Chapitre 6 - Explications (suite)
Alexandre se décida à servir le thé. Les tasses étaient en porcelaine fine. Donc brûlantes.
« Attention, c’est chaud. »
Lenka prit la tasse et souffla doucement à la surface du thé. Alexandre la revit faire ce même geste dans leur appartement à Prague. Une bouillotte sur le ventre, un mug de thé bouillant, et ses lèvres délicates soufflant par à-coups pour refroidir modestement la décoction. Il la retrouvait subitement, dans son chemisier blanc, dans ce bureau à l’autre bout du monde.
« Du coup, comment tu es rentrée dans les services russes ?
- On ne candidate pas vraiment. J’avais reçu une bourse universitaire pour étudier à Prague. Mes grands-parents sont tchèques et les gens que je t’avais présentés sont de ma famille. Des cousines de ma mère. On parlait parfois tchèque chez nous, quand mes grands-parents étaient là. Bref, quand j’ai eu ma bourse, un agent m’a bien fait comprendre les enjeux de cette aide. Si je voulais voir les financements se poursuivre, je devrais coopérer. J’avais un contact sur place et je devais lui signaler tout ce qui pouvait intéresser de près ou de loin le renseignement russe. Je faisais un rapport mensuel. Et puis, au bout d’un moment, on m’a proposé d’intégrer cette cellule. Avec un salaire. Mes parents sont des gens modestes, sans cet argent, je n’aurais sans doute pas pu poursuivre mes études. A cette époque je ne voyais pas trop où était le problème. Mes rapports étaient vides. Je n’apportais aucune information de premier plan. Mais lorsqu’il y a eu l’explosion, les tensions entre la Russie et la Tchéquie se sont tendues et la cellule m’a recrutée. Et j’ai eu droit à un stage en bonne et due forme dans une université russe. Quand je suis revenue à Prague, j’avais ma bourse de doctorat, et des missions de surveillance. J’ai fréquenté l’Institut français et t’ai rencontré. Je suis tombée amoureuse de toi.
- Bien sûr.
- Je te le jure. A ce moment-là, je ne pensais pas du tout à Morozov. A ce moment-là, je pensais à ma thèse. Tu me peux me croire !
- Tu m’as tellement menti, ma chère, je ne pourrai plus jamais te croire.
- Et pourquoi crois-tu que je suis là, hein ? D’après toi ?
- Tu as été envoyée à Singapour, voilà tout. Alors tu t’es dit que tu viendrais visiter ton vieil ami français.
- T’es idiot.
- Tu n’es pas à Singapour ?
- C’est ce que j’ai dit à ta collègue, j’avoue avoir menti. Tu ne crois pas qu’un agent russe démasqué par les services français peut continuer une carrière normale pour son pays ! Quand tes amis de la DST m’ont emmenée, tu crois que c’était pour me reconduire à la frontière ? »
Alexandre ne savait pas vraiment ce qu’il avait bien pu se passer en vérité.
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