Au gré de l'esprit aventureux qui se perd et s'évade.
Je le regarde, lui et ses beaux yeux couleur de châtaigne. Les cernes n'en finissent plus de masquer ses traits épuisés. Mais l'étincelle demeure.
— Bonjour mon Amour.
Je souris, je suis rassuré.
— Bonjour ma vie.
Un trait de lumière, ses prunelles s'évadent, me fuient. Ses poings se serrent, se relâchent ; de nouveau un regard, incisif celui-ci, presque accusateur.
— Tu m'as apporté ce que je t'ai demandé ?
Je désigne son poignet.
— Ta montre ? Oui, je viens de l'accrocher.
— Non ! Les mots fléchés.
Mince, j'ai oublié. J'affronte sa brève colère. puis, elle passe, il regarde l'écran allumé. S'acharne sur la télécommande. Il veut reculer pour rattraper le programme raté. Hélas, le matériel de cet univers aseptisé est basique. Il ne l'entend pas, son esprit aventureux est reparti à la maison, il crie :
— Pourquoi ça ne marche pas ?
Je n'ose lui répéter ce que je lui ai déjà dit, je fais un mensonge pieux.
— Sans doute qu'elle est en panne.
— Tu appelleras SFR ?
Ses prunelles sont lumineuses, pleine d'espoir à nouveau. Je ne démens pas. Il se calme, oublie l'écran et me contemple, je me noie dans son regard débordant de tendresse. Au fond, c'est cela l'important. Ce qui nous lie, il ne l'oublie pas. Je prends sa main, ne la lâche plus.
— Comment va Salomé ?
Question soudaine, mais légitime. Je lui parle alors de notre petite-fille. Bien avant que je termine, il a déjà changé d'endroit, et là… Il compte sur ses doigts. Ceux de la main que je n'emprisonne pas. Je l'entends ânonner, je me tais, attendant qu'il tourne de nouveau son attention vers moi.
Il le fait, je le happe aussitôt.
— Bonjour mon amour.
— Bonjour ma vie.
Sourire lumière, redécouverte, autre chemin emprunté, pour tenter de revenir à la réalité, sa réalité...
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