Niashæl
Des cycles d’Essea plus tôt, Niashæl vagabondait dans la forêt. Sans destination à l’esprit, elle marchait au hasard des baies, des proies et des vents, suivant les ressources comme le ruisseau suit son cours.
Des traces de pas, des odeurs, des feux morts et, parfois, des camps lui rappelaient qu’elle n’était pas la seule à hanter les bois. Elle partageait son territoire avec ses prédateurs. Elle avait appris à devenir invisible. Mais on n’est jamais invisible pour qui nous cherche. Et Niashæl était suivie.
Un jour, elle a flairé son poursuivant. Ses jambes se sont liquéfiées, comme chaque fois qu’elle sentait ceux à l’odeur de son père. La nostalgie l’a enivrée et seule la peur de mourir l’a retenue de pister le parfum familier. Elle devait se méfier des Riaon plus encore que des autres mesan.
Le Riao se rapprochait, alors Niashæl s’est couverte de boue et d’argile pour enfouir son odeur dans la terre humide. D’ordinaire, les prédateurs n’insistaient pas. Une petite Riao à l’effluve étrange ne valait pas tant d’efforts. Ils remontaient la piste éteinte et s’arrêtaient là.
Mais celui-ci a insisté. Privé de repères olfactifs, il suivait les branches cassées, les empreintes de pas, les restes de repas.
Ce n’était pas comme avec Adramæk. Niashæl n’avait plus de confiance à accorder, alors elle craignait ce mesa trop curieux, trop obstiné pour être de bonne volonté.
Elle a brouillé les pistes tant que possible, mais il continuait de se rapprocher. « Tout ce qui vit laisse des traces », lui avait dit son père. Le gibier ne peut que se cacher du mieux qu’il le peut et espérer qu’on l’abandonne en faveur d’une victime plus aisée.
Ce prédateur-là avait croisé le chemin de mille proies sans ralentir sa chasse.
Il voulait tuer Niashæl. Pas par faim, pas par nécessité.
Le dernier recours de la proie piégée est de mordre, pensa-t-elle.
Elle mordrait.
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