Chapitre 5 : Traverser la peur

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Etienne était de nouveau dans un monde qui lui paraissait réel et retrouvait ses esprits. Mais à peine revenu à lui, il remarqua les fourgons de gendarmerie garés devant le musée. A cet instant, il n'espérait qu'une chose: "pourvu que Lucie et Papa soient en sécurité". Il courrut alors aussi vite qu'il le pouvait avant de découvrir l'effroyable spectacle: des restes humains gisant dans une marre de sang, le tout clôturé par des banderoles installées par les autorités. Bien sûr, Etienne ne put s'empêcher de vomir devant l'immondice de la scène: impossible de savoir combien de personnes étaient mortes tant la masse informe de morceaux de cadavres était abondante.

Les dernières heures lui avaient déjà donné d'importantes nausées, c'était alors le moment où il relâchait complètement tout ce qu'il avait vécu. Bien sûr, les policiers ne manquèrent pas de remarquer le jeune homme qu'ils engagèrent alors directement à quitter la scène de crime. Néanmoins, une jeune fille, seule civile encore vivante en ces lieux reconnut Etienne, c'était Lucie. Dieu merci, elle était saine et sauve, et fondant en larmes à la vue de son cousin.

-Etienne ! Etienne ! hurla-t-elle en sanglots, tu es là...! Il est... Tu es...

Elle n'arrivait pas à formuler des mots clairs, tant son émotion était forte, mais Etienne comprenait très bien. Après avoir repris ses esprits, elle lui expliqua ce qui s'était passé: pendant que Rémy et Etienne s'étaient mis à se battre, elle était partie le plus vite possible avec sa voiture pour alerter les autorités. Arrivés sur les lieux, les gendarmes découvraient l'énorme tas de cadavres, il n'y avait pas un homme vivant, et toutes les personnes présentes ce soir là n'étaient pas identifiables dans les cadavres. Rémy, par exemple, et Georges étaient introuvables. De leur côté, la plupart des gendarmes ne savaient pas quoi faire, jamais une telle affaire n'avait eu lieu dans les environs depuis l'histoire de la Bête du Gévaudan. Les recherches furent alors lancés pour retrouver les disparus, alors que les voitures de la police scientifique affluaient, venant de très loin pour résoudre cette affaire. Néanmoins, étant les seuls témoins d'une partie de la scène, Lucie et Etienne furent conduits à la gendarmerie de La Combe. Dans le fourgon, les deux jeunes gens ne dirent pas un mot, encore secoués par la situation, jusqu'à ce que Lucie élève un peu la voix.

-Merci...

-Merci?

-Si t'avais pas été là, je sais pas ce qu'il m'aurait fait... elle marqua alors un temps d'arrêt, faisant se remplir ses yeux de larmes. Tu t'es battu, et puis... et puis je me suis barrée comme une lâche.

-C'est ce qu'il y avait de mieux à faire, Lucie. T'as peut-être fait gagner un temps précieux aux flics pour retrouver ces types, et pour retrouver Papa.

Ce fut ensuite un nouveau silence, les images de cadavres souillés et en mille morceaux encore encrées dans leur mémoire leur faisait imaginer le pire pour Georges. S'en était-il sorti? Peut-être était-il devenu, à l'image de Rémy, un fou avide de sang... un "Titan", comme l'avait appelé Gabriel. Mais d'ailleurs, où était-il? Bordel, c'est ce fumier qui avait sûrement tout organisé. Etienne pensait qu'il aurait directement dû lui poser plus de questions, voire même récupérer le pouvoir du Wendigo... Au final, qu'est-ce que ça pouvait impliquer? Mais sa réflexion fut soudainement interrompue par une question de Lucie, qui le figea.

