Chapitre 9

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C’est le week-end. On a une énième répétition tout à l’heure, à dix heures. C’est complètement débile de me lever à six heures pour me préparer. Mais c’est ce que je fais.

Quand je descends prendre mon petit-déjeuner, mes parents dorment encore. Je mange une pomme en silence et remonte pour me brosser les dents. J’enfile un pull en laine noir que je rentre dans un short en jean bleu foncé, que j’ai mis par-dessus des collants fins noirs. Je coiffe mes cheveux châtains et arrange ma frange avant de me laver le visage. J’applique du gloss rose sur mes lèvres, du mascara sur mes cils et agrémente mes yeux bruns d’un peu de fard à paupières de teinte nude. Je redescends à neuf heures pour enfiler mes chaussures, des Converses noires.

- Tu vas où, Brooklyn ?

- Ah, à la répétition.

- Ce n’était pas à dix heures ?

- Si, mais je prends de l’avance.

J’attrape mon téléphone indiquant qu’il est neuf heures deux. Je grimace.

- Beaucoup d’avance.

Je claque la porte de la maison et avance dans le froid matinal. Le soleil vient à peine de se lever. Aussi, quand j’arrive dans le hangar abandonné près du lycée, je tombe sur Steve, jouant de la guitare, assis par terre.

- Hello, dis-je.

- Salut, Taylor Swift.

Je soupire et m’assois à ses côtés.

- Tu es en avance, déclare-je.

- Toi aussi.

Il lève ses yeux vers moi.

- T’es plutôt mignonne, sans ton uniforme.

- M…merci. Attends, ça veut dire qu’avec mon uniforme, je ne suis pas mignonne ? m’offusque-je.

- Si, idiote, répond-il en prenant le même ton que moi la dernière fois.

Je sens un afflux sanguin venir tout droit vers mon visage et rendre mes joues rouges.

Une cinquantaine de minutes plus tard, les autres arrivent.

- Salut, Brooklyn, piaille Holly.

Jason et Simon me sourient et Clara vient me faire la bise.

- Salut.

- Bon, dit Steve en se levant. On peut commencer la répét’. On commence par Trop importante.

Je m’avance vers le micro qu’on a installé. Holly fait son intro au piano, Jason entame sa partie à la batterie et Clara joue ses notes à la guitare. Je fais mon entrée en chantant de la voix la plus claire que je peux. Simon gratte sa basse et Steve rajoute sa guitare.

- C’était super, clame-t’il à la fin.

- Je suis d’accord, commente Jason.

- On enchaîne avec Laisse-moi tomber, propose Clara.

On joue ce morceau beaucoup mieux que les premières fois et Steve sourit. Une fois que les deux premières musiques sont peaufinées, on commence à jouer Noyée. Quand les autres découvrent les paroles, je stresse. C’est Simon qui parle en premier :

- Brooklyn… Pourquoi toutes tes chansons sont si tristes ? Tu vas mal ?

- Comment ça, quelqu’un t’a poussé dans l’eau gelée ? Et c’est quoi cette histoire d’être noyée dans le passé ? renchérit Holly.

- C’est quoi, ce passé que tu ressasses tout le temps dans tes chansons ? demande Jason.

- Brook’… Je crois qu’il est temps de leur en parler. On est tes amis, ils ne te jugeront pas, murmure Clara.

- Allez, Taylor Swift, crache le morceau, continue Steve.

J’inspire et mes yeux se baignent de larmes. Je leur déballe tout : la dispute entre Jade, Hannah et Leyla, les critiques et je finis par ma noyade dans le lac, le jour de la course d’orientation.

Ils sont tous horrifiés, sauf Steve et Clara qui connaissaient déjà l’histoire.

- Pourquoi tu ne nous en as jamais parlé ? demande Holly, une pointe de reproche dans la voix.

- Parce que tu crois que c’est simple de le faire ? me défend Steve. Elle avait peur de se faire juger et rejeter.

Je recommence à pleurer et Clara me prend dans ses bras. Holly, Jason et Simon me fixent avec peine.

- Je suis désolée…

Jason propose de se reconcentrer sur la musique. On improvise assez rapidement, et une idée me vient à l’esprit.

- Entre le refrain et le troisième couplet, on pourrait ajouter un solo de piano en ré mineur, suggère-je.

- Ok, on teste.

On reprend la musique du début. Je claque les paroles du refrain pour la deuxième fois, puis Holly se lance dans un solo mélancolique composé de quatre-doubles, de croches et de sextolets compliqués à réaliser, mais magnifiques à entendre.

- Super, dit Steve. On garde.

- Vive mes dix ans de piano, se vante-t’elle.

- A la dernière mesure du solo, Jason, tu donnes quelques coups de batterie et ensuite, Clara, Simon et moi on joue un peu de nos instruments avant que tu reprennes le chant, Taylor Swift.

