êtres tels que ceux-ci, l’Enfer est une partie plaisirs, mais un domaine rose bonbon ça c’est de la torture.

Peu à peu, au gré des coups de cuillère, l’ambiance se mua. Nick échangea un signe rapide avec Enlil, Simone et Warren.

La Pythie, jusque-là discrète, se redressa et dégaina une baguette d’émeraude de son corsage. D’un tour sec, elle l’éleva, déclenchant une pulsation légère qui se resserra en une sphère invisible, étouffant les murmures et les échos alentour. Sa co-parente ayant reprit place, Nick annonça le pot aux roses :

— Une menace grandit et nous devons l’enrayer avant qu’elle ne devienne plus problématique qu’elle ne l’est déjà.

Tous se raidirent, attentifs :

— Le Prieuré inquisitoire. Ils ont infiltré nos rangs. Leur objectif principal... c’est Baphomet.

Lyana remarqua le détachement du concerné, face à la révélation. Ce petit bout de Darck avait hérité du courage d’Enlil associé à l’imprudence de Nick.

Après un moment où les pensées s’alignaient, Warren repartit :

— Le plan est simple. Nous avons attiré les managers de cette secte. Ils participeront aux Jeux Sorcellériques, convaincus de pouvoir tuer Baphomet. Ce qu’ils ignorent, c’est que tout a été orchestré pour les piéger.

Fascinée Kayna enchaina :

— Comment comptez-vous les capturer ?

Enlil prit le relais :

— L’arène possède une protection empêchant le trépas. Ils ne pourront échapper à leur sort en se sacrifiant, comme à leur habitude. Une fois neutralisés, nous espérons, en profanant leurs mémoires, obtenir la localisation de leur bastion, ainsi que l’identité de leur dirigeant.

Un frisson parcourut la table. Tous comprenaient la complexité et l’ampleur du plan. Ce qui se préparait dépassait largement la tranquillité des vacances qu’ils avaient imaginée.

— Pendant que vous téléchargez les réminiscences dans des pièces Mémorus, Nick traitera les données.

Les Jeux, bien plus qu’une compétition, allaient devenir le théâtre d’une confrontation cruciale. Warren, sentant la crispation se leva, faisant presque voler sa chaise :

— Assez parlé de traîtres et de complots !

Un sourcil hissé, Kayna resta un instant intriguée par l’enthousiasme inattendu de son oncle :

— Préparer ? Que veux-tu dire par là ?

Sans se départir de son air détendu, Warren fit apparaître un téléphone entre ses doigts. Il navigua rapidement dessus, puis le tendit à Kayna.

— Tu veux faire sensation, non ? Il est temps de l’annoncer en grande pompe. Publie quelque chose sur les réseaux. Fais-les se poser des questions, montre que tu es là.

Kayna observa brièvement l’écran, avant de le lui rendre :

— Désolée, c’est pas mon truc !

Warren rangea son Magic-Phone, alors que son neveu se releva, une idée le traversant :

— On ne va pas se présenter aux Jeux sans la tenue adéquate !

Elle le scruta avec méfiance :

— Qu’est-ce que tu mijotes ?

Théâtral, Baphomet s’écria :

— Shopping !

Mi-amusée, mi-sérieuse, elle s’étonna :

— Vraiment ? Ce n’est pas vraiment le moment.

Baphomet, un air de faux sage, leva un doigt :

— Au contraire, c’est le timing parfait. Je n’ai pas pour habitude de me laisser bouffer par ces affreux !

Enlil intervint :

— Je suis d’accord.

Kayna hésita, puis se décida :

— Très bien, allons-y.

Baphomet s’élança vers les boutiques de luxe bordant les quais, tandis que l’un des adultes réglait l’adition.

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