Courir jusqu’au prochain départ
Le retour en France n’a pas été pour ralentir mon pas de course. J’avais moins d’une semaine sur place avant de refaire mon sac pour rejoindre l’Islande. Je me trouvais en état de confusion. À peine remise de cette épopée asiatique, je n’avais pas beaucoup l’occasion de partager le récit de mes aventures avec mes parents et mes rares amis qui se trouvaient par là. “Alors, les as-tu vues ces aurores boréales ?” semblait être la seule chose qui les intéressait. De mon côté, j’avais presque oublié cet objectif, rassasiée par les paysages et les mille expériences vécues. Tout le monde étant embarqué dans son quotidien de travailleur ou d’étudiant, je me trouvais complètement en décalage. D’ailleurs, le même train de vie qu'eux me pendait au nez. C’était la période des inscriptions à l’université. J’étais perdue au sujet de mon avenir, mais il me fallait vite prendre une décision avant de redécoller pour les terres du Nord. Je me forçais à un rapide bilan.
Après ma licence, j’avais pensé consacrer une année à mes explorations avant de reprendre le flambeau des études pour devenir professeur des écoles. Or, ces expériences m’avaient remuée au point de me faire revoir cet itinéraire simple et rassurant de départ.
Je me trouvais quelque peu déboussolée par le fait de ne plus vivre au rythme des cours et de l’année scolaire. En revanche, cela m’avait permis d’apprendre à organiser mon temps selon mes choix. Je partais où je voulais sur le globe et évoluais dans l’instant, au gré de mes attirances. J’avais savouré le dépaysement géographique et humain. Repousser mes horizons et sortir en permanence de la zone de confort, voilà des objectifs qui me paraissaient nobles.
Alors, comment se résoudre à retourner sur les bancs de l’école pour y faire carrière ? Revenir à des journées enfermées en classe, assise face à des “monsieurs je sais tout”, des professeurs étroits d’esprit chargés de nous dire ce qu’il faut savoir dans la vie pour l’enseigner à notre tour, sans cesse surveillé par le carcan de l’éducation nationale ?
Quant à la suite en Islande, je partais avec un vaste point d’interrogation à propos de tout. Je n’avais pas eu le temps de prospecter pour des emplois.
Quelques jours plus tard, avec cinq cent euros en poche, une confiance aveugle envers l’inconnu et le numéro de téléphone de Bilal, j’étais parée au décollage.
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