Les Desseins de l’Apræncal - 1

3 minutes de lecture

Debout au milieu des corps inconscients, tu luttais pour ne pas chanceler, pour ne pas trahir ta faiblesse. Malgré toi, tu te concentrais sur ta jambe lancinante. Tu ne pourrais pas riposter si quelqu’un t’attaquait, mais la plupart des Dai étaient à terre. Les disciples regardaient et commentaient ce qu’ils avaient vu, adossés aux murs, Niashæl parmi eux.

Tu as vu Royan, dont un Ælv bandait la tête. D’après sa respiration bruyante, il devait avoir reçu un coup au plexus.

Malgré ton état actuel, tu ne pouvais t’empêcher d’être déçue de tes adversaires. Ils n’étaient pas invincibles. L’entraînement de l’Apræncal n’était pas digne du mythe auquel tu t’étais laissé croire.

Le gong a retenti une dernière fois. Certains des Dai encore debout se sont assis, mais tu t’y es refusée, malgré la flaque de sang auréolant ton talon. Tu as serré les poings pour résister.

Lyoonëi, l’Apræncal, a fait le tour des blessés. Ne comptant que deux morts, elle a ordonné aux guérisseurs de suivre la procédure habituelle et est remontée sur le balcon. Contrairement aux Dai et aux Ælvn, elle s’exprimait parfaitement dans les deux langues.

— Vos quatre adversaires du jour étaient les champions du rez-de-chaussée du dôme. Presque des novices, comme vous. Très loin du niveau de ceux du quinzième et dernier étage.

Tu ne savais pas si l’Apræncal voulait vous démoraliser ou vous motiver, mais tu as repris espoir. Ces recrues-là étaient des débutants, ils n’étaient pas censés t’impressionner. Tu pourrais devenir beaucoup plus forte qu’eux. Qui sait.

Tu ignorais ce qu’en pensait l’Apræncal, mais tu étais positivement étonnée de tes performances. Jusqu’à ce jour, tu t’étais contentée de fuir les adversaires plus gros que toi, de survivre. Mais cette fois-ci, tu avais riposté, attaqué même, et tu tenais encore debout. Ton corps frêle recelait une énergie qui rivalisait avec ces colosses.

— Le Frreshie jaune avec la dorsale saillante, l’enfant riao à la parure et le Rokian avec une queue sable.

Était-ce la liste des sélectionnés ? Tu as cherché un autre Riao qui pourrait correspondre à la description. Tu n’en as pas trouvé, mais la sueur et le choc que tu avais reçu à la tête te troublaient la vue. Faisais-tu vraiment partie des disciples ?

Un Ælv s’est approché pour te soigner et tu n’as pas eu la force de l’envoyer paître. Tandis qu’il nettoyait la plaie sur ton mollet, Royan et moi nous sommes approchés.

— Je vais devoir annoncer à l’Apræncal que j’ai plus trop envie d’être son garde du corps finalement, a blagué le loup.

— Je voulais pas te laisser tout seul encore une fois…

— Je suis pas tout seul, Kaz est avec moi !

Malgré ton appréhension, j’ai trouvé ton enthousiasme contagieux et agité joyeusement les bras, même si j’avais l’air exténué. Les disciples ne connaissaient pas le concept de spectateur : j’avais détalé pendant toute la durée des combats. Royan s’est gratté le cou.

— Mais sors vite de là quand même. Y’a quinze étages, elle a dit ? Donc en quinze jours c’est bouclé !

Tu as souri à moitié et sombrement rectifié :

— Plutôt quinze essoan. Idéalement, je devrais aussi battre l’Apræncal pour vraiment compléter l’entraînement.

— Bah, seize jours alors.

Tu as ri malgré toi. Royan et moi avons été escortés hors du dôme avec les autres éliminés. Niashæl s’est approchée de toi et ton cœur s’est serré quand les portes massives se sont refermées sur la silhouette du jeune loup en liberté. Ton regard s’est égaré sur les murs transparents pendant qu’on barrait la sortie.

— Tu leur fais confiance ? a alors demandé Niashæl.

— Plus qu’à toi.

Elle s’est trituré les doigts.

— C’est moi qui vais t’expliquer comment ça se passe ici. Les horaires, les dortoirs, les repas, tout ça. Je me suis proposée.

Tu as soupiré.

— Tu crois qu’on est meilleures potes parce qu’on est toutes les deux akcin ?

— C’est pas… le terme que j’utiliserais. C’est insultant, tu sais ?

— Je sais.

— Ça veut dire « mauvais sang » en yu, donc c’est mieux de dire « sang-mêlé ».

— Je sais.

— Donc on dit : « Je me présente : je m’appelle Caei et je suis… » ?

— Une sale akci.

Niashæl a gaiement secoué la tête.

— Tu fais n’importe quoi. Lyoonëi t’aimera bien, je pense.

Elle t’a indiqué l’escalier.

Accompagnée des deux autres nouvelles recrues, tu t’y es dirigée pour entrer dans une salle aux murs opaques. Lyoonëi s’est tournée vers toi :

— Tu as peu d’entraînement préalable, donc tu auras beaucoup de choses à rattraper. Du côté positif, je vais pouvoir te sculpter comme mon propre relief.

Sans rien à répondre, tu n’as pas cillé.

— Et tu es de sang-mêlé.

Tu as baissé les yeux. Tu sentais le regard des autres sur toi.

Annotations

Vous aimez lire Gaëlle N. Harper ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0