13. Une nouvelle famille
- Tu ne me rattraperas jamais, Messi, rit une voix de poupon essoufflé par sa course, tandis que le chien lui tournait autour, la langue au vent. D’autres rires aigus se joignirent aux siens.
Lilith jouait à l’extérieur avec Erwann et Elwina, la fille aînée et le jeune fils de ses bienfaiteurs. C’était la première fois depuis des jours et des jours, qui lui avaient semblé être une éternité, que le Père Gabriel lui accordait l’autorisation de mettre un pied dehors. Elle avait passé ses longues journées d’enfermement en compagnie d’Elwina, rencontrée à sa sortie de lit. Elle noua une amitié réciproque avec celle-ci, à peine plus âgée qu’elle et le petit polisson était souvent dans leurs jambes.
- Les enfants ? Les interpella une voix masculine, apportant du lait chaud et des sablés.
Il n’eut pas besoin de les prier bien longtemps, les ventres guidèrent leurs pas. Chacun prit le liquide fumant que leur tendait Ronan, le père des enfants. Lilith se montrait un peu hésitante à la vue de cet homme, mais suivit l’exemple de ses amis. Katelle, la mère bienveillante et le Père Gabriel vinrent à leur tour.
Le religieux était admiratif des progrès fulgurants de sa protégée. Toujours un peu craintive, de prime abord, avec les nouveaux visages, elle s’ouvrait plus facilement à eux désormais. Bien entendu, la présence d’enfants de son âge aidait grandement, tout comme le grand cœur de cette famille. Il lui semblait qu’elle s’attachait avec plus de facilité aux femmes qu’aux hommes, mais il n’aurait su déterminer si c’était du fait de la figure douce et maternelle que représentaient celles-ci ou par l’habitude d’avoir grandi au milieu d’un essaim de femmes. Quelle qu'en soit la raison, il se posait la question du bien-être de l’enfant dans le lieu où ils s’apprêtaient à s’établir pour une durée indéterminée. Un camp militaire n’était pas exactement le lieu où les figures féminines défilaient.
Le Père Gabriel avait décidé le prolonger un peu leur séjour auprès de cette famille. D’une part, car il souhaitait profiter de la ville pour se réapprovisionner et faire quelques achats. Et d’autre part, pour rendre un service à cette famille, qui avait fait preuve d’autant de générosité envers eux.
C’est ainsi que le Père et Lilith partagèrent la vie de cette famille. Lilith avait intégré la chambre des enfants et le Père celle qu'elle avait occupée. Réveils, repas, travail au champ et tâches quotidiennes rythmaient ici leurs journées. Les cours de lecture se poursuivaient également pour l'enfant, qui recevait aussi l’aide de sa nouvelle amie, pour laquelle lecture et écriture n’étaient plus un mystère.
L’amour inconditionnel de Katelle, l’attention sans faille de Ronan, les jeux de plein air avec la fratrie, le tout ponctué par la figure sécuritaire et bienfaitrice du Père Gabriel avaient fait renaître Lilith. Les yeux pétillants, l’innocence en partie retrouvée, cette vie de famille avait terminé de dégeler le cœur de cette enfant opprimée.
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