Edmond

6 minutes de lecture

Quand Oliva se lève du jacuzzi, j’éprouve le même pincement que Léo. Je la regarde s’éloigner, un peu dépité par sa maigreur qui n’a rien à avoir avec un manque d’appétit. Il doit lui manquer au moins 10Kg. Ce qu’Hiroko relève également. Ces bleus sont sans équivoque aux aussi… C’est pas possible, on doit pouvoir la sortir de là. Entre ma mère et celle de Léo, je suis sûr qu’il y a quelque chose à faire. Je regarde ma banane se lever et me dit que je l’aurais fait si elle n’y était pas allée. Même si je sens sa réticence à ma présence. Moins que Lulu, mais toujours plus que les filles. Léo à raison, il se passe un truc chez elle une fois la porte fermée.

— Oh nan il pleut !

— T’es pas en sucre Hiro, dis-je. C’est marrant d’être dans un jacuzzi sous la pluie.

— iie ! Samui desu.

J’imagine qu’elle se plaint que ce soit froid.

— Je vais rentrer avec toi, moi j’ai trop chaud.

Raphaëlle se lève et je vois mon Lulu prêt à les suivre se rassoir promptement.

— Qu’est-ce qui t’arrive ?

— Des choses qu’on ne contrôle pas mon vieux.

— Parle pour toi !

Mais, il est vrai que j’ai plus d‘heures d’entrainement à mon actif. Les piscines des hôtels m’ont appris à ne pas bander à la moindre jolie fille.

— Comment ça va avec Raphaëlle ?

— Tu te prends pour une nana De Val ?

— C’est quoi ce sexisme ? On a le droit de causer copines entre mecs.

— Si tu le dis… Ça va, on s’entend bien et c’est facile, mais on l’a fait que deux fois.

— Et alors ?

— Bah je crois qu’elle a pas trop envie.

— Et tu lui en as parlé ?

— Non.

— Bah t’es bête ou quoi ?

— Quoi ? Elle a juste pas envie non ?

Je soupire de manière fortement exagérée.

— Mon Lulu, comment peut-tu savoir si peu de choses sur le cul en étant ami avec moi ? Y a grosso modo trois raisons pour lesquelles elle pourrait ne pas en avoir envie. Un, elle a une libido dans les chaussettes. Mais, si je puis me permettre… Non. Deux, t’es juste nul. Et dans ce cas faut savoir pourquoi. Trois, ça fait mal. Expliqué par « t’es nul », ou alors un souci de santé. Dans ce cas faut aussi en discuter parce que ça s’trouve y a besoin d’aller voir un gynéco.

— Mais comment tu sais tout ça ?

— La clé d’une bonne partie de jambe en l’air mon Lulu, c’est de faire de la femme une reine. Son plaisir avant le tien. Et communiquer.

Il médite mes paroles en hochant machinalement la tête et je m’effraie qu’il sache si peu de choses en matière de femme. Si lui, un minimum éduqué n’en sait pas plus, qu’en est-il du reste du monde ?

— Au fait, tu as fait attention à sa contraception ?

— Hein ? Nan. J’ai mis une capote quoi.

— Ouais bah pose lui la question quand même.

— Les gars, vous venez ?

On s’empresse de sortir de l’eau pour passer entre les gouttes et nous enroulons dans les peignoirs que j’avais sortis.

— Pitch-Perfect, ça vous tente ? Demande Raphaëlle.

— Ce que vous voulez, mes dames, dis-je en m’inclinant.

— De ouf, j’adore quand ça chante !

Ludo et mois allons nous changer, puis nous jetons sur le canapé, attrapons chacun notre dame respective. Olivia s’assied à côté de Léo et moi et sans vraiment réfléchir, j’ouvre mon bras pour l’inviter à se caler contre nous. Elle me sourit gentiment et secoue la tête. Je referme mon bras autour de Léo, mais cet échec ne m’empêchera pas d’essayer à nouveau.

J’avoue que le film m’a plu et j’ai hâte de voir le deuxième. Je propose qu’on sorte l’apéro et prépare le repas pour plus tard puis distribue les missions.

— Tu as l’air ailleurs ? dis-je alors que Léo coupe la tomate d’une lenteur automatique.

— C’est bien ma veine d’avoir un mec attentif.

