Chapitre 20 : Le lancement des Jeux Sorcéllerik

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Chapitre20 : Le lancement des Jeux Sorcélleriques

Kieran errait dans la cuisine de la villa Siriki, l’éclat argenté des lunes gambillait sur les louches étincelantes, le fouet délicat, des culs-de-poule en inoxite, et un piano de cuisson enchanté. Le calme nocturne cédait la place à une effervescence sourde émanant de la salle de projection. Lya et sa poupée vivante s’affairaient, impatientes de plonger dans le lancement des Jeux Sorcelleriques. Depuis toujours, concocter était pour le Roi une énigme, un défi qui, même avec ses pouvoirs, échappait à sa maîtrise. Ses derniers efforts avaient été un désastre monumental, si marquant que Lyana lui avait formellement interdit de faire avaler quoi que ce soit à leur fille qu’il aurait, par mégarde, ou bravade, créé.

Il fronça les sourcils, tentant de se remémorer ce que Warren lui avait raconté. Le Manasynth. Un artefact capable de matérialiser n’importe quelle spécialité.

Kieran se redressa et plaça sa main au-dessus du socle niché sur l’ilot central, qui aussitôt s’éclaira. À la suite de quoi, des filaments poussèrent à la surface :

— Deux croque-monsieur au salami.

Mais le souvenir de la poupée l’interrompit :

— Non, trois croque-monsieurs au salami !

D’abord un brouillard léger, puis une chosification ragoûtante et parfumée, plus convaincants qu’un fait maison, le fromage fondant déversant son onctuosité. L’eau, d’un éclat cristallin, s’incarna également, suivie de couverts ornés.

Kieran, satisfait, tendit la paume vers le plateau qui s’éleva en direction de la salle de projection, où les Lya, illico, cessèrent leur messe basse :

— Regarder ce que j’ai apporté ! annonça-t-il.

Les Lya illuminées par l’excitation se redressèrent :

— C’est incroyable, Papa ! Mais tu es sûr que c’est comestible ?

— J’ai utilisé le Manasynth, comme m’a conseillé Warren. Pas de ratage, ce soir !

— On peut manger avant le spectacle ?

Kieran acquiesça.

La petiote coupa un morceau du croque-monsieur, tandis que la poupée l’imitait. Kieran, apaisé, s’assit à leurs côtés, savourant cette parenthèse alors que l’éclairage se tamisa et que l’holoprojecteur inondait la pièce d’un halo violet. Une brève rediffusion de la cérémonie d’ouverture s’enchaina, puis sa femme, suspendue au-dessus d’une foule en délire à Massilia, apparut à l’écran. Enlil avait vu juste, Madame captait immédiatement l’attention :

— Maman est encore plus belle que d’habitude ! s’exclama sa fille.

En effet, Lyana portait un tailleur pantalon haute couture confectionné par Tom Ford. Ses cheveux immaculés ondulaient en cascades, tandis qu’une parure de Tanzanie, offerte par son époux, ornait son cou.

— Bien évidemment, répondit Papou, espiègle. C’est grâce à mon sens de la Mode !

Sans même le considérer, Lya haussa un sourcil exaspéré. :

— C’est ça ouais ! Mdr !

— Chut ! Ça commence ! s’énerva la poupée.

— Bienvenue à toutes et à tous ! Ce soir, nous ouvrons les portes d’une aventure sans précédent : les Jeux Sorcellériques !

Les caméras enchantées flottaient autour de l’Imperatrice Enchanteresse, capturant sa prestance et son glamour, lorsqu’elle tendit son micro vers une jeune femme exalter.

— Alors, pour qui avez-vous parié ? demanda-t-elle, enjouée.

— Elysia, évidemment ! Elle va tout dominer, c’est sûr ! Les Magimales sont imbattables !

La Présentatrice sourit avant de se tourner vers un groupe plus bruyant :

— Messieurs, un pronostic ?

Un homme, victime de la liqueur de mandragore hurla :

— Iscar ! Ce type est un mystère. Un sorcier non affilié, c’est rare.

L’excitation saturait les rues de Massilia, où alcool, fête et rivalité s’entremêlaient dans une euphorie collective. Les foules galvanisées chantaient et dansaient, chaque communauté soutenant ses favoris. Soudain, une équipe de puristes drapés de noir fit irruption, leur cri vibrant et déterminé s’élevant au-dessus du tumulte : « La magie n’est pas un spectacle ! » et « Compétition dénaturée, magie sacrée ! ». La poussière de Karistal qu’ils faisaient tourbillonner attirait l’attention en imageant leur propos.

