Chapitre 14
14
Clermont-Ferrand, tôt le matin,
Les parents de Mégane ne purent dormir de toute la nuit. Stéphanie resta enfermée dans la chambre de Mégane, pleurant à chaudes larmes. Damien, quant à lui, restait assis sur le bord du lit, feuilletant les albums photos et se remémorant les bons moments passés en famille. En proie au doute et à une multitude de questions, il se demandait ce qu’il avait pu manquer pour avoir laissé sa fille commettre l'irréparable. En une soirée, il remit en question des années de dévouement et d'amour pour sa famille.
"Suis-je un homme bien ? À l’écoute ?" se demandait-il en boucle, cherchant à se convaincre afin de trouver une réponse valable. Tout comme Stéphanie, il était incapable de prévoir ce qui venait de se produire. Comment anticiper une telle chose ? Jusqu'au terrible événement à Aurillac, Mégane était une adolescente comme les autres, joyeuse, souriante, surmontant les problèmes de son âge. Rien ne laissait présager qu'un drame terrible allait survenir.
D’un pas nonchalant et mal assuré, Damien se rendit, tremblant, dans la chambre de Mégane.
— Chérie, ne reste pas toute seule, viens avec moi. Rester dans sa chambre nous fait plus de mal qu'autre chose !
— Je n’y arrive pas, être ici c’est être encore avec elle. Je sens encore son odeur, son énergie. C’est trop dur, Damien ! Je veux notre fille ! La vie n’a aucun sens sans elle, c’est impossible ! déclara Stéphanie, la voix noyée de larmes. Tu te rends compte, elle s’est filmée devant je ne sais combien de personnes ! Et personne n’a rien fait pour l’aider ! Pourquoi ?
— Il faudrait donner le téléphone à la police, ils pourront nous aider à comprendre pourquoi elle a fait ça. Elle était peut-être harcelée, déprimée par la pression scolaire, je ne sais pas.
Tout comme Damien, Stéphanie se demandait ce qu’elle avait fait ou pas fait pour en arriver là. À ses yeux, Damien et elle étaient les seuls responsables de la mort de leur fille. Les parents de Damien, immédiatement prévenus, partirent de Nice en pleine nuit afin de soutenir leur fils et leur belle-fille dans un tel moment. La mère de Stéphanie était à bord d’un avion, quittant en urgence Berlin. Les minutes passaient, Stéphanie demeurait prostrée dans la chambre de sa fille, attendant ses beaux-parents et sa mère. À cet instant, un tas d’images surgirent dans son esprit : elle avec sa fille au parc alors qu’elle avait six ans, ses premiers anniversaires, son entrée à l’école. Tant de souvenirs passés remontaient à la surface.
— Tu te souviens de son premier jour d’école ? interrogea Stéphanie, la voix tremblante et le visage humecté de larmes.
— Bien évidemment, chérie ! rétorqua Damien en prenant place près de sa femme. Elle était surexcitée à l’idée de découvrir son école et ses premiers camarades de classe. C’était toi qui étais en larmes à l’idée de la laisser seule. Et moi, qui pensais qu’elle allait pleurer tout du long, elle nous a laissés devant le portail et a foncé avec son petit cartable dans la cour de l’école sans même se retourner. Elle a grandi tellement vite, je n’ai pas vu les années passer ! J’ai l’impression de l’avoir vue naître hier à peine. Tellement de choses à faire, à découvrir, à apprendre, et si peu de temps ! Tout va si vite. Je la revois au collège, hésitante à l’idée de prendre un nouveau tournant dans sa vie. Je la vois encore nous annoncer timidement qu’elle avait un copain qui s’appelait Hector parce que ses parents étaient des fans de l’histoire de Troie.
— Leur histoire n’avait pas duré plus de trois semaines ! Je m’en souviens, elle avait pleuré des jours entiers, puis elle a rencontré Matthieu qui lui avait vite fait oublier Hector ! lança Stéphanie avec un petit sourire.
Tant de souvenirs, de moments précieux qui resteraient gravés au plus profond d’elle. Jusqu’ici, se souvenir était salvateur, positif, mais depuis la disparition de sa fille, chaque souvenir se transformait en torture. Après de longues heures à remuer souvenir après souvenir, la sonnette retentit dans toute la maison plongée dans un pesant silence. Les parents de Damien arrivèrent, chargés de valises et le visage sombre.
— Mon chéri, nous avons fait aussi vite que possible. Quelle terrible nouvelle, je n’ose imaginer ce que vous devez endurer. Si vous avez besoin d’aide, ton père et moi sommes là ! Comment va Stéphanie ? Elle doit être effondrée, la pauvre, annonça la mère de Damien avec tristesse.
— Elle ne sort pas de la chambre de Mégane, elle passe son temps à pleurer et à regarder de vieilles photos de famille, rétorqua Damien d’une voix grave.
— Je comprends. Si ça lui fait du bien, c’est sa manière de gérer la situation. Je vais monter la voir.
— Maman, merci d’être là !
— Mon grand, tu ne croyais quand même pas que nous allions vous laisser seuls dans un moment pareil ? Nous serions venus de l’autre bout de la terre s’il le fallait ! C’est normal ! s’exclama Richard, le père de Damien, d’une voix forte.
— Pourrais-tu venir au poste avec nous pour parler à la police ? interrogea Damien, abattu.
Sans rien dire, Richard prit son fils dans ses bras en guise d’approbation. Même s’ils ne se parlaient pas tous les jours et vivaient à des kilomètres l’un de l’autre, Damien pouvait toujours compter sur le soutien de ses parents. Stéphanie rangea le téléphone de sa fille dans sa poche sans savoir qu’il contenait la réponse à sa question : pourquoi sa fille s'est-elle suicidée ?
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