Au cat coffee
Les jours suivants, Dalil a ressorti son arme redoutable, la bouderie. Il s’affairait d’une tâche à l’autre en faisant semblant de ne pas me voir. J’étais satisfaite de ne pas avoir à interagir. En conséquence, il n’a pas cherché à passer du temps avec Aurore non plus. Au cours de son séjour en ma compagnie, j’ai pu lui faire des confidences concernant le projet de mariage avec Qadir et sur mon étrange relation avec Dalil. Je n’ai pas osé lui révéler certains détails des plus déconcertants, car j’avais conscience que d’un point de vue extérieur, on aurait pu me prendre pour une folle de continuer à fréquenter d’aussi près un homme de cet âge, si particulier. Toute ouïe, Aurore ponctuait son écoute de gestes éberlués et d’exclamations incrédules. J’appréciais qu’elle se montre tout à fait compréhensive. Elle avait hâte de rencontrer Qadir et Ninon, mais aussi d’assister au mariage. Quant à Dalil, en plus de ce que je lui racontais, elle trouvait bizarre qu’il ne donne pas suite à leur rencontre.
Le samedi, mon invitée avait à faire. De mon côté, j’avais pris rendez-vous avec Thibault et Shahnoor, un couple franco-indien marié en Islande depuis trois ans. Nous étions en contact par l’intermédiaire d’un forum où j’avais effectué mes recherches sur le mariage d’étrangers en Islande.
Ils m’ont donné rendez-vous au Cat coffee, un endroit charmant de Reykjavik, dont je n’avais pas connaissance. Toute la famille était au rendez-vous.
Thibault, quadragénaire breton, vivait en Islande depuis sept ans, où il était venu pour un poste de travail en médecine nucléaire et avait rencontré son épouse dans un cours d’islandais où tous deux prenaient part. Shahnoor, plus proche de la trentaine, était originaire du Kashmir. Elle, son père et son frère avaient migré dans le pays depuis sept ans, après un long périple pour fuir les conflits de leur région natale. Amrita, leur petite, gesticulait sur le tapis de jeux pour enfants, animée par la présence d’un gros matou bien installé, la queue ondulant doucement. Devant une tasse de chocolat chaud, le couple a pris plaisir à m’expliquer en anglais comment ils avaient organisé leurs épousailles, et quelle était la suite des procédures pour que Shahnoor puisse obtenir la nationalité islandaise, quatre ans après le mariage. Je leur ai brièvement parlé de notre cas avec Qadir. Ils étaient prêts à nous aider si nous en avions besoin. Je m’amusais aussi avec Amrita, qui semblait obnubilée par la veste à paillettes bleues que j’avais revêtue ce jour-là. Shahnoor était à la recherche d’une baby-sitter pour certains soirs où elle souhaitait se rendre à un cours de couture, m’a-t-elle expliqué. Je me suis spontanément proposée en me disant que c’était l’occasion et un bon prétexte pour demander à diminuer mon emploi du temps chez Timburland. Voilà qui tombait à pic, ont-ils tous deux consenti. Il était bon que leur fille entende du français dans la bouche d’autres personnes en plus de son papa. J’ai quitté les lieux toute contente, ragaillardie par les nouvelles perspectives que m’offrait cette vie islandaise.
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