Le cintre

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 J’avais la sensation qu’avec Dalil, on pouvait s’attendre à tout.

 Un soir, alors que nous nous apprêtions à partir de Timburland, Dalil s’est avancé vers moi d’un air tendu. Son regard était empli de reproches.

— As-tu remarqué que j’avais placé des cintres dans notre casier ? m’adresse-t-il.

Comme il y avait moins de casiers que d’employés, Dalil et moi partagions le même. Effectivement, j’avais remarqué la présence des deux cintres accrochés à la tringle depuis ce matin-là. Face à son regard irrité, je me suis mise à éprouver une anxiété grandissante.

— À ton avis, à quoi servent-ils ?

J’attendais la suite mais le silence se faisait gênant.

— Suspendre des vêtements… ai-je fini par dire.

— Bien. Alors comment se fait-il que ton blouson ne soit pas mieux rangé que si tu l’avais balancé dans une poubelle ?

Il me fixait d’un air méprisant, attendant une réponse.

— J’imagine que j’étais pressée de partir et que je n’ai pas pensé au cintre…

— Juliette, c’est nul comme excuse. Cette nonchalance est de trop. Moi qui te croyais en pleine métamorphose, en mutation vers plus de discipline et de d’attention, je dois dire que je tombe des nues.

 À ces mots, il est parti en trombe sur son vélo, sans me dire au revoir. Je suis restée un moment ainsi, décontenancée. Je me sentais minable… Si seulement je l’avais insulté ! Au lieu de lui faire face, j’avais répondu telle une petite fille prise en faute.

 Le lendemain matin, je m’étais apaisée, et j’espérais qu’il en soit de même pour Dalil. Dans le bureau, il a répondu à mon salut d’un air distrait, sans croiser mon regard. Dès ce moment-là, j’ai su ce qui m’attendait. Toute la matinée, il s’est affairé de gauche à droite en m’ignorant avec application.

Je commençais à connaître ses sautes d’humeurs et ma difficulté à rester sereine dans ces cas-là. Attendre que l’orage passe était la seule chose à faire. Cependant, je ne pouvais pas m'empêcher d’y penser sans cesse et de perdre ainsi mon sang froid. Fallait-il que je me risque à lui adresser la parole ? Pas pour m’excuser, mais pour apaiser les choses, ou lui faire une blague à laquelle il serait obligé de rire… Malheureusement, j’étais suffisamment nerveuse pour que mes ressources humoristiques prennent congé.

 Le magasin restait ouvert entre midi et deux et nous allions manger par deux, afin qu’il y ait toujours des employés présents pour assister les clients. En temps normal, Dalil et moi nous rendions ensemble au restaurant de l’entreprise. Les portions de nourriture étaient généreuses, et nous avions coutume de partager un seul plateau. Cette habitude alimentait la croyance de certains collègues que étions en couple. Mais peu m’importait, car ils n’étaient ni des proches ni des amis.

 Ce jour-là, comme il me faisait la tête, il s’est débrouillé pour manger seul. De mon côté, je prenais le repas avec Justinas qui en avait toujours de bonnes pour me faire rire. Celui-ci connaissait le lien d’amitié et d’affection qui nous reliait avec Dalil. Il m’a dit de ne pas m’en faire, que celui-ci était incapable de rester chez Timburland s’il n’était pas question de faire le pitre avec moi.

 “Certaines personnes sont comme ça, elles ont besoin de bouder pour attirer l’attention. Il est clair qu’il a un trouble affectif. Détends-toi et oublie-le tant qu’il est dans son délire.”

 Je savais qu’il avait parfaitement raison.

 Les deux jours suivants, absence de Dalil au travail. Tant mieux, Cela m’évitait d'être confrontée à son jeu d’évitement perpétuel. Je soufflais un peu.

 Le jeudi, il s’est présenté tout frais à 7h55, le sourire aux lèvres. Dès qu’il m’a vue, il m’a donné l’accolade. Ne pouvant réagir autrement, je lui ai souri à mon tour.

 “Comment vas-tu Juliette ? Tu m’as beaucoup manqué, tu sais.

— Ça alors ! C’est de ta faute si je t’ai manqué, imbécile !

— J’avais juste besoin de prendre l’air, m’a-t-il répondu avec douceur, besoin de créer de l’espace autour de moi. J’ai tendance à interagir avec beaucoup de gens au sujet de l’association et parfois, cela me monte à la tête. Il m’a fallu prendre un temps de retrait.

— Tu te fiches de moi ?

— Non, je t’assure ! Puis, concernant ton erreur avec le casier, celle-ci méritait que je marque le coup. Que je te montre à quel point je te prends au sérieux.

— J’ai cru que tu étais furieux et que tu prenais la fuite ! Je n’étais pas sûre de te revoir ici.

— De quelle fuite me parles-tu ? Tu sais bien qu’il n’y a qu’une chose qui importe dans ma vie en ce moment, et tu fais partie intégrante de cette aventure. Je ne te laisserai jamais tomber, tu m’entends? Sous aucun prétexte.

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