Chapitre 15

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Lycée, vendredi matin

Ce matin-là, un lourd silence planait dans la cour du lycée qui, d’ordinaire, avait l’effervescence du stade Marcel Michelin un soir de match. Trônant sur une petite estrade, le directeur se tenait droit, le visage renfrogné, tenant une lettre adressée à l’établissement. Pour ponctuer cette ambiance morne et pesante, une fine pluie s’abattit soudainement sur la ville. Selon les météorologues, les averses n’étaient pas attendues avant dix heures.

— Bonjour à toutes et à tous, si nous sommes rassemblés ce matin, c’est pour une bien triste raison. J’ai pour fonction de veiller au bon fonctionnement de l’établissement, mais également une fonction d’information et de communication. J’aime partager les diverses évolutions du lycée, décerner des prix de mérite, promouvoir de nouvelles activités, mais pas ce matin. D’aucuns diraient que je trouve toujours les mots justes, mais aujourd’hui est une exception. Je vous annonce le décès tragique de Mademoiselle Floran, survenu hier soir à son domicile. Le corps enseignant était réticent à vous révéler l’origine de ce drame, mais il me semblait important de le faire. Elle a décidé de mettre fin à ses jours, et cela nous rappelle combien la vie est fragile et précieuse. Alors que je suis là devant vous, j’ai l’intime conviction d’avoir échoué dans mon rôle de directeur.

L’école ne doit en aucun cas être source de malheur, d’enfermement ou de solitude. Elle doit justement apporter de l’ouverture, de l’éveil, de l’énergie, de la curiosité. Je n’ai pas su voir les prémices de ce qui allait devenir un drame affreux. J’ai toujours insisté, et je continue de le faire, sur l’importance de la communication, de la nécessité de parler. Nous sommes de tout cœur avec les parents de Mégane et leurs amis. Et pour celles et ceux qui en ressentiraient le besoin, un psychologue est à votre disposition.

Il y a dans la vie des moments où l’on ne voit pas la lumière au bout du tunnel, où tout nous semble impossible, sans issue. Mais il faut garder à l’esprit que nous ne sommes jamais seuls ! Si nous faisons l’effort d’aller au-delà de notre peur, on peut éviter bien des soucis.
Tandis que je me tiens devant vous, il me vient une phrase de Tennyson :

"Et si nous avons perdu cette force

qui autrefois remuait ciel et terre,

ce que nous sommes, nous le sommes :

des cœurs héroïques et d’une même trempe,

affaiblis par le temps et le destin,

mais forts par la volonté

de chercher, lutter, trouver et ne rien céder."

Luttons ensemble pour faire de l’école un lieu de sécurité, d’échange où chacun peut se construire à son rythme, main dans la main. Si vous le voulez bien, nous allons faire une minute de silence pour honorer la mémoire de Mégane et lui adresser nos prières.

Un silence assourdissant tomba sur l’établissement tout entier. Seul le vent sifflotait, transperçant les ramages des sveltes arbres qui se dressaient dans la cour. Tous les amis proches de Mégane se rassemblèrent. Pour la plupart, il s’agissait de ses voisins : Louise, Rémi, Lucie, Léon, Quentin et Étienne. Lucie, discrètement, adressa un regard plein de regrets et de doutes à Étienne. Celui-ci, le regard ailleurs, ne remarqua pas à quel point elle le désirait. Tout comme les parents de Mégane, il se sentait responsable de sa disparition. Que se serait-il passé s’il l’avait retenue encore quelques secondes de plus ? S’il était resté, jamais elle n’aurait commis l’irréparable, se disait-il, intimement convaincu.

La sonnerie retentit dans toute l’école, et tout l’établissement se dispersa aussitôt. Léon, les yeux rouges, se tourna vers ses amis, toujours sous le choc.

— Il faut trouver des réponses, je ne peux pas rester dans cette situation, c’est trop horrible !

— Je crois qu’il ne faut rien faire pour le moment et attendre le bon moment. Les parents sont dévastés, et la police doit chercher des réponses, lança Louise d’une voix grave et un regard soucieux.

— Ils vont mettre une éternité pour trouver quelque chose ! Et je ne peux pas rester sans rien faire, je dois chercher de mon côté. Vous êtes avec moi ? Il faut le faire pour elle, pour nous, pour sa famille ! rétorqua Léon, bien décidé à agir.

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