Chapitre 1: La chambre

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Les étoiles... Les étoiles sont si nombreuses dans le ciel. Des milliards de petits points blancs illuminant le voile abyssal. Les quelques comètes fugaces ainsi que cette belle nébuleuse rosée n'ajoute que du crédit à ce tableau.

Crédit... des crédits, c'était ce qui lui fallait. Comment rembourser son crédit sans emprunter de nouveau sinon ? Alfonso lui avait déjà dit qu'elle accordait trop de crédit à cette histoire de dette. Qu'elle ne devait pas se prendre la tête avec ça.

La tête... Son visage, ses yeux quittèrent le ciel, apercevant dans sa manœuvre le dôme de verre séparant la ville de Noctapolis du vide intersidéral. Dézoomant tel un appareil photo, la réticule de sa pupille se rétrécit, se concentrant sur la vitre qui lui collait presque la peau.

Peau... Sa peau, elle la voyait refléter contre le verre. Blanche, fine, douce au toucher. Tout comme son visage qui n'était pas caché derrière du maquillage, son corps apparaissait au naturel : nu. De forme ovale, ayant un petit nez et de courtes lèvres. Ses longs cheveux étaient teints en blancs et sa frange cachait ses magnifiques yeux bleus. Le seul vêtement qu'elle portait était ses cornes factices de brebis, ses collègues piégées dans les autres tubes de verres étaient tout autant vêtus qu'elle.


Une pensée lui traversa l'esprit, elle qui se trouvait dans cette vitrine de cet hôtel, lui-même à l'intérieur d'une ville. Une ville, elle aussi, sous une cloche de verre... l'image d'une poupée russe lui vint en tête. Ce qui la fit rire.


« Coucou Poupée, mais c'est que t'es jolie quand tu souris.


Sourire... c'est vrai qu'Alfonso lui disait de garder le sourire, les clients aimait ça. Elle garda ce masque désiré, puis, se tourna vers les deux hommes. Leur regard lubrique en disait déjà long. Machinalement, elle se leva et entama une danse du ventre avec une sensualité qui, en quatre ans, était maîtrisée. Pourtant, après un bref instant, l'un des deux spectateurs secoua la tête et posa la main sur l'épaule du voyeur.

  • Allez Dan, faut se maîtriser, t'es casé mec.

L'ouvrier hésita, puis , lâcha un soupir vaincu. Les deux repartirent dans les rues nocturnes, mais illuminés de la ville. Alors que son gagne-pain repartait, la prostituée entendit un ricanement agaçant vibrer à côté.

  • Alors Luna, pas de client ce soir ? Piqua une voix sarcastique.

Sur sa droite, tout aussi nue, mais avec des cornes légèrement plus courtes, se trouvait sa collègue. Derrière son tube semblable au sien, elle riait sincèrement.

Luna tenta de répondre, mais naturellement, aucun son ne sortit. Finalement, elle posa son index sur ses propres lèvres pour demander à sa congénère de se taire, ce qui la fit ricaner de plus belle.

  • Bella ! Arrête de déconner avec la muette, tu fais fuir les clients.

Une voix plus rauque sur sa gauche retentit. D'un vif coup d'œil, elle aperçut le corps musclé aux seins proéminents de leur doyenne. Vieille de vingts-deux ans seulement.

  • Désolée Jessica, mais je ne partage pas ta peur bleue du manque de chiffre. Rétorqua l'autre sur un ton révolutionnaire.
  • Ce n'est pas le manque de chiffre mais ton attitude qui me dérange. Reprit-elle rapidement. Si Alfonso nous voit parler, il va...

C'était déjà trop tard, derrière les vitrines, un gaz rose se diffusa. Toutes trois toussotèrent en l'inhalant, puis, elles s'essayèrent docilement dos à la paroi de leur tube, souriantes.

Dans son esprit embrouillé, le monde s'accéléra. Les images devant elle des passants passant affluèrent. Comme si la réalité n'était plus qu'un film projetait par ses yeux et où son cerveau drogué déraillait les bobines de la cassette.

Soudain, tout s'arrêta, l'avance rapide se stoppa brutalement.

Brutal... c'était ce à quoi correspondait au mieux le visage qui l'observait. Il la dévisageait, méticuleusement, sa peau, ses ongles, ses cheveux, ses seins. Une sueur froide parcourut le dos de la brebis. Devant ce regard, elle était devenue une pièce de charcuterie.

L'homme était étonnamment beau et bien habillé pour le quartier rose. Il portait un costume pourpre, des cheveux plaqués en arrière et un bouc entretenu. Ceci, ainsi que sa peau mate et sa grande taille, il n'y avait pas de doute. L'Homme venait de Mars.

