La mythologie pour les nuls
Le 4 septembre 2020
Ma chambre s’ouvre sur une terrasse qui se prolonge par une pelouse, il arrive qu’un lézard emprunte ce chemin pour s’introduire dans la maison. C’est ce qui s’est passé ce matin. Le mini reptile était tranquillement posé sur le mur lorsque j’ai tenté de l’enfermer dans un récipient afin de lui rendre sa liberté. Mais celui-ci, suivant son instinct, est parvenu à s’échapper en abandonnant sa queue qui, après être tombée, continuait à s’agiter sur le sol. Ce petit évènement survenant au moment où je viens de terminer la lecture de « La Mythologie pour les nuls » m’a ouvert l’esprit sur le fantastique qui se déroule souvent sous nos yeux, tandis que nous le croyons cantonné à des époques lointaines où les dieux et les titans s’affrontaient au milieu de mondes étranges.
Quoi de plus fantastique que ce phénomène d’autodéfense. Le lézard n’est-il pas le descendant de cette créature mythique dotée de pouvoirs surnaturels, l’Hydre de l’Erne, monstre dont les têtes repoussaient aussitôt après avoir été tranchées par l’épée d’Héraclès ?
Après avoir refermé ce livre de Christopher W. Blackwell j’ai tendance à faire beaucoup de rapprochement entre mon quotidien et la mythologie. Ainsi je me suis amusé à recenser les nombreuses expressions qui trouvent leur origine dans les récits d’Homère, d’Hésiode, ou de Virgile. En voici quelques-unes :
La peur panique (Le terme panique est une référence au dieu Pan en mythologie grecque, qui, suppose-t-on inspirait la peur aux ennemis de ses sujets par ses bruits.),
Remplir le tonneau des Danaïdes,
Une pomme de discorde,
Un supplice de Tantale,
Tomber de Charybde en Scylla,
Tomber dans les bras de Morphée,
Céder aux chants des sirènes,
Être médusé,
Sortir de la cuisse de Jupiter,
Une voix de Stentor,
Jouer les Cassandre,
Le mot atlas vient d’Atlas, titan qui supportait sur ses épaules la voûte céleste. Par analogie Le nom d’atlas a été donné à la 1ère vertèbre qui porte la tête,
Les mots astronaute et cosmonaute ont été inspirés par les argonautes, les hommes qui accompagnèrent Jason parti à la conquête de la Toison d’or,
L’origine de la Voie lactée : Zeus fait boire à Hercule le lait d’une déesse pendant son sommeil, en repoussant l’enfant elle-ci laisse échapper une giclée de lait divin qui éclabousse la voûte céleste, la Voie lactée est créée.
etc.
Il n’y a pas que ces expressions pour nous rappeler la mythologie, les noms des mois y font également référence (Janvier = Janus, Mars = Dieu de la guerre, etc.), mais aussi les noms de planètes (Jupiter, Vénus…) et de leurs satellites, les noms de presque toutes les constellations évoquent aussi des dieux, des héros mythiques où des créatures fabuleuses imaginées par les poètes de l’antiquité plus de 1000 ans av. J.-C..
De nombreuses œuvres littéraires s’en inspirent, comment dès lors ne pas s’intéresser à la mythologie. Elle nous permet de mieux comprendre la littérature de tous les temps et de tous les pays jusqu’à nos jours. L'histoire de Roméo et Juliette se fondent sur celle de Pyrame et Thisbé des métamorphoses d’Ovide. L’apprenti sorcier du film Fantasia de Walt Disney (1942) est inspiré d’un récit de Lucien de Samosate, écrivain grec qui vécut de 125 à 192 apr. J.-C.. Les auteurs de fantasy trouvent leur inspiration dans des récits anciens telle que l’Iliade d’Homère ou les métamorphoses d’Ovide. De la Grèce antique à Harry Potter il n’y a qu’un pas.
Les mythes ont pour but d’expliquer le monde et la place de l’homme dans l’univers. Ces récits anciens ont également été transposés dans les textes religieux en particulier dans la bible, comme le mythe du déluge qui trouve son origine dans l’épopée de Gilgamesh héros de la mythologie mésopotamienne (IIe millénaire av. J.-C..).
Dans l’antiquité les mythes tenaient lieu de sciences et de religion en tentant de répondre aux questions sur nos origines par le biais d’histoire de héros, de dieux, de monstres fabuleux et de force de la nature.
