La pluie frappait contre le carreau, lourde et régulière. L’enfant la regardait s’écraser sur le vitrail, ses grands yeux verts se plissant lorsqu’une goutte explosait trop près.

« Eh bien, petit frère, tu rêves ? »

Il se retourna vers sa sœur, assise dans un fauteuil au coin du feu.

« Je songeais.

-Oh, et à quoi songeais tu ?

-À mon avenir, répondit-il en s’approchant de la cheminée.

-À ton avenir ? Alors du haut de tes dix ans, tu sais ce que tu veux faire de ta vie ?

-Non, je sais ce que je vais faire. Je deviendrai un champion d’Esor.

-Ah oui ? Et pourquoi deviendras-tu un des neufs protecteurs de notre royaume ?

-Pour que les conteurs racontent mes exploits dans une saga, et qu’on se souvienne de moi pour toujours.

-Rien que ça ? Être le fils d’un grand seigneur, ce n’est pas assez pour toi ? »

Elle l’attrapa et le serra contre elle.

« Eh, arrête ! Tu vas m’étouffer ! »

Elle sourit et desserra son emprise.

« Tu sais, quand un petit garçon devient trop cupide…

-Je sais, il se transforme en elfe noir.

-Exact. Mais sache aussi qu’une fois devenus grands, les petits garçons doivent apprendre à protéger les femmes. »

Il revint péniblement à la réalité, sa conscience luttant contre le coma. Par la visière de son casque, les formes encore floues des combattants parvenaient à ses prunelles émeraudes. En tentant de bouger, il fut saisi d’un éclair de douleur. Lorsqu’il tourna la tête, il constata que ses protections en miette laissaient à vif la chair de son bras gauche. Son bouclier, quelques mètres plus loin, avait plus l’allure d’un bout de ferraille que d’autre chose. Il cligna des yeux. Des pas rapides se rapprochèrent derrière sa tête. Un visage rond fit irruption dans son champ de vision, encadré de courtes mèches grises.

« Maître Falco ?

-Estelle ? Que fais-tu là ?

-Hylia soit louée, vous êtes vivant ! Quand j’ai vu le coup que vous a asséné le héros riphas, j’ai cru qu’il vous avait envoyé au séjour des morts.

-Combien de temps suis-je resté… inconscient ?

-Trois à quatre minutes.

-Comment tourne la bataille ?

-Impossible de le savoir, le tumulte est encore trop intense. »

Il toussa, projetant du sang sur son masque protecteur.

« Maître Falco !

-Ça ira, ça ira. Peux-tu m’aider s’il te plaît ?

-Tout de suite. »

Elle saisit sa main et lui servit d’appui afin qu’il se stabilise.

« Merci.

-Il n’y a pas de quoi. »

Une lame passa juste devant lui. Il la saisit au vol, rigidifia sa main et brisa le métal. D’un mouvement sec, il planta un éclat dans le ventre de l’épéiste.

« Maître !

-Je ne suis pas en état de tenir une épée, mais le durcissement devrait suffire pour l’instant. »

Il se tourna vers elle. Une larme perlait au coin de son œil droit.

« Estelle ?

-Maître… je suis votre écuyer, je peux faire n’importe quoi pour vous, mais… à chaque fois que vous agissez imprudemment, mon cœur menace de me lâcher. Alors s’il vous plaît… prenez garde à vous.

-Je vais essayer. »

Elle passa son doigt sur sa joue avant de demander :

« Qu’allez-vous faire maintenant, maître Falco ?

-Je voudrais éliminer le héros, mais je vais avoir besoin de ton aide. Me l’offriras-tu ?

-Autant de fois que vous me la demanderez. »

Il hocha la tête.

« Tu as toujours ta claymore ?

-Oui ! »

Elle matérialisa l’arme pour en saisir la poignée.

« Parfait, j’ai besoin que tu fasses quelque chose de bien précis… »