Elle tenta de se relever pour danser afin de l'amadouer, mais n'arriva pas à bouger. La boule au ventre, elle n'avait pas eu cette sensation depuis des années. Ce sentiment... c'était le trac, l'impression étrange que des milliers de regards étaient posés sur elle. Et, c'était probablement le cas, une petite lumière rouge cachée là dans la fleur qui ornait son costume trahissait la présence d'une micro caméra. Luna réussit à garder son sourire de tout à l'heure, jusqu'à ce qu'il quitte son champ de vision pour pénétrer dans le bordel.

Bordel... c'était l'état dans lequel son corps et sa tête étaient désormais. Littéralement partagée entre les hormones d'une jeune femme voulant coucher avec le bel étalon, et la crainte de son air mystérieux, de la caméra, ainsi que de cette malette noir qu'il transportait.

Elle aurait voulut parler à ses consoeurs, mais la drogue avait rendu leur regard vitreux, elles étaient absentes, impossible à conserter. L'angoisse s'accumula à mesure que le temps s'écoulait. Si l'Homme était rentré dans le bordel ce n'était pas par hasard et elle savait qu'il était là pour elle. Luna savait déjà que son futur client discutait avec Alfonso. C'était la procédure avant de louer quelqu'un pour la nuit. Plus la conversation était longue, moins c'était bon car génralement c'était dans deux cas de figures.

Soit il s'agissait de pauvres consommateurs qui tentaient de négocier un rabais.

Soit de riches individus qui voulaient acheter l'une des travailleuses, ou de délimiter les limites de ce qui lui serait fait. En d'autres termes des demandes, "exotiques".

Soudain, un bruit de Sas s'ouvrant derrière elle l'interpella. Luna se retourna, Alfonso et le Martien se tenaient là. Tonique, transpirant et chauve, son propriétaire était si rond qu'il ne pouvait probablement pas voir ses propres jambes. S'il se baissait, il n'aurait vu que son ventre ventripotent.

  • Et voici très cher client, Luna va se faire un plaisir de vous emmener dans la chambre quarante-deux.

Le client la fixait de ses yeux profonds, elle hocha la tête, laissant docilement son propriétaire lui passer laisse à son cou. La petite brebis sortit de son tube de verre et enlaça le martien de façon sexy. Mais il resta indifférent, froid, une odeur forte de menthe l'accompagnait. La prostituée fit un pas en arrière devant l'échec de son initiative. Elle baissa les yeux, sa crainte n'était que renforcée.

Ce soir, elle doit être courageuse...


Luna mena la marche, son collier tirait légèrement, mais pas de façon intentionnelle comme certains clients le faisaient parfois. Mais le Martien ne semblait pas empathique pour autant. Avec ou sans laisse, trop serré ou ayant du leste... c'était futile pour lui. L'homme paraissait juste... concentré. Il ne prononça pas à un mot jusqu'au pas de la porte.

  • Je t'ai choisi car mes actionnaires ont voté pour toi. Ton propriétaire m'a dit que tu ne pouvais émettre aucun son. Vrai ?

Si elle avait encore des doutes sur son origine, le fort accent de l'Homme lui confirma qu'il venait de la planète rouge. Son ton était impérial, elle ne put que hocher la tête.

  • Parfait.

Un sourire carnassier se dessina sur les lèvres du client. Elle n'aimait pas ce sourire. L'Homme entra en premier et fit signe à son escorte d'attendre là, elle s'exécuta. La pièce était plutôt étroite et peu meublée. Un lit double avec rambarde de fer au pied et en tête du lit. Une commode où était posée une lampe à plasma qui éclairait la pièce dans une ambiance orange tamisée.

Le Martien ferma les volets immédiatement, il scruta le plafond de façon suspecte, puis, débrancha la caméra entreposée dans un recoin de la pièce.


Cette action paniqua Luna. Ses jambes tremblaient légèrement, et, elle tenta un pas en arrière, mais la pression autour de son cou l'en empêcha. Son berger lui lança un regard sérieux qui la pétrifia. Il lui fit signe d'entrer, elle le fit, la porte fut refermée derrière elle. À clé.

  • Couche-toi sur le lit. Ordonna le martien, autoritaire.

Luna observa le lit, hésitante. Mais il la surplombait, alors ne discuta pas et s'allongea sans feindre la moindre sensualité. Le conjoint déposa sa mallette au pied du lit, puis l'ouvrit. Luna ne pouvait quitter des yeux l'outillage qu'il déballait : Cordes, pointes, disciplines, lames... le tout triait avec un soin maniaque.

