Espérance
Assujetti à la clepsydre, les grains de sable se sont figés. Le cristal frissonne, prêt à déflagrer en pléthores d'étincelles. Ah ! S’affranchir sans retenue de l'accompli, l'existant et la postérité. Quelle libération de vomir ce qui l'étrangle. Il y a si longtemps que la linéarité est son horizon, sa prison. Le son aigu s'intensifie, le remplit de joie ; enfin il va pouvoir s'éclater ! Au diable le devoir. Il pourra toujours y revenir plus tard, ou pas ? Pour l'heure, il ne décide rien, pour l'heure, il ne veut qu'une chose : marivauder !
Il s'imagine déjà, bondissant d'une étoile à l'autre, sinuant entre les planètes, chevauchant les comètes. Puis en définitive paresser sur les courants stellaires contempler l'écrin velouté du cosmos et sa profusion de pierreries versicolores. Bref, se laisser porter.
La vibration s'intensifie, le bulbe limpide rayonne, se fissure, explose enfin en poussière de silice.
La liberté enfin...
Maman, dépitée, fixe avec consternation le carrelage de la cuisine, puis son rejeton qui, d'une seule fausse note, a brisé le cadeau de cristal offert par Papa. L'enfant se mord les lèvres, danse d'un pied sur l'autre, pose sa flute sur la table.
Excuse-moi…
Le ton est à peine audible.
Monte dans ta chambre !
La voix est emplie de colère.
Il obéit sans protester, pressentant déjà les gronderies du soir au retour de son père. La mère, quant à elle, s'arme d'un balai, d'une pelle et ramasse les débris, qu'elle jette avec regrets, mais sans hésiter dans la poubelle. Puis elle retourne à sa cuisine.
Ainsi, se termina le voyage d'un sablier qui se pensa brièvement maitre du temps.
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