Chapitre 4 : Traverser les bois

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Horrifié, fou de rage, terrifié, Etienne ne savait plus ce qu'il ressentait en cet instant, mais une chose était sûre: il briserait en deux le crâne de cette créature qui avait osé souiller le corps de la femme qui partageait son sang. Homme ou Monstre, peu importe, il subirait le courroux de l'homme qui, enfin, élevait la voix:

-SORS DE LA! SORS DE LA, ORDURE!

Soudainement, la portière de la voiture s'ouvrit, frappant violemment Etienne qui fut projeté d'un ou deux mètres. Rémy arborait un visage souriant et satisfait, la bouche toujours ouverte et dégoulinante alors que Lucie, toujours dans la voiture, pleurait par à-coups, le regard vide, froid. C'était le visage d'une jeune fille qui venait d'être faite femme de force. Le monstre avide et immonde qui se trouvait devant elle venait de lui arracher son enfance de la plus ignoble des façons. Et alors qu'il fixait Etienne de ses yeux toujours pâles et de ses dents qui semblaient s'affuter de seconde en seconde, on n'entendait que le seul bruit des sanglots. Etienne se jeta alors sur lui et lui envoya un violent coup de poing qui le fit tomber par terre.

-SALAUD! Les flics vont te coffrer, espèce de sale fumier, lança-t-il en sortant son téléphone portable, tremblotant.

Mais le jeune homme à présent à terre se releva, se plaçant sur ses quatre pattes comme la bête monstrueuse qu'il était devenu. Et alors que ses muscles grossissaient peu à peu, déchirant les boutons de sa chemise, une lueur s'alluma dans ses yeux, c'était le diable lui même qui semblait s'exprimer à l'intérieur du jeune garçon, alors qu'Etienne, observant la transformation lachaît son téléphone portable.

-Qu'est-ce que...

Mais il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que la créature bondissait sur lui, mordant violemment son épaule à en arracher sa chair, ce qui lui valut un hurlement du plus profond des tripes. Se débattant alors, Etienne envoyait à nouveaux des coups de poings et pieds, Lucie était sortie de la voiture, espérant l'aider. Le jeune homme commençait à perdre connaissance, il savait à cet instant qu'il allait mourir. "Merde, pensait-il. Je vais crever, et j'aurais même pas eu le temps de m'y préparer. Jamais je saurais quel type, quelle bestiole m'aura buté, ni s'il restera quelqu'un pour m'enterrer... Lucie... Papa... Il faut que..."

-Lu...Lucie...! hurla-t-il, alors qu'il ne distinguait plus aucune forme dans la nuit à peine éclairée par la devanture du musée. Démarre! Tire-toi, VITE!

Les éclaboussures du sang. Le bruit d'un moteur de voiture. Les grognements incessants d'une bête assoifée de sang. Et puis, plus rien.

Etienne ne voyait plus, n'entendait plus. C'était ça, la mort? Plus aucun de ses membres ne pouvait bouger. A vrai dire, il ne sentait plus son corps du tout. Alors c'est vraiment ça qu'il devait faire, après être tombé au combat contre ce monstre? Être un corps incapable de voir, entendre, parler ou bouger destiné à errer pour toujours dans le néant? Pas très amusant. Et puis, il commençait à sentir des sortes de haut-le-coeur provenant de sa poitrine. Comme s'il allait vomir, ou recommencer à respirer après avoir plongé dans l'eau trop longtemps. Et c'est ce qui se produisit: D'abord, son coeur se remit à battre brusquement, puis il respira de nouveau, avant d'ouvrir les yeux en sursaut et de sentir des acouphènes aller et venir dans ses oreilles. Il avait de nouveau conscience de lui-même. Mais quelque chose ne collait pas: il ne semblait ni être au paradis, ni en enfer. Il était simplement allongé sur le parking du musée. Mais s'il n'était pas dans le monde des morts, quelque chose l'interpellait: Il n'y avait personne autour de lui, ni Lucie, ni Rémy, et il n'entendait aucun son venant du musée. Il se releva et remarqua tout de suite quelque chose: son épaule n'était plus du tout recouverte de sang, et aucune trace de morsure n'était présente. Qu'avait-il bien pu se produire? La réflexion du jeune homme fut interrompue lorsqu'il aperçut une petite lumière venant de la forêt. Peut-être était-il bien mort? Devait-il suivre cette sorte de petite loupiotte? Un peu perdu, il ne voyait pas autre chose à faire. Il s'approchait alors lentement de ces bois si mystérieux. Il distinguait alors la forme de la petite lumière: on aurait dit une sorte d'insecte. Mais soudainement, ce dernier disparut, avant de réapparaître plus loin dans les bois. Un sentier se dessinait, un sentier qu'il devait suivre. Il marchait alors de plus en plus vite, s'engouffrant dans les bois. Les arbres changeaient, ce n'étaient plus des pins, mais plutôt de grands arbres ressemblant aux grandes forêts du nord de l'Amérique. Et puis il arriva dans une grande clairière, au centre se trouvait la fameuse statue du musée. De frayeur, il eut d'abord l'envie de partir, mais il se rendit bien vite compte d'une chose: Ce qu'il était entrain de lui arriver ne se produirait sûrement pas deux fois. Il s'avança alors vers la statue, la regardant de bas en haut. Elle était de taille parfaite pour que... Non. Hors de question, cette chose avait peut-être reçue le mauvais sort, ou quelque chose dans le genre, il ne vallait mieux pas trop s'en approcher.