Imperturbable, l’Iimperatrice Présentatrice fit apparaître son sceptre, surmonté d’une tête de serpent aux pupilles améthyste, qu’elle fit virevolter telle une majorette. Alors, la poudre de mana enveloppa les importuns, les transformant en porcelets ailés, leurs jurons se muant en grognements grotesques.

Se tournant vers la Magicam, elle annonça :

— Ne craignez rien, mesdames et messieurs ; dans quelques heures, ces esprits troublés retrouveront leur forme d’origine. Maintenant, passons aux choses sérieuses.

Un vortex s’incarna sous ses escarpins, la propulsant à travers les cités comme une comète lumineuse. Elle traversait les rues, projetant des hologrammes à chaque arrêt, capturant l’énergie de la foule grandissante. Interviewant différentes personnes et recueillant leurs opinions, exposant certains participants qu’elle savait d’avance médiocres, elle conseilla même à l’un d’eux de se retirer.
Puis, arrivée à la Termitière de Jade, Lyana exhiba un prodige Magimales, de l’âge de Baphomet. Elle portait les cheveux courts, et ses prunelles de jade dissimulaient de nombreux secrets.

— Voici Elysia, susceptible d’adopter des aspects aussi effrayants que charmants.

Alors que la concurrente était absorbée par un puits d’ombre la conduisant aux vestiaires, Lyana poursuivit, se rendant au pied du mont Sinaï. L’individu suivant endossait un Khamis triste assorti à un keffieh, qui ne laissait visible que ses yeux empreint d’une sagesse déroutant la présentatrice, qui n’en montra rien et enchaina :

— Voilà le fameux Iscar dont tout le monde parle ! Un solitaire. Nul ne sait de quoi il est capable, mais il intrigue et inquiète tous ses adversaires pour la plus grande joie des parieurs qui ont passé sa cote à 4/1.

Sous les projecteurs scintillants, l’animatrice ajusta son tailleur d’un geste fluide, ses lèvres carmin étirées en un sourire charmeur. Ses doigts effleurèrent délicatement l’oreillette incrustée de cristaux tandis que son regard perça l’écran, captivant l’audience. Chaque mot, prononcé avec une aisance envoûtante, vibrait d’une séduction subtile. Elle leva légèrement le menton, ajoutant à son allure souveraine, avant de lâcher, d’une voix douce, mais assurée :

— Ne bougez pas, mes chers, juste le temps d’une courte pause, et nous revenons avec encore plus d’éclat et de mystère... À tout de suite.

D’un clin d’œil complice, elle s’effaça...

***

[L’écran s’illumine dans un éclat de couleurs vives.]

La scène s’ouvre sur Warren Darck et Nick, silhouettes charismatiques se tenant côte à côte, une énergie palpable dans l’air. Warren, visage éclairé par une lueur mystérieuse, s’avance et déclare :

« Vous rêvez d’un monde sans limites ? »

Il désigne un coussin magique, flottant majestueusement au centre, scintillant d’une lumière envoûtante. L’objet semble vibrer d’une essence unique, invitant au rêve.

« Pour seulement 50 000 Avaloni, devenez qui vous voulez ! »

Une mère de famille, fascinée, s’abandonne sur le coussin. Un éclair et elle s’endormit, se plongeant au sein du social dream. Elle se métamorphose en une strip-teaseuse glamour, drapée dans des robes transparentes, défiant les pervers avec une audace captivante. Les applaudissements virtuels retentissent, formant une symphonie de reconnaissance.

Une mamie, empreinte de nostalgie, s’installe sur le coussin. Les lumières s’intensifient, et soudain, ses petits-enfants apparaissent, riant et jouant dans un jardin en fleurs. Le bonheur rayonne de son visage, créant une ambiance chaleureuse et réconfortante.

Une mélodie accompagne des visions effervescentes. Un jeune druide, déterminé, glisse sur le coussin. En un clin d’œil, il devient un sorcier du feu puissant s’accordant avec sa véritable nature.

Des notifications illuminent l’écran : « J’aime ! », « Partagé ! », tandis que des bouilles radieuses affichent une joie contagieuse, des likes flottant autour d’eux comme des étoiles scintillantes.