« Les mythes existent afin de répondre aux questions des hommes auxquelles il n’existe pas de réponses rapides et sans équivoques. » (page 1).
« Les mythes contribuent à valider l’ordre social, comme celui des royautés héréditaires ou des structures de classes sociales. Ils peuvent aussi fournir à un royaume, une “histoire” qui semble le rendre inévitable. » (page 9).
Ils font partie de notre histoire et forment les bases de notre inconscient collectif. Parfois à notre insu, ils sont présents dans notre vie quotidienne nous sommes tous imprégnés de ces histoires. Un livre tel que « La mythologie pour les nuls » nous permet de prendre conscience de l’importance de ces anciens récits et ouvre d’importants champs de réflexion sur l’imaginaire, la destinée humaine, la formation de l’esprit scientifique. Mais la mythologie est aussi un merveilleux moyen d’évasion et de dépaysement pour échapper à la pauvreté de l’imaginaire déployée dans certaines séries télé ou romans de gare.
Les récits mythologiques sont pleins de bruits et de fureurs, les héros ne sont pas toujours bienveillants, les dieux manquent souvent de miséricorde et sont même parfois cruels, mais il y a ici où là quelques personnages recommandables pour leur intelligence et leur bonté. L’un de mes héros préférés est Prométhée qui aurait créé les hommes à partir d’eau et de terre, il est connu aussi pour avoir dérobé le feu sacré de l’Olympe pour en faire don aux humains et leur apprendre la métallurgie. Il paiera cher cette générosité, Zeus le condamne à être attaché à un rocher, son foie dévoré par un aigle chaque jour, et repoussant la nuit. Il sera délivré par Héraclès au cours de ses douze travaux. En grec ancien Prométhée signifie « prévoyant, celui qui réfléchit avant ». André Maurois a comparé Balzac, l’auteur de la comédie humaine, à Prométhée dans son livre « Prométhée ou la vie de Balzac ». Les liens possibles entre la mythologie et nos préoccupations contemporaines sont infinis et c’est ce qui fait tout l’intérêt de ce domaine de la connaissance.
Je ne peux donc que recommander cet ouvrage très clair, facile à lire et qui dresse un tableau complet de la mythologie grecque et romaine sans oublier les mythologies amérindienne, chinoise, japonaise, indienne, égyptienne, d’Amérique et d’Europe du Nord.
C’est un domaine susceptible d’attirer l’attention de jeunes lecteurs, notamment ceux qui lisent des romans de fantasy. On peut ainsi passer de la « high » fantasy représentée par Le Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien paru en 1954 à la « low » fantasy représentée par Harry Potter de J. K. Rowling (1997) et en venir aux textes classiques tels que l’Odyssée (1). Une sorte de parcours idéal de lecture qui permet de se divertir tout en améliorant sa culture générale.
Pour ma part, avec ce livre, j’ai pu structurer mes connaissances dans ce domaine et j’ai aussi appris beaucoup de choses nouvelles. Bien que la tonalité de cet ouvrage soit résolument humoristique, il est avant tout didactique et écrit avec sérieux, il est amplement suffisant pour transmettre de manière ludique une somme assez imposante de connaissances sur ce sujet.
Chacun se fera son idée sur cette question, personnellement je suis convaincu du fait que la connaissance de la mythologie est l'une des clés permettant de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.
(1) Dans la high fantasy la magie fait partie du monde dans lequel évolue les personnages, elle n’est pas un phénomène isolé, dans la low fantasy, les pouvoirs magiques sont réservés à quelques-uns qui l’utilisent parfois dans le monde réel créant ainsi des bouleversements incompréhensibles de la part des non initiés.
Bibliographie :
— « La mythologie pour les nuls », Christopher W. Blackvell, Amy H. Blackwell, Gilles Van Heems, Yves D. Papin, éditions france loisirs (2007), reliure cartonnée, 447 pages, illustrations en noir et blanc.
— « Mythologie générale », Félix Guirand, Larousse (1937-1992) avec 882 gravures, 448 pages (25 x 31 cm). Ce livre a été réédité dans la collection Larousse in extenso en 1996 avec un complément dictionnaire de mythologie rédigé par Joël Schmidt, 892 pages.
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