-Elle te plaît? s'écria une voix derrière Etienne

Violent retour à la réalité, il se retourna et aperçut un homme. Gabriel? Qu'est-ce qu'il avait à voir avec cette mascarade?

-Qu'est-ce que vous faites là, vous?

-C'est impressionnant, tu n'as subi aucune transformation... lança-t-il, d'une voix mielleuse et insistante, en avançant vers lui.

-Gabriel? Qu'est-ce que ça veut dire? Puis il se retourna, désignant la statue. Et puis, qu'est-ce que c'est que ce truc?

-Jeune, fort, courageux et... illisible... Tu es parfait, Etienne. Tu vas devenir son réceptacle.

-Son réceptacle? De quoi est-ce que vous parlez?

- Enfin, Etienne. Du Wendigo, bien sûr, dit-il avant de marquer un temps d'arrêt.

Oh, bien sûr, je comprends, tu es perdu. Tout ça, c'est nouveau pour toi, pas vrai? Riait-il. Alors laisse-moi t'expliquer.

Il leva alors les yeux vers la cîme des arbres.

-Tu te trouves ici dans une sorte de "poche" d'espace et de temps. Tu es à la fois dans notre jolie forêt de Lozère...Et pas du tout. Tu vois, il y a longtemps, des hommes de toutes races et de tous peuples se réunissaient ici pour y invoquer la réponse à tous leurs maux: un être capable de canaliser tout le vice humain pour en devenir un dieu de carnage et de destruction... Le Wendigo.

En vérité, le Wendigo était toujours en pleine conscience de ses actes, mais perdait toute notion de remord ou d'hésitation, il était doté d'une puissance démesurée alimentée par l'horreur, mais surtout, il pouvait passer entre les mondes et ainsi disparaître à sa volonté... Mais pourtant, le rituel ne marcha qu'une seule fois, car seul un coeur lavé des péchés du monde était capable d'endosser complètement une telle puissance meurtrière... Dans le cas contraire, il devenait un Titan, une créature démoniaque dominée par son vice et sa cruauté, incapable de raisonnement, si imparfaite.

-C'est ce qui est arrivé à Rémy...?

-Oh, non... L'homme contre qui tu t'es battu tout à l'heure était à peine une larve de titan. Il va grandir, devenir de plus en plus puissant, et il dévorera tout, comme le dernier Titan invoqué en ce point du monde, il y a 300 ans. Vous, qui l'avez nommé Bête, mais n'avez jamais cherché à connaître sa nature exacte. Et pourtant, les forces obscures de ce monde sont bien ici présentes, depuis plus longtemps que notre existence même... Tu as vu le séquoïa qui poussait à côté de l'hotel?

-On ne le rate pas.

-Et bien à ton avis, quel âge a-t-il?

-Je sais pas... 200? 300 ans?

-Faux. Il est ici depuis si longtemps qu'aucun ancien n'a jamais pu déterminer depuis quand il existait. C'est le signe d'une des Portes, et tu es entré dans l'une d'elle. Si tu n'es pas mort, c'est que la porte à vu en toi le potentiel d'un être exceptionnel. Parce que toi, tu as vu la statue au lieu d'en détourner le regard. Et pour ça, elle t'a laissé passer entre les mondes au lieu de t'abandonner à ton sort face à ce chien.

-Je... Je ne comprends pas, vous voulez que je devienne le Wendigo, c'est bien ça?

-Ce n'est pas moi qui le deviendrait.

-Et avec ça... Vous voulez que j'arrête les titans? Que je sauve le monde, en somme?

-Que tu le sauves? se mit-il à rire, avant de s'approcher de plus près. Non. Je veux que tu le brûles.

A ces mots, Etienne recula d'encore un pas.

- Tu as peur? Tu es perdu? Mais rend toi à l'évidence, le monde est pourri jusqu'à la moelle. Où est le respect? Où est la paix? Où est la courtoisie? La gentilesse? Aucun bienfaiteur ne pourra rendre ces valeurs, parce que les gens ne changent pas. Ils ne changeront jamais. Tous doivent brûler dans les flammes, nous devons créer un nouveau monde, et tu pourrais en être le roi. Réflechis, Etienne. Souhaites-tu devenir un dieu?

-Qu'est-ce que je dois faire, pour ça ? répondit-il, après hésitation.

Son interlocuteur désigna alors le crâne de renne qui se trouvait au sommet de la statue:

-Tu n'as qu'à revêtir le casque du Shaman.

Etienne se rapprocha alors de la statue, il se demandait alors ce qu'il était entrain de faire.

-Et si je refuse?

-Alors je ne t'éliminerais pas, mais tôt ou tard, tu devras mourir des mains de celui qui deviendra le nouveau dieu de ce monde.

-Alors tu vas me laisser sortir d'ici sans rien me faire ?

-Non, en effet. Je ne prendrais pas le risque de te supprimer. Ce à quoi je rajouterais que si tu changes d'avis, tu connais le chemin.

Etienne se dirigea alors vers le sentier, restant toujours sur ses gardes. Et puis, une question lui vint à l'esprit.

-Et toi, qu'est-ce que... dit-il en se retournant, avant de remarquer que son interlocuteur était parti. Et puis, en un battement de paupières, il se retrouva dehors, il faisait jour, et ce qu'il venait de vivre lui semblait avoir été un rêve... Non, ça c'était bien produit... Mais il était de retour à la réalité à présent... Lucie ? Où est Lucie ? Est-ce que Papa va bien ? se demandait-il...

Mais l'heure n'était plus à la réflexion, trois voitures de police étaient garées devant le musée.

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