  • Ce ne sera pas moi, ou les outils que tu regarderas, mais la rose sur mon costume. Sinon, il y aura des conséquences.

Il désigna de son index le point rouge de la micro caméra. La micro absence qu'elle eut en fixant les outils suffit à l'agacer.

  • Compris ?

Ses yeux se dirigèrent immédiatement vers lui, rectifiant le tir pour se poser sur la caméra. À contre cœur. Sans plus le vouloir, elle se laissa docilement attacher en X. Ses chevilles et poignets étaient solidement enroulés dans les cordes. Il savait vraiment les faire, ses nœuds. Néanmoins, malgré son expérience, l'Hôtel restait assez miteux. La rambarde qui tenait son bras droit était mal fixée

  • On fera avec... soupira le maniaque

L'attente était insupportable. Alors qu'il disposait son matériel tout autour d'elle, Luna sentait que son cœur s'emballait. Luna n'avait absolument pas envie d'être là. À sa merci. Elle devait être forte... son cœur s'arma de courage, mais fut complètement balayé lorsqu'il s'assit sur son ventre. Ce sourire hideux rivé sur elle. Il était prêt. Elle ne le serait jamais.


Et il débuta.


Telles les premières notes d'une symphonie, ou bien les premiers pas de danse d'un bal, l'ouverture annonça ce qui arrivera. Le mâle mordit brutalement le cou de Luna, ses griffes s'enfoncèrent au même moment sur les hanches de la brebis. La réaction fut immédiate, elle grinça des dents puis tressaillit sous l'assaut. Mais supporta la sensation. Luna n'aimait pas ça, ni sa façon de presser ses seins, encore moins le fait que son corps était excité par ceci. Un sentiment d'aversion l'envahit, mais elle y était accoutumée. Après tout... le pire était à venir.


Sans transition, les ongles qui griffaient jusque-là sa peau furent remplacés par une fine lame glaciale glissant sur son ventre. La douleur était intense, et elle aurait crié si elle l'aurait pu. Luna parvint à dégager son bassin de l'attaque en se tordant mais le monstre n'apprécia pas l'initiative. Il porta son arme sous sa gorge en réponse.

  • Ne bouge pas ! regarde la caméra ! sinon ce sera bien pire. Compris ?

Son ton était si agressif, brutal, proche d'un aboiement. D'une certaine façon, c'était sa voix qui lui donnait envie de pleurer, davantage que la douleur tiraillant son ventre. Sa voix, ces mots qu'il murmurait entrecoupé de silence, c'était ça qui la brisait.Elle acquiesça lentement, résignée... et il reprit la danse de lame.

Son corps était si sensible, l'excitation qu'il lui avait procuré au début était-elle dans ce but ? L'avait-il fait exprès ? Ce n'était que des caresses mais des larmes coulait déjà sur ses joues. Des caresses douloureuses mais elle les endura... jusqu'à ce qu'il passe sur son sein. Là, elle fléchit finalement.
Un frisson d'effroi la dévora quand elle ne sentit plus la lame, elle savait qu'elle venait de bouger mais priait intérieurement pour qu'il ne s'en aperçoivent pas.


C'était puéril.


Le claquement d'un fouet retentit, suivi d'une douleur vive sur son biceps, puis sur son triceps, et un troisème sur ses hanches. La sensation était électrisante, lui coupant le souffle. La douleur était encrée sur son visage, et les larmes sillonaient ses joues.

  • Obeït ou ce sera pire!

Luna réussit à regarder la caméra, haletante, et hocha la tête. Tremblante.Puis il reprit, inflexible, sans fin, tailladant lentement son ventre, ses paumes, ses seins, ses jarrets... quand elle remuait, ou bien quittait la caméra des yeux, les punitions prenait de l'ampleur. De simples coups de fouet, aux gifles, morsures, frappes avec des tiges métalliques...

Quand il sembla enfin s'arrêter, la pauvre petite brebis n'osa même pas le regarder lui ou ce qu'il s'apprétait de faire. Elle ne regarder plus que ce point rouge. En faite, c'était comme si elle était sur une scène, jouant une pièce. Des spectateurs tout autour d'eux, des voyeurs partout. Répugnants.


Sous ses ongles une douleur insoutenable la foudroya, elle tenta de retirer sa main de cette torture mais la poigne de l'homme était trop forte. Une épine pénétra son derme sous son pouce, puis son index, puis son majeur. Déchirant ses nerfs présent sous ses phalanges. Atroce. Et, elle ne pouvait rien y faire sauf pleurer et se débattre férocement. Il s'arrêta juste avant de faire la même chose sur son annulaire, la saisissant par la machoire des yeux sadiques la dévisageant, arborant ce sourire qu'elle détestait tant.

