Prologue (Part. 1/3)
L’an 542. Ère 3.
À Miraille, Capitale de l’Ambassade.
La pluie lacérait violemment les pavés gris. La voûte nuageuse assombrissait le paysage. Seuls les éclairs de l’orage illuminaient le ténébreux ciel. Un temps pesant pour une situation étouffante.
Une forme encapuchonnée traversait les ruelles à pas rapide. Sa cape trempée perdait de son bleu lumineux, symbole de la Justice. Les avenues étaient désertes. Seuls des regards tendus se dessinaient derrière les rideaux des fenêtres, observant la forme fouler de ses bottines le sol délavé.
Abilio continuait son chemin. Il avait chevauché dans les plaines de l’Ambassade aussi vite qu’il avait pu pour rejoindre Miraille. Ses cuisses étaient endolories et la fatigue ainsi que le froid le rendait transit. Son esprit vacillait dans une palette d’émotion qui n’avait pas dépeint sur lui depuis longtemps.
Au bout de quelques minutes, il atteint le Palais de Justice : une impressionnante bâtisse supportée par des colonnes de marbres noirs. Ses pas foulèrent le sol glissant et Abilio se mit à grimper les marches deux par deux pour rapidement s’abriter en dessous de l’appendice. Un majordome tenait l’entrée fermée. Le jeune homme se présenta :
- Abilio de Gilao, ancien vice-ambassadeur de la Justice. Je suis appelé pour l’affaire de Mademoiselle Mayrissa de Nuo, prisonnière politique détenue dans les geôles du Palais de Justice.
Le tenancier jeta un coup d’œil à la liste des autorisés à rentrer dans l’endroit. Même si ce dernier avait tenté de garder une expression impassive, le nom de Gilao avait de quoi impressionner. Celui-ci était l'un des trois pays qui façonnait la presqu’île des Nordiens. Abilio n’était qu’autre que le troisième fils du Roi de ces contrées. Les petites mains des institutions de l’Ambassade devaient s’habituer à côtoyer des Hommes de pouvoir.
Il finit par acquiescer.
- Vous êtes sur la liste, Monsieur de Gilao. L’affaire a secoué le continent. La Palais de Justice est en effervescence. Le Conseil de la Justice vous attend au troisième étage dans la salle des Trois Estropiés.
Abilio remercia le majordome et entra dans le bâtiment. La grandeur de l’édifice en faisait pâlir les nouveaux venus : cinq colossaux étages se répartissant autour d’un hall recouvert d’un carrelage sombre. L’ancien vice-ambassadeur se dirigea vers l’un des escaliers tout en bousculant des hommes et des femmes, les bras recouverts de parchemins. Des chuchotements l’accompagnèrent. Son visage empli de sérieux n’était pas inconnu par ici. Il se jeta dans les couloirs qu’il aurait pu franchir les yeux fermés tant ses pas avaient foulé le sol. Il s’enfonça dans des escaliers en colimaçons plus étroits ou des fenêtres s’entrebâiller sur l’extérieur. Miraille s’étendait à perte de vue. Ses allées vides découpaient les quartiers et le ciel planait au-dessus comme une ombre menaçante.
Abilio finit par se retrouver devant une porte ou un second majordome l’attendait.
- Abilio de Gilao. Le Conseil m’attend dans la salle des Trois Estropiés.
Celui-ci prit bien moins de temps que le précédent et tourna d’antiques clés dans la serrure. La porte s’ouvrit sur une espèce de grenier bas de plafonds ou des fenêtres à ras du sol éclairait la dizaine de personnes recroquevillée dans un lieu trop exigu. À peine Abilio parcourut le sol de bois qu’une voix familière se cogna à lui :
- Maître Abilio ! Vous nous avez fait attendre.
Il croisa les yeux d’une femme recouverte d’une cape beige. Des rides commençaient à creuser son visage et ses cheveux blond paille parcouraient son crâne sous la forme d’une tresse. Autour de son coup se trouvait une chaîne dorée ornée d’une balance. Tous les partisans de la Justice le portaient à l’exception de lui-même qui l’avait quitté il y a deux ans.
- Veuillez m’excuser, Maître Pagara. J’ai fait aussi vite que j’ai pu, mais je me trouvais a des dizaines de lieux d’ici.
L’expression sérieuse de celle qui l’avait accueillie se dérida un peu.
- Ne faisant plus partie du Conseil de la Justice, nous avons commençait sans vous. Je tiens tout de même à vous introduire le problème. Avez-vous lu la presse, ce matin ?
- Non, s’empressa-t-il de répondre tout en se dévêtissent de sa cape. J’ai reçu votre message et j’ai bondi sur mon cheval de suite.
Maître Pagara lui tendit le journal avec une certaine inquiétude dans son regard.