Le chic et le choc se mêlent, glamour et audace dansent sous les lumières. Les utilisateurs s’immergent dans des mondes enchanteurs, leurs rires tissant des liens magiques, unissant leurs esprits en une farandole collective.

[Warren, les bras ouverts, exprime la promesse de l’évasion.]

« Avec le Social Dream, vos fantasmes prennent vie ! »

[Nick, débordant d’enthousiasme, ajoute.]

« Et le meilleur dans tout ça ? Vous pouvez le payer en dix fois, sans frais ! »

[Enfin, le coussin brille au centre de la scène.]

Il est devenu le symbole d’évasion et d’aventure, irradiant de promesses inexplorées. La musique atteint son apogée, vibrant d’une intensité envoûtante.

[Warren conclut avec force.]

« Plongez dans le monde des rêves. »

Un triskel stylisé, vibrant d’énergie, illumine l’écran, ancrant l’essence de l’aventure promise.

[Slogan final en lettres dorées :]

« Social Dream : Voyagez au-delà de l’imaginaire. »

***

— Très chers audience et autres exalter, nous revoilà après cette coupure publicitaire. 10 000 participants vont s’affronter sur un continent aménagé par le Gouverneur Darck. Chaque concurrent débutera avec 15 000 points de vie, et une M-Watch régulera leurs pouvoirs. Ils feront face à des quêtes, des pièges et des créatures redoutables. Mais seuls les 100 derniers survivants accéderont à la fortune et à un poste prestigieux au sein du Consortium Darck.

Dans la salle de projection, Lya fascinée, murmura :

— Maman va vraiment lancer les jeux !

Kieran hocha la tête, impressionné.

— Elle sait comment captiver l’attention.

— Vous pouvez suivre chaque instant de l’évènement sur Speeltok, en temps réel, conclut-elle.

Elle leva la main, envoyant un baiser enchanter en direction de la foule. Son chakra violine se dispersa en mille et trente lueurs qui vinrent bénir les joues.

— Je vous aime tous, à très bientôt…

Elle disparut laissant l’auditoire en transe.

Kieran se leva lentement, encore engourdi par les images qui venaient de s’éteindre brusquement. La lumière tamisée de la villa dissipa la douce pénombre de la salle de projection. Il se tourna vers Lya, figée devant l’écran vide, son attention fixée sur les ombres qui y dansaient encore. Un poids imperceptible, mais croissant, s’installa dans l’air.

— Et si on rejoignait maman pour une glace ? proposa-t-il doucement, cherchant à alléger l’atmosphère.

Lya, jusqu’alors immobile, se retourna d’un coup, ses yeux brillants d'excitation. Elle serra la main de sa poupée, un simulacre animé, devenu de plus en plus... encombrant aux yeux de Kieran.

— Viens avec nous, Nephila ! lança-t-elle joyeusement.

Kieran se crispa. Il avait remarqué depuis quelque temps l'influence croissante de cette poupée sur sa fille, mais cette fois, un malaise plus profond l’envahit. Le visage immobile, figé dans un sourire de faïence, semblait dissimuler une présence.

— Non, Lya, laisse la poupée ici. Nous n’en avons pas besoin.

Lya s'arrêta, ses yeux accrochant les siens avec une gravité inhabituelle, sans trace de défi.

— Elle doit venir avec nous, répondit-elle, calme.

Kieran hésita, prêt à insister, mais un écho familier l’arrêta. Sa fille avait perçu quelque chose, une vision. Il n’en connaissait pas les détails, mais avec le temps, il avait appris à respecter cette intuition. Elle ne se trompait jamais.

Il hocha la tête en silence, bien que sa méfiance persiste. Lya, quant à elle, avançait sans hésiter, ignorant les doutes de son père.

Ils quittèrent la villa Siriki. L'air nocturne caressait leurs visages alors qu'ils descendaient les marches de pierre, luisantes sous les reflets des lunes. Un taxi-tapis attendait à l'entrée, flottant avec élégance, prêt à les accueillir. Kieran fit signe et la porte s’ouvrit dans un murmure, libérant une brise métallique.

Le silence régna durant le trajet. Kieran observait Lya en coin, son visage éclairé par les reflets du ciel nocturne. Elle serrait toujours la main de sa poupée, comme si un lien invisible les unissait. Ce lien, il ne l'aimait pas.