On essaye. C’est super beau. Je vis la chanson avec tellement de passion. Je m’imagine à nouveau dans le lac (pas au point de faire une de mes crises d’angoisse) et chante en y mettant tout mon coeur, toute mon âme.

On finit la répétition par une ballade dans un parc. Même Steve reste. Au bout d’un moment, Jason rentre chez lui parce qu’il a froid, Clara a rendez-vous chez le médecin, Holly en a marre et la mère de Simon lui a dit de rentrer.

Je me retrouve seule avec Steve. Encore.

- Merci d’avoir pris ma défense, tout à l’heure.

- De rien.

Il se tourne vers moi, m’attrape par les hanches, m’attire contre lui et m’embrasse. Je rougis et murmure que je dois partir avant de me sauver en courant. Quand je rentre chez moi, je m’assois sur le canapé avec un sachet de bonbons et un cupcake au chocolat, glaçage menthe. J’ai besoin de me rafraîchir les idées.

Je croque dans le cupcake délicieux réalisé par ma mère et allume la télé. Il est midi passé, je devrai peut-être songer à manger autre chose qu’un cupcake.

- Papa, Maman !

Pas de réponse.

Je me dirige vers la cuisine et trouve un papier.

Tu ne répondais pas au téléphone, alors je te laisse un petit mot ici.

Je suis à l’hôpital avec ta mère. Mange un bout, il y a ton hot-dog d’hier dans le frigo.

Si tu veux, tu peux nous rejoindre.

Papa

À l’hôpital ? Qu’est-ce qu’ils font là-bas ? Que s’est-il passé ? Je monte en vitesse dans ma chambre et troque ma tenue pour un jean slim et un sweat noir. Je redescends en courant, j’ouvre le garage et attrape mon vélo.

Je grimpe dessus et pédale à toute vitesse jusqu’à l’hôpital. Je croise Steve en chemin. Ah, sérieusement ?

- Hé, Taylor Swift, tu vas où ?

- C’est pas tes oignons.

J’accélère et m’arrête dans un dérapage qui manque de me faire tomber. Je pousse les portes de l’hôpital dans un grand fracas et la dame à l’accueil me fixe, sûrement en train de se demander quelle tarée vient d’entrer.

Je m’avance vers le comptoir. La femme blonde a les cheveux plaqués avec une surdose de gel, des yeux sévères et un uniforme tailleur-jupe noir beaucoup trop serré. Sa petite étiquette indique «Lola».

Elle me toise du regard et entreprend de m’ignorer en tapant sur le clavier de son ordinateur.

- Euh… bonjour.

- Bonjour. Nom, prénom, carte d’identité, nom et prénom de la personne que vous venez voir.

Elle ne me regarde même pas.

- Je m’appelle Brooklyn Bright, euh… je n’ai pas ma carte d’identité sur moi. Mon père et ma mère, Nicolas et Mélia Bright m’ont téléphoné pour me dire qu’ils étaient à l’hôpital.

- Si tu n’as pas ta carte, je ne peux pas te faire entrer. Maintenant, va-t’en, tu me fais perdre du temps.

Elle enfourne dans sa bouche un chewing-gum à la fraise et secoue sa main pour m’indiquer la sortie.

- Euh… Je suis désolée, mais c’est urgent et…

- Si c’était urgent, je crois bien que tes parents auraient été mis en soins intensifs, non ? Et je t’aurai laissé rentrer, non ?

Rien que le fait qu’ils ne soient pas en soins intensifs me soulage. Mais je dois les voir.

- Euh… Je voulais dire que je devais aller aux toilettes et que c’était urgent.

Lola souffle et lève les yeux au ciel avant de dire d’un ton blasé :

- Dans le couloir, deuxième porte à droite.

Je m’engouffre dedans, et quand la secrétaire regarde ailleurs, je gravis les escaliers à toute vitesse. Je croise des médecins qui se fichent de moi, mais il y en a un qui m’arrête.

- Où vas-tu, jeune fille ?

- Bonjour, je m’appelle Brooklyn Bright et mes parents sont quelque part dans l’hôpital, mais je ne sais plus où…

Il soupire.

- Le nom de tes parents ?

- Nicolas et Mélia Bright.

Il soulève quelques feuilles avant de taper l’un d’elle avec son stylo.

- Chambre 401, étage 4. C’est par là.

Je le remercie avant de courir jusqu’à la salle. Quand j’y arrive, mon père est au chevet de ma mère, l’air inquiet. Maman, elle, est allongée dans un lit, les yeux fermés.

- Elle a quoi ?

- Je ne sais pas. Elle est tombée et… voilà.

La porte s’ouvre sur Lola, qui a l’air visiblement énervée de la situation.

- Je vous amène votre fils, souffle-t’elle.

- Notre fils ? demande mon père.

Un garçon entre dans la salle et je pousse un cri.

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