- Nous voulions tenir secret cette affaire le moment d’organiser un procès qui ne laisse indifférent personnes. Mais les informations ont fuité. Seules les membres autour de cette table étaient au courant des faits. Nous pouvons essayer de blâmer les personnes suspectaient d’avoir vendu la mèche, mais cela ne sert à rien. Nous devons agir.
Abilio jeta un regard nerveux face aux gens qui l’entourait. Ils n’étaient pas tous ravis de sa présence. Avant de se plonger dans la lecture, il questionna la femme.
- Où est l’Ambassadeur de la Justice ?
- Parti d’urgence à Zeliha, répondit de marbre Maître Pagara.
De sombres souvenirs parcoururent sa mémoire. Abilio était à peu près sûre que personne ne croiserait l’Ambassadeur dans les rues de la capitale du Désert. Cela le mit en rage. Il disparaissait pour couvrir ses arrières, laissant le Conseil gérer les problèmes seuls. Son regard se plongea dans le papier journal.
Le journal de l’Ambassade ; 8 meridien d’esternum de l’an 542.
Mayrissa (Beratone) de Nuo : de princesse excentrique à ennemie publique.
Ce matin, les sources se sont confirmées. Mayrissa de Nuo a été capturée quelques jours auparavant. Elle est retenue actuellement dans les caveaux du Palais de Justice, prête à recevoir son deuxième procès officiel.
Pour rappel, Mademoiselle Mayrissa n’est qu’autre que la troisième fille de l’impératrice Kiléo Beratone, maîtresse des territoires du Désert. Son père est le premier fils de la doyenne Gabielle de Nuo, nommé Eyal du même nom.
Les écrits racontent que lors d’une de ses visites dans les ports bordant le désert, la Princesse Mayrissa aurait exécuté des villageois sous un coup de colère. On en dénombre une trentaine.
Ses méfaits se poursuivent avec le meurtre d’un noble de Zeliha par empoisonnement, tatoués à vie sur son propre visage d’une larme dorée sous son œil gauche.
Pour finir ce florilège de folie, elle organisa un coup d’État pour détrôner sa mère. Après avoir fait entrer des armes illégalement dans la ville d’Hazal, elle les a distribués à un mouvement sanglant portant le nom d’Heraïm. Leurs attentats se perpétuent encore à cause de ses actes irréfléchis et sadiques.
Un premier procès l’avait amené jusqu’à l’exil dans les terres gelées de la presque-île Nordienne. Celui-ci ne fut guère concluant puisque deux ans après, elle resurgit en Gilao atteint de la sériane, cette maladie rongeant les terres glacées. Hébergée dans la capitale de Gilao, elle a agressé le fils héritier du royaume en s’introduisant dans sa chambre et en le menaçant d’un poignard.
La Justice aurait répondu de suite à ce nouvel acte. Rendu aux prisons d’Esternaé, elle a finalement été retrouvée au milieu des terres de l’Ambassade, au plus près des habitations et les menottes bien loin de ses poignées.
Désormais les questions qui tourmentent les esprits sont : Quel est ce démon qui se joue de la Justice ? Qu’a ou que n’a pas fait l’Ambassade dans cette histoire et bien sûr qu’elles seront les procédures pour le prochain procès ?
Abilio de Gilao traversa des yeux une représentation de Mayrissa de Nuo. Une jolie femme, cheveux bouclés, yeux peu expressifs, mais profondément intimidants, les lèvres fines et retroussées en une mine des plus sérieuses. Autour de lui, les discussions animées avaient repris. Ayant fui la justice, le jeune homme était un peu perdu. Maître Pagara l’attira dans un coin plus calme.
- Vous avez travaillé sur son premier procès, n’est-ce pas ?
- J’ai esquissé un semblant de parchemin la mettant en cause dans plusieurs méfaits de détournement d’argent avec les banques de l’Ambassade, marmonna l’ancien vice-ambassadeur. Cela ne m’a pas attiré que de bonnes rumeurs sur ma personne.
- Je me doute, continua Maître Pagara. Mais elle a tenté d’assassiner votre frère. Cette jeune fille doit être enterrée.
Abilio en eut froid dans le dos. Il cacha les frissons qui venait de lui parcourent l’échine face au regard sérieux de cette dame de la Justice.
- Vous pensez à la peine de mort ? chuchota le jeune homme.
- Il n’y a pas d’autre solution. J’ai reçu une lettre prouvant que Mayrissa a bien été incarcérée dans la prison d’Esternaé. Comment a-t-elle réussi à se sortir de ce labyrinthe gardé de plusieurs centaines de soldats et enterré a plus de cinquante mètres sous le sol ? Je ne pourrais répondre à cette question. Il ne faut pas que cela recommence, Maître Abilio.
Le jeune homme réfléchit en se passant la main dans ses cheveux châtain trempés par la pluie.
- J’aimerais voir la prisonnière avant de me prononcer.
- Si vous commencez à vouloir juger à la tête des accusés, c’est que vous avez perdu de vos compétences, fulmina la femme.
- Il me faut la voir, s’affirma froidement Abilio.
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