Chapitre 1.2 - L'Ankou

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 Le conteur ne s'était endormi que depuis quelques heures lorsqu'un bruit désagréable vint le tirer de son sommeil. Se relevant et s'adossant à la pierre, il tendit l'oreille pour identifier l'origine du son qui l'avait ainsi réveillé. Il s'attendait à une farce du korrigan jusqu'à ce qu'il perçut nettement le grincement lancinant montant de la route proche. Grommelant et essayant tant bien que mal de garder son calme, il sortit de sous la table de pierre, son bâton à la main. Il fit quelques pas sur le sentier qu'il avait emprunté auparavant et scruta en contrebas. La lune donnait à la route humide l'aspect d'une rivière phosphorescente. Remontant ce cours d'eau imaginaire en direction du village, un noir attelage s'avançait vers la colline.

 Yvonig tremblait de tout son être mais chercha à se donner une contenance en se tenant fièrement sur le sommet de la butte. Arrivé au pied de celle-ci, l'immense cheval sombre stoppa, immobilisant la charrette qu'il traînait. Le cocher mit pied à terre. Vêtu d'une longue cape noire et d'un chapeau à larges bords masquant totalement son visage, il tenait à la main une faux dont la lame était montée à l'envers. Sa voix caverneuse trancha le silence de la nuit.

  « JE NE VIENS PAS POUR TOI YVONIG... PAS AUJOURD'HUI. »

 Même s'il essaya de ne rien en laisser paraître, le jeune garçon en avait douté pendant quelques minutes et se sentait profondément soulagé. Il réussit même à articuler quelques paroles de politesse envers l'Ankou avant de demander quel était le but de sa visite.

  « UN HOMME EST MORT DANS LE VILLAGE AU BOUT DE CETTE ROUTE... UN ANCIEN QUI SEMBLE AVOIR EU UN TROP PLEIN D'ÉMOTIONS CE SOIR... »

 Le jeune homme s'assombrit soudain en jetant un regard en direction du bourg qu'il avait quitté quelques heures plus tôt. La Mort posa une main sur son chapeau et émit un son qui aurait pu être un rire chez un vivant.

  « IL N'EST PAS NÉCESSAIRE QUE JE PRÉCISE D'AVANTAGE, IL SEMBLE QUE TU N'Y SOIS PAS ÉTRANGER...

  _ je ne vois pas ce qu'il y a de drôle à cela! Je ne l'ai pas voulu... Il a deviné ce que je suis...

  _ C'EST DONC CA...

  _ C'est injuste! Pourquoi cela doit-il se passer ainsi?

  _ PARCE QUE C'EST MON TRAVAIL. JE VIENS CHERCHER LES ÂMES DES MORTS, JE NE CHOISIS PAS QUI MEURT OU QUI VIT! TU N'AS PAS À T'EN VOULOIR POUR CE QUI EST ARRIVÉ. LE VIEUX TAMMIG AVAIT FAIT SON TEMPS ET CELA DEVAIT SE PASSER AINSI.

  _ N'y a-t-il rien que je puisse faire?

  _ TU EN AS DÉJÀ FAIT BEAUCOUP: TU AS RÉALISÉ L'UN DE SES RÊVES ET TU LUI AS OFFERT QUELQUE CHOSE EN QUOI CROIRE AVANT DE MOURIR. »

 Yvonig avait les yeux rivés sur le lointain village, la mine triste. Il fit à peine attention à l'Ankou lorsqu'il le salua et remonta sur sa charrette. Le garçon resta contempler l'attelage qui s'éloignait jusqu'à ce qu'il eut disparu dans l'obscurité, emporté par la rivière de lune...

 De longues minutes s'écoulèrent avant qu'Yvonig ne se décidât à retourner dormir. Il éprouva les pires difficultés à retrouver le sommeil et, quand celui-ci vint enfin, ce fut pour le plonger dans des rêves sombres et agités.

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