6. Rêve éveillé
La nuit venue, tandis qu’il observait les étoiles, le chien endormi sur ses jambes, Lilith le rejoignit, le pas sûr, et s’assit près de lui. Cette fois-ci, il ne put cacher sa stupeur que par la grâce de l’obscurité. Il la regardait, cherchant une raison à ce comportement nouveau : de coutume Lilith ne venait près de lui qu’à sa demande, pour l’heure du repas ou pour reprendre la route. Hors, ce soir sa volonté était seule gouvernante. Elle leva les yeux vers les étoiles, imitant son ainé qui, après une brève hésitation, se lança dans un de ses exposés du monde.
- C'est beau le ciel nocturne, n'est-ce pas ? N'attendant aucune réponse, il poursuivit. Là-bas on peut voir la constellation de la Grande ourse et là celle du Capricorne. Regarde, dit-il en tendant la main vers le ciel étoilé tout en désignant deux étoiles dans le lointain, ce soir on peut même distinguer la constellation du petit chien, elle…
- Messi !
Il baissa les yeux, ouverts de surprise, sur l’enfant. Muet, les mots refusaient d’aligner une phrase correcte. Elle le fixait sans faillir, posa les yeux un instant sur le chien toujours assoupi sur les genoux du religieux avant de revenir à leur point de départ et répéta d’une voix claire et carillonnante:
- Messi.
N’ayant rien de plus à ajouter elle leva de nouveaux les yeux vers l’obscurité rassurante de la nuit. Le Père Gabriel l’envisagea un moment pas encore très sûr de ce qu’il venait d’arriver. Il avait entendu le doux son de sa voix d’enfant. Plus que ça, elle avait parlé. Non mieux encore, elle était venue lui parler. Pas seulement lui parler, elle était venue répondre à sa question ! Réalisant cela, il n’osa troubler ce moment magique dont le silence était plus éloquent que n’importe quelle parole et retourna lui aussi la tête dans les étoiles, sans les voir : une question lui brûlait les lèvres.
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