C’est le cœur plein d’espoir qu'il rendit sa visite quotidienne à l’enfant. Avec le temps, elle avait fini par prendre l’habitude de l’attendre dans le jardin du couvent. Il avait d’abord cru, par ce comportement, à une amélioration, un espoir que cette petite l’attende comme on espère un parent. Mais n’arrivant à établir nul autre lien depuis, il comprit qu’elle agissait ainsi par pure obéissance. Elle se bornait à suivre mécaniquement ce qu’elle pensait qu’on attendait d’elle. Notre bon père s’assit en face de la fillette sur l’herbe. Il portait un petit panier recouvert d’une serviette et nota que Lilith y jetait des regards mi-curieux, mi-inquiets. Étant toujours venu léger, la petite fille cherchait des réponses sans poser de questions. Le père profita de l’effet inattendu que produisait son bagage.

- Je t’ai ramené quelque chose aujourd’hui, tu as envie de savoir de quoi il s’agit ?

Les yeux de l’enfant passant du panier au père et du père au panier, il en déduisit que oui. Il aurait aimé obtenir une réponse formulée et entendre le carillon de l’innocence sonner à ses oreilles, mais cacha sa déception avec la prise de conscience que pour la première fois depuis des jours il parvenait enfin à interagir avec cette enfant. Non sans un peu de cérémonie, le père Gabriel sortit avec toutes les précautions du monde un tissu roulé en boule qu’il déposa délicatement devant Lilith. Quand celui-ci bougea, elle eut un mouvement de recul, mais sa curiosité l’emporta sur la peur et elle attendit. Une minuscule chose pointa d’entre les plis, tâtonnant à l’aveugle avec maladresse.

- Je te présente ton ami, Lilith, c’est un chiot abandonné que j’ai trouvé dans la rue, personne ne veut de lui. Il a besoin de toi.

L’animal était très jeune et fragile, sa détresse éveilla quelque chose dans la chair de Lilith. Elle dédia les jours suivants à son petit chien, lui partageant ses repas et ses peines.