-Mais toi, comment est-ce que tu t'en es sorti? demanda-t-elle

Cette question le paralysait, car si Lucie aurait pu croire ses dires, qu'allait-il raconter aux autorités? Qu'il était entré dans une forêt magique et en était sorti comme dans Narnia? Non, c'était complètement invraisemblable. En plus de cela, il n'avait pas envie que n'importe qui découvre ce secret. Craignait-il que des esprits malsains et terrifiants s'emparent de cette faculté, ou avait-il peur qu'on vole le pouvoir qui lui avait été offert au préalable? Héroïsme... ou égoïsme? De toutes façons, c'était sûr, il allait mentir. Il avait réussi à sonner Rémy avant de lui échapper dans la forêt. Seulement, un nouveau problème s'offrait à lui: Il n'était couvert ni d'hématomes, ni de marques de brûlure ou de morsure. En bref, il n'avait pas le corps de quelqu'un qui s'était battu contre une créature assoifée de sang. En tout cas, c'était tout ou rien, il fallait bien que sa version concorde avec celle de sa cousine qui elle, l'avait au moins aperçu se battre.

-Je me suis enfui, répondit-il, j'ai pu lui en mettre une bonne avant de le semer dans la forêt.

La voiture se gara alors, et les cousins durent alors se séparer avant de passer un interrogatoire et de les libérer avant de leur offrir un repas qu'ils prirent dehors. Lucie ne pouvait rien manger, alors que son cousin avait déjà presque tout englouti. C'était d'ordinaire un garçon plutôt gourmand qui mangeait comme quatre, mais dans ces circonstances, Lucie était étonnée.

-Je me demande comment tu fais pour bouffer tout ça.

-Je prends des forces, c'est tout, lui répondit-il, et tu devrais faire la même chose.

Non, en effet, il ne fallait pas se laisser abattre, surtout dans un moment comme celui-ci. Lucie voyait depuis toujours son cousin comme un frère, et comme un modèle, quitte à un peu trop interpréter ses propos. C'était une jeune fille passionnée de littérature souvent perdue dans ses rêves, parfois dans ses cauchemars. Elle passait des heures entières à écrire ce qu'elle ressentait et ne sortait jamais sans son petit carnet de notes et de dessin. Son insouciance, sa bonne humeur, sa sensibilité naturelle faisaient d'elle un être remarquable d'une pureté à en déchirer le coeur. Mais depuis ce soir, elle n'écrivit plus, elle ne lut plus. Comme quoi, il avait suffit d'un soir pour faire éteindre la lumière qui animait un coeur si radieux. Quel gâchis. Quelle injustice. Mais il restait une faible lueur à présent, il restait Etienne.

Et ainsi, Lucie avala une bouchée.

Et puis, un bruit retentit, c'était une autre fourgonette de police qui sortit de son coffre un à un les hommes qui avaient disparu cette nuit. En dernière position sortait Rémy. Lucie lâcha alors son assiette avant de serrer violemment le poing. Elle tremblait de peur, mais rêvait de tabasser à mort cet enfant de chien qui avait osé... qui avait osé la...

Sans un mot, elle courrut vers Rémy sans se soucier du danger qu'il représentait, suivie par Etienne qui allait tenter de la retenir. Alors qu'il était ménotté, elle essaya de le frapper, les gendarmes la retinrent, et c'est à cet instant qu'elle vit le visage d'un homme complètement perdu, affolé et sans aucune possession de ses moyens.

- Lucie, Lucie je te jure que je comprends rien à tout ça, faut que tu m'aides, dis-leur que c'est pas moi, dit-leur que... répétait-il, jusqu'à ce qu'on n'entende plus ses gémissements et cris qu'au plus profond du petit bâtiment de campagne. Qu'est-ce qui s'était encore passé ? Etait-il devenu complètement fou, ou avait-il retrouvé la raison ? Toujours est-il qu'un autre fourgon arriva, duquel un homme sortit, c'était Georges, bel et bien en vie. Il prit alors son fils et sa nièce dans ses bras.

-On rentre, maintenant.

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