- Messi…

Au petit matin, le Père Gabriel était plongé dans ses pensées.

Messi. De tous les mots qui existaient, c’était le premier à avoir franchi les lèvres de Lilith. Pourquoi ? La religion ne lui avait-elle pas tout volé ; parents, enfance, innocence ? Etait-ce une offrande pour que le ciel lui pardonne ? Lui pardonne quoi ? Les fautes qu’on avait bien voulu lui laisser en héritage ? Messi... Non, cela ne pouvait pas être l’explication. On l’avait élevée dans la sainte religion, au couvent. D'où elle venait, ça aurait été une provocation. La faute ultime. Une moquerie de sa part alors ? Une vengeance symbolique ? Ça n’avait aucun sens, ce chien n’était pas un exutoire, elle l’adorait.

Messi faisait face au Père, le crucifix à la main.

- Tu sais tout, toi, n’est-ce pas ? Tu sais pourquoi elle a choisi ce nom. Tu dois aussi savoir ce qu’elle pense de la religion. Elle pense forcément quelque chose, après tout ce qu’elle a subi à cause d'elle. Elle l’exècre ? Alors pourquoi Messi ?

N'ayant pour seule réponse qu'un vent froid venu du nord, il souffla, exaspéré.

- Deux Messi et pas un seul qui me réponde !

- La religion ne m’a rien fait, affirma le carillon.

Cette fois, la grâce de l’obscurité ne lui serait pas accordée, surprise, incompréhension, interrogations, stupeur. Tout était parfaitement lisible sur son visage. Elle était là, debout, à quelques pas seulement.

- Les sœurs, les moines, les fidèles, ils ne m’aimaient pas, mais ils ne sont pas la religion. Dieu est Amour, il donne la vie et je suis vivante. J’ai demandé à quitter le couvent et à rencontrer mon seul ami, Jésus. Il a exaucé mes prières.

- Ton seul ami, répéta le Père. Il tourna la tête vers Messi et sourit.

Il y avait à la fois tant de maturité et de naïveté dans ses paroles d'enfant.