8. Souvenirs

2 minutes de lecture

Cette enfant était difficile à cerner, à comprendre. Qu’avait dit la mère supérieure déjà ? « C’est une enfant vide, sans intérêt, une charge. » Son cœur à elle était vide, c’était certain, mais « la charge » était digne d’intérêt.

Les souvenirs surgirent à la surface de son esprit, se remémorant la scène de sa conversation avec la Mère supérieure.

- J’ai entendu parler de l’enfant Lilith.

Pas de réaction.

- Elle a une réputation peu commune pour une enfant si jeune, ma Mère. Les adultes la craignent, les enfants la fuient…

- Elle est le péché, mon Père, coupa sèchement la femme en noir.

- Avec tout mon respect, ma Mère, une enfant ne peut porter toute la responsabilité des maux de ce monde.

- Elle est le fruit défendu de notre sainte maison, preuve que chaque acte a des conséquences. Son engeance est l’œuvre du Malin. Elle est sa créature, son réceptacle.

Les mots, durs, avaient heurté le Père dans son âme. Il était vain d’en discuter plus avant, la Mère supérieure ne changerait pas son comportement à l’égard de l’enfant et il serait préjudiciable d’aggraver la situation en se heurtant à l’autorité même du couvent. Interprétant mal son expression, la doyenne crut bon d’ajouter :

- N’ayez crainte, mon Père, le nécessaire a été fait pour préserver ce lieu saint de Satan.

- Le nécessaire ?

- Oui, sa naissance a fait l’objet de précautions particulières. La mère et l’enfant ont été exorcisées durant l’accouchement.

Un exorcisme. Et les religieuses accusaient l’enfant de la mort de sa mère. Il était étonnant que le bébé lui-même y ait survécu. Un accouchement n’est jamais sans danger, même lorsque les meilleures conditions sont réunies. Le médecin était bien placé pour le savoir, alors dans un climat inapproprié les conséquences ne pouvaient être que fatales. Tout à coup la panique s’empara de lui, il ne pouvait plus rien pour la mère, qui ne courait d’ailleurs plus de danger, paix à son âme. Mais l’enfant, qu’allait-il advenir d'elle ? Comment Lilith était-elle traitée ici-bas ?

- Me permettriez-vous de la rencontrer ?

- C’est une enfant vide, sans intérêt, une charge.

- Pourquoi l’élever sous l’augure de Dieu dans ce cas, ma Mère ?

- On ne refuse pas le châtiment divin, mon Père. Dieu nous a puni. Fuir cette mise à l’épreuve, c’est se condamner.

Le Père en était resté abasourdi. Cette aura de peur qui entourait et détruisait Lilith était son salut. Elle devait la vie à la peur qu’elle inspirait, quelle ironie du sort. Dieu devait avoir de l’humour ! Du moins si l’on accordait du crédit à la religieuse. Il se reprit, modulant son discours à celui de la religieuse.

- Vous avez raison, ma Mère, c’est pourquoi je souhaite la rencontrer. Dieu a mis l’enfant sur mon chemin à raison, il semblerait qu’Il veuille m’éprouver à mon tour.

- Que voulez-vous dire, mon père ?

- Laissez-moi emporter ce châtiment qui s’est abattu sur vous. Notre Seigneur a guidé mes pas à votre porte à dessein.

- Vous parlez d’emmener l’enfant Lilith avec vous ?

Le Père Gabriel acquiesça.

- Vous avez accepté le châtiment de Dieu, ne craignez point d’accepter la main qu’il vous tend en rédemption, ma Mère.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 11 versions.

Vous aimez lire Clarisse ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0