  • Tu n'as pas était sage du tout. Tu as gagné! tu as une pénalité!

Pénalité... L'horrer qui traversa son visage amusa son tortionnaire. Et sans doute davantage les voyeurs. Il s'approcha de la malette en sifflotant et y sortit une petite boîte noire qu'elle fixa avec crainte.

  • Qu'est-ce qui pourrait être pire? Tu es peut être muette mais ton regard est bien expressif.

Le martien rit d'une voix rauque. Elle aurait tant voulu qu'il s'étouffe avec sa propre langue, mais au lieu de ça, il ouvrit le conteneur. Son estomac en fut retourné. Dans un petit tube, un insecte pas plus long que la moitié de la paume de sa main était là. Filiforme, composé d'une infinité de petites pattes et de quatre mandibules rouges. Le cœur de Luna était sur le point de s'arrêter en voyant la bête tourner énergiquement dans son bocal, ses griffes acérées griffant le verre.

  • Le mille-patte martien. Utilisé autant en agriculture que par nos service secrets. Et tu veux savoir pourquoi?

Il la fixa, la prostituée était morte de peur, et cela sembla l'exciter davantage. Sa proie lui lança un regard désespéré quand il indiqua son oreille. Luna tremblait de manière incontrôlable, ses yeux rivés sur l'insecte. Elle secoua la tête de toutes ses forces pour l'en empêcher, mais en vain. Le Martien mit la boîte à côté de sa boîte crânienne, l'ouvrit, puis elle le sentit... l'insecte glisser dans son oreille.


Ses yeux s'écarquillèrent, des veines sur son cou apparurent tant elle tentait de hurler. Son corps, elle le secouait, luttant comme une démente. Cette sensation, ce bruit, toutes ces pattes griffant dans sa tête la rendait folle. Et il l'entendait rire, C'était trop. Luna percuta sa tête contre la rambarde, contre son bras, son épaule, elle devait l'enlever à tout prix ! Mais la créature était impossible à déloger, ses mandibules mordillant ses tympans éclipsa toutes les douleurs précédentes. Sa conscience se fragmenta, son coeur s'enreilla et sa vue se troubla. Tout sembla s'arrêter... mais pas pour longtemps.


D'un coup, c'est son instinct de survie qui la raména. Une pression terrible exercée sur sa gorge. Elle ne pouvait plus respirer! Son prédateur lui écrasait le bassin de tout son poids, une broyant son cou, l'autre couvrant sa bouche et nez. Il l'étranglait! Il... Il allait la tuer!


Déséspérée, la brebis tenta de dégager sa tête, son corps convulsait furieusement dans l'espoir de le faire tomber. Mais c'était futile, il était bien trop lourd. La pression sanguine dans son crâne, ses poumons vides brûlait en manque d'air... au bord de l'évanouissement, un miracle la sauva.

Dans sa lutte, sa main parvint à percuter la table basse, et la lampe à plasma se renversa sur son aggresseur qui cria de douleur. D'un geste sauvage, la brebis mordit jusqu'au sang la main qui l'asphyxait.


Dans le feu de l'action, il relâcha son cou et Luna prit une profonde inspiration qui la sauva.Elle tira d'une nouvelle force sur ses liens. La rambarde céda finalement, libérant sa main droite ! La pauvre fille se précipita sur son autre poignet pour le libérer, mais c'était trop serré, et ses doigts tremblants sous la terreur manquaient d'adresse.

Ce qui la terrorisa le plus , ce fut ce cri inhumain venant de son assaillant. Luna sursauta à la vue de son visage déformé par la fureur. Il bondit sur elle, le meurtre comme seule intention.

Tout se passa si vite... le couteau était à sa portée, son corps se mouva de sa propre volonté, sa main saisit la lame, elle se retourna, l'Homme s'empala brutalement dessus. Transperçant son cœur, s'il en avait un.


Il fut pris d'un soubresaut, tenta de porter sa main sur la brebis mais elle le gifla si fort qu'il tomba du lit. Elle était... vivante. Sous sa mort imminente, son corps bouillait d'adrénaline. La brebis coupa ses liens, ne prit ni la peine de voir ses blessures ou le cadavre à ses pieds. Non, tout ce qu'elle fit, tout ce à quoi elle pensait, c'était courir. Courir le plus loin possible !

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