Chapitre 19 : Le Préambule de l’Ascension
L’espace, tamisé par une lueur douce, vibrait d’une expectative muette. Enlil, immobile devant la vaste baie vitrée, observait l’étendue au-delà des murs de la Villa Siriki. Sur Massilia en contrebas, le crépuscule traçait ses doigts invisibles, estompant les contours entre l’instant présent et l’imminence qui pesait sur ses épaules. Des ennemis par dizaines, il en avait terrassé. Toutes les batailles, traversée sans un battement hésitant. Pourtant, cette nuit portait une note singulière. Le défi était autre, plus intime.
Plissant brièvement les paupières, il expira puis pivota vers son dressing. La rangée de tissus parfaitement ordonnée offrait ses couleurs et ses matières, mais son choix s’était ancré bien avant ce moment. Sans fléchir, il extirpa un jean magnifié par l’usure des ans, celui qui l’avait accompagné pour sa première mission. Le débardeur noir qu’il saisit ensuite, marqué par les épreuves, s’imprégnait encore de cette étrange aura protectrice. Ses doigts pénétrèrent ses longues mèches, les domptant d’un catogan de cuir.
Et c’est pieds nus que sa Majestée quitta sa chambre. Le couloir s’étirait. L’écho de ses foulées se perdit jusqu’à l’escalier menant au vaste salon ou tous rassemblé, ils le guettaient.
Demblé, il sentit l’attention de Lyana se braquer sur lui. Sa posture ancrée, associer à sa concentration démontrait son application. Sans l’ombre d’un doute, si elle se retrouvait face à celui qui avait déclenché la vendetta contre Baphomet, elle ne manquerait pas de le faire disparaître. À ses côtés, Kieran, crispé, balançait légèrement ses épaules. La confiance qu’il lui portait en laissant sa fille opérée sous ses ordres touchait Enlil, bien qu’il ne le montra pas. Nick, à l’écart, grattait avec précision des notes dans un carnet. L’odeur de la couverture en cuir mêlée à celle des pages fraîches emplissait l’espace, intensifiant l’attente.
Quant à Warren, en réflexion, il observait un point invisible. Assis sur les accoudoirs du fauteuil que leur oncle occupait, Kayna et Baphomet se voyaient impatients d’en découdre. Fidèle à sa discrétion, Simone, dos à la famille, scrutait l’horloge, ses tic-tac résonnant telle une incitation à l’action. Lorsque enfin, Kieran, qui avait constaté la tenue de son aîné, symbole qu’il entrait en guerre, brisa l’ambiance de monastère :
— Te voilà, frangin ! Eh bien, pour célébrer notre projet, que diriez-vous de trinquer ? Ou peut-être du jus pour nos jeunes explorateurs ?
Alors, d’un claquement de doigts, il invoqua un magnum de champagne et quelques coupes flottantes. D’une pichenette, la bouteille s’ouvrit dans un fracas, provoquant un sursaut chez Warren, tandis que Kayna éclata de rire, le narguant :
— On a besoin de te réveiller, tonton !
— Je suis là, je suis là, maugréa-t-il, reprenant contact avec la scène.
Alors que les verres remplis se distribuaient aux quatre coins de la pièce, Kieran clama :
— Bien que je sois de babysitting, buvons à votre réussite !
— Et pour l’amour familial, accentua l’imperator.
Nick se détourna de la nervosité inhabituelle du magicologue, et cérémonieu, proposa :
— Et si nous ajoutions un toast à l’audace ? À chaque défi que nous avons relevé jusqu’ici ?
Toujours concentré, son mari esquissa une moue approbatrice. Kayna se rapprocha, attrapant un verre de jus de mangue tendus par son père.
— À notre gloire ! s’écria-t-elle, en le levant.
Baphomet, lui s’invoqua sa propre bière sans alcool :
— Et à l’aventure qui nous attend ! J’espère que ça sera plein de dangers !
— À la réussite de notre mission, à Kelly, et à l’amour qui nous fédère !
Les verres s’entrechoquèrent dans un cliquetis harmonieux, et un moment de solidarité flotta. Nick se penchant vers Warren chuchota :
— Ne perds jamais de vue notre objectif. L’union fait la force.
— Ne pose pas de questions, Nick. C’est entre Lya et moi.