La ville brillait de mille feux, même à cette heure. Le taxi les déposa devant la Darck Magicologium, imposant édifice d’obsidienne, ses colonnes perçant le ciel, illuminées par des sphères flottantes.

— On va retrouver maman au glacier, murmura Kieran, cherchant une trace d'innocence chez Lya.

Mais son sourire discret cachait autre chose. Elle ne suivait pas un oracle... elle jouait avec lui, défiant le destin.

Un souffle de lumière irisée accompagna le départ du taxi, se dissipant dans l’obscurité. À quelques pas, la silhouette hérissée de la Darck Magicologium s'imposait, ses tours et balcons suspendus dominant la rue. Lya, toujours accrochée à sa poupée vivante, tira doucement sur la manche de Kieran.

Il baissa les yeux, mais son regard s’accrocha à un mouvement furtif dans l'ombre. Une tension invisible enserrait les lieux. Les instincts royaux de Kieran, aiguisés par des années de règne, analysaient chaque détail. Les visages autour d’eux se fermaient, les murmures s'éteignaient.

Il se pencha vers sa fille. « Qu’est-ce que c’est ? » La question était posée sans hâte, mais l’urgence pesait déjà dans son esprit.

Un éclat dans les yeux de Lya confirma ses soupçons. Warren. Son frère. Toujours impliqué dans des jeux de pouvoir. S’il avait pris Lya dans la confidence, c’était que quelque chose de bien plus vaste se tramait. Kieran, inquiet, serra les dents. Enlil, omniprésent, n’avait pas été mis au courant, mais lui-même ne poserait pas plus de questions pour l'instant.

Ils firent encore quelques pas avant que Kieran ne s’immobilise, une vague glacée courant le long de son dos. Ils étaient suivis. Des silhouettes se dissimulaient dans les ruelles, presque invisibles. Ces regards fixés sur eux... ce n'étaient pas de simples curieux.

— Papa… murmura Lya, sa voix empreinte d'une étrange gravité.

Elle tira légèrement sur sa manche. Kieran croisa son regard, y lisant la même certitude calme, le même défi. Elle savait ce qui allait se passer, mais n’était pas prête à tout révéler.

— Ils sont là, n'est-ce pas ? Souffla-t-il.

Elle hocha imperceptiblement la tête. Kieran réprima une montée de colère et de peur, mais il resta maître de lui. La magie frémissait dans ses veines, prête à surgir à la moindre alerte. Mais il attendit.

Ils continuèrent leur chemin, le poids des regards dans leur dos. La foule autour d'eux bruissait, mais Kieran était ailleurs, concentré sur la menace invisible. Puis, la voix de Lya résonna dans son esprit :

« Papa, rends-moi invisible. Lâche la poupée. Ne te retourne pas. »

Le ton, froid, rappelait celui de Kelly dans les moments décisifs. Kieran obtempéra sans discuter. Il desserra doucement sa prise, laissant glisser la poupée, et tissa un sort d’invisibilité autour de sa fille. Il continua de marcher, chaque muscle tendu.

Soudain, il s’arrêta, feignant la panique.

— Lya ?! cria-t-il en se retournant, jouant son rôle à la perfection.

Les passants se figèrent, intrigués. Kieran, dans une fausse hystérie, scrutait la foule. Les ombres autour d’eux restèrent immobiles, trompées par cette comédie. Puis, un mouvement discret dans l’ombre. La poupée disparut, avalée par une force mystérieuse.

Lya réapparut, innocente, à ses côtés. Warren émergea de la foule, un sourire aux lèvres. Il posa une main sur l’épaule de la fillette.

— Bravo, petite princesse. Mission accomplie.

Kieran bouillonnait, mais garda son calme. Warren, insouciant, reprit :

— Lya a eu une vision. Un enlèvement... le sien. Elle a vu une guerre. Alors, on a changé le cours des choses. La poupée ? Elle a explosé là où ils pensaient la capturer.

Kieran fronça les sourcils, tentant d'assimiler cette révélation. Warren poursuivit, imperturbable.

— On a évité le pire. Pour cette fois.

Lya, un sourire aux lèvres, le fixa avec une candeur presque déstabilisante. Kieran soupira, résigné.

— Très bien, vous m'avez eu. Allons retrouver Lyana.

Il jeta un dernier regard à sa fille, sachant que ces jeux avec le destin étaient loin d’être terminés.

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