Lettre anonyme
« Je t'aimais tant ! hélas nos chemins se séparent,
Tu resteras ici dans la cendre et le sel,
Condamnée à l'endroit où les âmes s'égarent
Et brûlent par milliers les pages de missel.
Je saurai pour toujours où lasse tu reposes,
Et comme un long soupir d'outre-tombe venu,
J'embrasserai ton spectre aux paupières mi-closes,
Caressant des deux mains ce passé détenu.
Tu me traverseras en lame désolée
Sans jamais par la mort restaurer notre amour,
Blessé mais immortel en ce vieux mausolée
Que devient désormais l'abominable cour.
Tu seras au plafond parmi d'autres visages,
Portrait mystérieux verni de souvenir
Où l'adieu chaque jour à travers tous les âges,
Reviendra sans pinceaux mais brûlant de désir.
Mais peut-être qu'un jour, qui sait, te reverrai-je
Dans un regard brillant ou le velours d'un front,
À travers un enfant qui courra dans la neige
Et qu'un jour, comme nous, les jours avaleront.
Voilà l'heure, je pars et blessé te distance,
Je pars rejoindre ainsi tous ceux qui comme moi
Ont connu sans regrets ta blancheur, Innocence,
Couleur de mon linceul mélancolique et froid. »
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