Il n’en fallut pas plus pour que le Seigneur des Djinns détourne son intérêt du sorcier. S’il avait appris une chose au fil des âges, c’était de ne jamais s’interposer entre oncle et nièces. Sur ce point, la règle était inscrite dans les fibres mêmes de son existence. Malgré l’affection qu’il portait aux jeunes filles, elles ne le considéraient pas de cette manière. Pas encore. Il nourrissait l’espoir que ce jour viendrait.
Impassible, il fixa son attention sur sa moitié, qui murmura, avec cette tranquillité presque menaçante :
— Tant de tâches nous attendent au tournant, mais ces instants nous rappellent notre place au sein de la Création. Je suppose que Maman veut nous préparer pour la bataille finale.
Lyana, un éclat de malice dans le regard, intervint :
— Plus Darck que jamais. Ce que nous allons accomplir assoira définitivement notre autorité, et Kelly ne pourra qu’approuver. Tout converge vers ça !
Simone, d’habitude discrète, d’un ton taquin, fit un pas en avant, un rictus léger aux lèvres :
— Manipuler des âmes à une échelle planétaire, temporelle et dimensionnelle, voire cosmique ! Pas donné à tout le monde.
Aucun discours grandiloquent, aucune hésitation. Ils savaient tous ce qui était en jeu. L’horloge murale cliqueta une dernière fois avant que les aiguilles ne se figent sur 18 h. Un son bref, métallique, s’échappa, marquant l’heure fatidique.
Enlil tendit le bras et crispa les doigts, générant un orbe d’or qu’il expulsa, il fusa à peine et explosa pour former un maelstrom. Il y plongea et l’instant d’après, il se retrouva projeté au sommet du Dark Magicologium, 30 étages au-dessus du sol. Les huit magicologues désignés par Warren, alignés en demi-cercle arboraient des uniformes d’émeraude scintillant sous la lumière artificielle.
— Vous êtes ici par choix, des choix minutieux, annonça-t-il. Vous avez été sélectionné pour vos talents et votre loyauté. Ce n’est pas un hasard.
Il avança, sa stature renforçant son autorité.
— La confiance est notre arme. Sachez qu’après des enquêtes méticuleuses, je vous accorde la mienne.
Des exclamations s’élevèrent. Enlil leva l’index, exigeant le calme.
— Aujourd’hui, un secret vous attend. Ce que nous entreprenons ici transcende les Jeux Sorcelleriques.
Des expressions de surprise et d’inquiétude apparurent sur les visages.
— Des inquisiteurs du Prieuré se trouvent parmi les candidats. Certains d’entre vous l’ont peut-être pressenti. Je vous l’affirme : ces Jeux, au-delà du spectacle, servent à capturer ces parasites.
Il les scruta. Des sourcils se froncèrent, des mâchoires se serrèrent.
— Kayna et Baphomet seront sur le terrain pour les neutraliser. Vous, ici, campez un rôle crucial. Vos choix, votre habileté à manipuler les systèmes de l’arène, influenceront le dénouement. Ce n’est plus un simple jeu. Vous guiderez nos cibles vers leurs prédateurs.
Enlil recula, croisant les bras sur sa poitrine :
— Nous sommes sous l’œil d’une planète entière. Nous devons ruser afin que rien ne soit décelable.
Un murmure d’excitation se propagea parmi les techniciens. l’Imperator poursuivit :
— Pour vous motiver, une prime de 1 million d’Avaloni est déjà versée sur vos grimoires d’épargne. Pour chacun de vous.
Des échanges se firent, des poings se serraient. Impassible, le commandement observait ses troupes, sentant l’adrénaline monter. Enlil fit signe de le suivre. Une pulsation vive envahit le mur lorsque le chakra se déversa, révélant les entrailles palpitant des Jeux Sorcelleriques. Le centre de contrôle s’étendait tel un réseau tentaculaire, fusionnant une architecture futuriste et une magie mystérieuse. Émanant de chaleur, les piliers de rubidium, de diamonite, d’émeraude et de tanzanite s’élevaient, flamboyant d’une clarté spectrale.
Un technicien siffla d’admiration, tandis que son collègue lui tapota l’épaule, rappelant que le moment exigeait une concentration totale. Au cœur, la Table de l’Augure émettait une lueur fascinante, projetant des visions des compétiteurs, où des portraits marqués par l’angoisse et la détermination se reflétaient. Chaque mur affichait un triskèle géant, symbole vibrant canalisant le chakra et le mana à travers les colonnes. Des hologrammes scintillants flottaient au-dessus des panneaux, diffusant en temps réel les paris, les concurrents et les cotes volatiles, tels les souffles du monde extérieur.
