Le 2 février 2020

 C'est décidé, j'ai envoyé mon bon de commande aux éditions Belin pour acquérir les 17 volumes de la collection "Les mondes anciens" dirigée par Joël Cornette.

 Ce monument qui s'érige fièrement dans un paysage éditorial sinistré, renoue avec une pratique tombée en désuétude. On peut le dire, un monde s'est éteint en 2012, après la décision des éditions universalis de remplacer l'édition papier de sa célèbre encyclopédie éponyme, par son équivalent numérique sur internet. Les Anglais avaient tiré les premiers, huit mois auparavant, en renonçant à leur encyclopédie Britannica (Universalis fut créée en 1966 et la Britannica en 1768 !).

 Cette tendance, initialisée à partir des années 90, s'est généralisée et les grandes entreprises éditoriales engageant pendant plusieurs années des collectifs d'auteurs pour produire des synthèses de ce niveau et de cette ampleur sont devenues de plus en plus rares.

 Les éditions papier ont été jugées non rentables face à la concurrence du numérique qui a permis l'éclosion de l'encyclopédie gratuite et participative qu'est devenu Wikipédia depuis sa création en 2001.

 Ce fait de résistance des éditions Belin est d'autant plus méritoire qu'il ne s'agit pas d'un acte isolé. Il s'inscrit dans la lignée de son "Histoire de France" en 13 volumes publiés entre 2010 et 2012. Publication qui a été appréciée par le public (250 000 exemplaires vendus). Pour saluer cette initiative, j'ai lu, en son temps, la totalité de ces 13 volumes et je compte bien récidiver avec les 17 volumes des mondes anciens dont seulement 7 sont parus à ce jour.

 Qu'appelle-t-on l'histoire ancienne ? D'après Roger Caratini (1), l'un des derniers encyclopédistes dans la tradition de Pierre Larousse) :

"...il s'agit de l'histoire de l'humanité entre (à peu près) le IVe millénaire av. J.-C. et la fin du monde antique classique, soit le courant du Ve siècle ap. J.-C. (ou pour certains historiens, la fin du IVe siècle)".

La période est large et recouvre des univers très différents dont l'étude est passionnante.

 L'approche des éditions Belin, sous l'égide de Joël Cornette, est de présenter une histoire totale : événements, économie, société, politique, cultures, croyances vie quotidienne. Chaque grande civilisation fait l'objet d'un ou deux volumes : La Mésopotamie, l'Egypte, Byzance, L'occident médiéval, La Grèce, Rome, L'Afrique ancienne, L'Amérique etc...

 Face à cet édifice constitué de milliers de pages agrémentées d'une riche iconographie en couleur, il faut un certain souffle, sans doute une préparation mentale, mais aussi et surtout une solide motivation.

 Lorsqu'on évoque les mondes Antiques de nombreuses images viennent à l'esprit, l'Egypte ancienne, les pyramides, l'invention de l'écriture en mésopotamie, la naissance de la démocratie en Grèce, les légions romaines, les grands conflits ; les guerres médiques, la rivalité entre Sparte et Athènes, on pense aussi aux hommes, chefs de guerre, philosophes ou poètes qui font partie de notre mémoire collective, Assurbanipal, Alexandre le grand, Aristote, Sénèque, Homère, Eschylle sans oublier celui qui est considéré aujourd'hui comme le père de l'histoire : Hérodote.

 Alors, avant s'engager dans une telle lecture, il est peut-être utile de commencer par une introduction. J'ai choisi celle de Pierre Cabanes publiée chez Armand Colin dans la collection cursus : "Introduction à l'histoire de l'Antiquité".

 Cet ouvrage, qui s'adresse aux étudiants de premier cycle universitaire, présentait toutes les garanties souhaitables (auteur compétent et éditeur réputé), à l'usage il s'est avéré un peu décevant.

 Une introduction à un domaine de l'histoire, suppose une approche à la fois synthétique et complète mettant en évidence les faits marquants et les grandes idées pour structurer la pensée du lecteur et lui donner envie d'approfondir le sujet. Les trois parties annoncées dans l'avant-propos sont séduisantes. L'auteur se propose de présenter successivement :

- l'originalité de l'histoire de l'Antiquité,

- les fondements documentaires de l'histoire ancienne,

- les grandes étapes de l'Antiquité : la protohistoire et l'époque archaïque ; le monde grec et le monde romain.

 Ce programme est déjà plus restrictif que celui annoncé en quatrième de couverture qui laissait espérer une synthèse plus large.

 Même si les sujets traités présentent un indéniable intérêt, j'ai regretté l'importance excessive accordée aux deux premières parties consacrées à ce que l'on pourrait appeler "les sciences auxiliaires de l'histoire".

 Cet ouvrage souffre d'un défaut propre aux écrits d'universitaires, à savoir un excès d'érudition et une propension à citer à tout propos les études des collègues ce qui a pour effet, de transformer en bibliographie, un texte à vocation didactique. En rédigeant cet ouvrage, l'auteur a sans doute oublié l'étudiant qu'il était jadis, avide de démonstrations non pas simplistes, mais progressives et ne présupposant pas une connaissance détaillée à propos d'un sujet auquel on veut justement s'initier. Introduction ne veut pas dire immersion.

 D'autre part, dans la troisième partie, consacrée à la présentation proprement dite des faits historiques, l'auteur privilégie l'étude des mondes grecs et romains et ne fait qu'un trop rapide survol de l'Egypte et de la Mésopotamie.

On pourrait aussi juger un peu superflu ces nombreuses pages de chronologies, à la fois détaillées, quand au nombre de dates qui y figure, et succinctes, si l'on considère l'information portée au regard de chaque date. Une chronologie a sa place dans une introduction, mais elle serait mieux située en fin d'ouvrage, plutôt que disséminée tout au long des chapitres, et elle devrait se limiter aux faits essentiels pour permettre au lecteur d'identifier ce qu'il importe de retenir.

 Au final, même si j'ai pu tirer un certain profit de cette lecture, je déplore, pour la forme, un style un peu trop technique et pour le fond, un souci du détail (pour les domaines relevant de la spécialité de l'auteur), qui porte préjudice à la pédagogie de l'ensemble.

 Mais cela ne me dissuade nullement d'aborder maintenant les 17 volumes des "Mondes anciens" briévement présentés plus haut, j'aurais sans doute l'occasion d'y revenir.

(1) Roger Caratini (1924-2009), il est l'auteur d'une remarquable encyclopédie en 22 volumes, publiées par Bordas dans les années 1970.

Bibliographie :

- "Introduction à l'histoire de l'Antiquité", Pierre Cabanes, Armand Colin (2019), 315 pages.

- "Les mondes anciens" Collection en 17 volumes sous la direction de Joël Cornette, Belin (2016-2022). 600 pages en moyenne par volume.

Liste des ouvrages parus et à paraître :

déjà parus :

Préhistoire d'Europe, l'Egypte des pharaons, la Mésopotamie, Rome cité universelle, l'Afrique ancienne, Naissance de la Grèce, Rome la fin d'un empire.

à paraître (environ deux par an) :

La Grèce XVIe siècle av. J.-C. 235 apr. J.-C., Rome 753 av. J.-C. 536 apr. J.-C., Byzance, Le proche-orient romain, Terres d'Islam, L'occident médiéval, La perse, Le japon, l'Amérique.