K1542C galope, il bondit, va d'un wagon à l'autre d'un train qui serpente sur des voies rouillées. Au-dessus de lui, le ciel est une voute de fumée âcre. Les nuages pesants lui dissimule la céleste avec ses myriades d'étoiles, ses chemins de brillance ; son infinitude. Son esprit y est toujours, mais son corps est si lourd ; malgré tout il court.

Rugissements, chiens aboyant et gardes haineux, armés de fusils, sont derrière lui.

Oubliant la douleur et le sang, le souffle court, le fuyard accélère, ne veut pas penser à ces chasseurs et à sa condition de gibier. Il songe à ce vaisseau caché qui l'attend hors de la ville prison, ce havre si lointain, mais pas encore hors de portée. Sous sa combinaison abjecte de détenu, il transpire. Pourtant, il est glacé jusqu'aux os ; grelotte. Il serre les dents. Sur le côté gauche, une longue déchirure révèle une blessure, mais aussi, pendu à sa ceinture, un holster de cuir.

Il n'aime pas les armes, il sait les manier, cependant, il déteste en faire usage. Celle-ci qu'il a volée son geôlier à toujours son cran de sûreté enclenché.

Un bruit insistant le distrait de ses pensées, il lève les yeux sur les nuées crasseuses. Un objet flotte, de gros yeux rouge lumineux sont braqués sur lui et clignotent régulièrement. C'est un drone de surveillance.

Pas bon ! Pas bon du tout.

Ce constat fulgurant l'incite à stopper brièvement, dégainer le pisto-laser et viser l'espion volant en tremblant légèrement. Profonde inspiration, si douloureuse, son geste se stabilise, un seul tir, comme à l'entrainement, il y a de ça .... des années-lumière. Il fait mouche. Une contradiction pour lui qui n'aime pas ces outils de destruction. L'engin explose, l'évadé se remet en route. Un dernier bond sur un ultime wagon, il en descend, traverse d'autres chemins de fer corrodés. La périphérie n'est pas loin, la sortie de la cité non plus... Mais, les cris des bêtes et des hommes se rapprochent.

Contre son épuisement et la souffrance, il accélère encore, il n'en a pas encore fini. Alors que la nuit s'épaissit sur les tours délabrées de la métropole, il les laisse définitivement derrière lui et foule des touffes d'herbes qui craque sous ses pas. Devant lui, un grillage inopportunément électrifié.

Pas de découragement pourtant, K1542C longe cette barrière. Son regard fiévreux inspecte, fouille, espère une faille. Les clameurs se rapprochent, celles des chiens dominent. Il préfère les ignorer.

Soudain un espoir lui saute aux yeux : de la terre, meuble, humide, idéale pour creuser.

Où est le piège ?

Une question légitime, mais pas le temps de s'interroger davantage, il se met péniblement à genoux et creuse, creuse, creuse, de ses mains nues le sol si spongieux ; c'est facile, presque trop. Les cerbères sont sur lui ; ils se ruent dans sa direction. L'homme se hâte. Le passage sous le grillage enfin assez large. Il s'y glisse, grimace ; sa blessure rape le sol. Il se hisse de l'autre côté. Une mâchoire dégoulinante de fureur claque... dans le vide !

Il se remet debout, se permet une profonde respiration, mais ne s'attarde pas ; reprends sa course. Il pénétre les faubourgs les plus éloignés de la cité. Peu d'habitations, des ruines, beaucoup de champs de blé haut et cassant. On y voit aussi des structures rondes ; réserves de nourriture et d'eau. Le fuyard sait qu'elles sont étroitement gardées, il dévie donc pour les éviter. Finalement, il n'a pas besoin de les franchir pour rejoindre son vaisseau ; l'homme bifurque plein nord, il se pense quasiment sorti d'affaires...

Étrangement, les aboiements des chiens se taisent, ainsi que le vacarme des poursuivants.

Le grillage étincelle brièvement puis s'efface progressivement, au loin les tours de la cité disparaissent aussi.

L'évadé est entré dans le second monde...