Je rigole. Quoi qu’on fasse, nous, pauvres garçons que nous sommes, on sera toujours moqués pour être un cliché ou justement ne pas l’être.

— Tu aimes les femmes avec qui tu couches ?

Ce genre de questions me font me demander pourquoi ça la turlupine comme ça. S’agit-il d’insécurité, de jalousie, de curiosité ? Quoi qu’il en soit, je sais que tout ce qu’elle veut c’est ma sincérité. Cela dit, la tournure de la conversation m’étonne. Elle ne parle pas de moi et c’est là que je comprends. Ma banane est amoureuse d’Olivia. Peut-être même qu’Olivia l’est aussi, d’ailleurs. Il y a entre elles ce petit quelque chose qui s’échange dans leurs regards et sourires qui m’interpellent depuis le début. Énorme ! Voilà tout ce que j’en pense. On trinque à notre santé, on commence le deuxième film et tout ce que j’en pense est toujours « énorme ! ». Léo s’est installée à l’autre bout du canapé, clamant qu’il était hors de question de rester collée à moi -elle a bien raison- et s’est adossée contre Hiroko. Olivia entre nous deux, je peux voir l’attention de ma banane faire des allez retour entre elle et le film. É-NORME. Pourquoi ça ne me dérange pas ? Si je m’amuse à imaginer cette exacte situation avec un mec, il ne me faut pas quatre secondes pour me sentir fâché. Est-ce parce que c’est une nana ? Est-ce parce que je me sens non menacé par Liv ? Ou est-ce parce que je comprends Léo ? Haaaaan… Sainte mouffette of fucking jellybean, me plait-elle aussi ? Non, c’est un petit oiseau blessé dont j’ai envie de prendre soin. Je crois.

Je sors mon téléphone vite fait. Si jamais… Est-ce que…? « Aimez plusieurs personnes ». Google me renvoie sur une multitude de liens parlant de « polyamour ». Je range mon téléphone. D’autres personnes ont les mêmes questions que moi. Que nous. Énorme. J’ai l’impression d’avoir eu une explosion de mon univers. Les limites de l’amour n’existent plus. Je kife. Se dire qu’on peut tout faire, tout inventer, qu’il ne tient qu’à nous d’être heureux de ce que nous avons est carrément excitant.

Bon.

Peut-être que je m’emballe. Je me fais un monde d’hypothèses alors que je suis surement à côté de la plaque. Puis quand bien même je ne le serais pas, je ne vois pas comment le hasard ferait qu’Olivia soit ok avec tout ça.

Le repas est bruyant et tout ce qu’on peut attendre d’une bouffe à six ados. Des rires, des bagarres quant au partage égal des condiments, des rires encore et pas un seul sujet faisant avancer le monde. Une réussite en somme. J’espère que le reste de la semaine se passera aussi bien.

Il est presque 22h quand le film se termine et l’on décide d’installer les chambres. Je n’avais rien décidé quant à la réparation qui peut s’avérer délicate avec deux couples.

— Les gars on ne veut pas de vous, s’exclame Léonore.

Je m’en doutais.

— Il va falloir ramener un matelas d’une autre chambre pour que vous puissiez dormir toutes les quatre.

— No problemo.

Léo et Hiroko me regardent, leurs bras contractés théâtralement dans une pose de body builder.

— Suivez-moi, dis-je en riant.

Avant de les entrainer à ma suite, j’indique à Ludo ma chambre. Je l’entends s’émerveiller en entrant pendant que j’aide les filles à trainer l’énorme matelas double dans l’autre chambre d’amis.

— Allez, extinction des feux dans une heure, dis-je en frappant dans mes mains. On a plein de trucs à faire demain.

Un coussin en pleine face et une porte claquée sont tous ce que je récolte.

— Pourquoi tu ris ? demande Ludo alors que je me laisse tomber sur mon lit.

— Parce que je suis bête.

— Ça…

Nullement besoin de terminer cette phrase. J’allume l’écran plat accroché au mur et la PS, lance une manette à Ludo et tous les deux nous installons confortablement dans les fauteuils bas faits expressément pour jouer des heures. Il est possible que nous nous couchions au moins aussi tôt que les filles.

Annotations

Vous aimez lire Ethan Carpenter ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0