Véritables professionnels, Les Magicologues n’eurent besoin d’aucune instruction pour trouver leur place attitrée. Aligné devant des pupitres de Karistal, chacun s’empara d’une paire de gants soigneusement posée sur un support circulaire. Ils les enfilèrent, laissant filer des filaments irisés qui fusionnèrent avec les commandes internes, permettant un contrôle total sur l’Océanie.
La femme aux cheveux argentés leva les bras, exprimant une assurance tranquille. Son visage concentré était surplombé d’un monocle d’analyse, décodant les fluctuations magiques et révélant des schémas invisibles. Allaité par leur manipulation, le dispositif s’enclencha, fluide et calme, la sorcellerie s’écoulant dans la structure pour alimenter le trou noir qui soutenait le système.
Durant un court laps de temps, seuls les bips des capteurs nourrirent l’ouïe. Debout, dos au Fauteuil d’autorité, l’Imperator s’arrêta et déclara :
— Contemplez votre royaume, préservé des abominations des Terres 1 et 4, où la menace démoniaque rongeait chaque souffle. Ici, l’affrontement se camoufle, mais sa redoutable intensité persiste.
Sous son commandement muet, un Magicologue actionna son sorgiciel. Alors, une carte holographique émergea de l’Augure, montrant l’Océanie en trois dimensions. Montagnes majestueuses, rivières sinueuses et forêts luxuriantes, divulguant des détails fascinants
— Voici notre zone de jeu, annonça-t-il. Chaque section révèlera leurs vulnérabilités et mettra à l’épreuve leurs capacités.
Énergisés, les opérateurs ajustaient les pupitres, leurs gestes précis et déterminés. Les paramètres changeaient, se modelaient sous leurs mains, tandis que les simulations prenaient vie, pulsant de possibilités. Le chef observait l’écran, absorbé par la complexité des données. Il anticipait déjà la manœuvre suivante, déplaçant une pièce stratégique sur l’échiquier, préparant le terrain pour la bataille qui se profilait.
Enlil s’insinua dans la poche de son jean, pour en sortir son M-Phone. L’appareil déverrouiller, il contacta Lyana qui un bip plus tard décrocha :
— Alors, où en êtes-vous ?
Teintée d’une frustration maîtrisée, sa belle-sœur répondit :
— Prête à faire sensation, « Mon Général ». Le tapis taxi fend l’air et se dirige vers le centre de Massilia. Si les vortex n’avaient pas été scellés, j’y serais !
Un rictus étira la commissure de ses lèvres, invisible aux Magicologues concentrés. Fixé sur la carte tridimensionnelle, il laissa tomber d’un ton assuré :
— . La sécurité avant tout.
— Je comprends !
Enlil hocha légèrement la tête, satisfait :
— Une fois sur place, ton autorisation s’activera, précisa-t-il.
Il marqua une pause, pesant ses mots avec soin :
— Profite de ta couverture, amuse-toi, et veille à paraître plus détendue que tu ne l’es réellement. L’important est de donner le change. L’inattention de nos ennemis pourrait nous être bénéfique. Ils ne doivent rien soupçonner.
Abruptement, elle coupa la communication. Déjà orienté vers l’étape suivante, Enlil ne le releva pas.
Ses paupières se fermèrent, cherchant à établir un contact avec Nick via leur lien d’âme. L’énergie apaisante de son allié le réconforta, même à distance :
— Où en es-tu ?
— En place, le local d’extraction est sécurisé. Aucune anomalie à signaler.
L’Imperator acquiesça. Les éliminés, qu’ils soient inquisiteurs déguisés ou participants innocents, seraient rapatriés et mis au secret jusqu’à la fin des jeux.. Un processus délicat qu’il savait que Nick maîtriserait sans problème. Un cillement suffisait à ce qu’on veuille lui obéir sans discuter ?
— Warren rejoindra le complexe de téléchargement ultérieurement !
Un souffle de soulagement traversa Enlil. Bien que Warren fût réputé pour son imprévisibilité, il était fiable et sur le terrain, son efficacité s’avérait redoutable.
La connexion s’évanouit lentement. Avant de couper totalement le lien, Enlil visualisa brièvement Simone. À l’instar de Lynexia, Estrella et Orin, elle était prête à entrer dans le ring. Leur rôle pour neutraliser le Prieuré était vital, au cas ou certains échapperaient aux ados.
Chaque élément de cette opération titanesque s’alignait les pièces du puzzle se mettant progressivement en place.
Mais cela n’était que le début...
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