Plusieurs jours durant, le Monstre vint nourrir la Jolie, lançant au passage des petites phrases acerbes et piquantes. La Jolie essayait de son mieux de se protéger des énergies négatives en faisant preuve de compassion, elle rationnalisait la méchanceté du Monstre en faisant la lumière sur la souffrance qu'elle devait ressentir, seule depuis des années, défigurée, enfermée... Elle lui souriait, la saluait quand elle entrait, et lui souhaitait une bonne journée. Le Monstre l'ignorait froidement ou lui parlait avec agressivité. La Jolie continuait cependant, toujours avec empathie et compassion, elle la complimentait parfois sur la cuisine, sa tenue, son teint, essayant de lui offrir le plus d'amour possible dans ces circonstances. Puis le Monstre trouva où frapper pour faire mal, aider par sa relation au mari de la Jolie, elle se mit à blesser de plus en plus durement la jeune fille. Cette dernière laissa couler ses larmes, éclater ses sanglots, une angoisse monta, forte, s'insinuant jusqu'aux os. Elle fustigeait le Monstre, l'accusait, demandait au dieux de bien vouloir l'aider! Puis, quand ses yeux furent tout secs, elle se mit à méditer, à observer sa souffrance, sa douleur, sa détresse, sa rancoeur. Elle travaillait un lâcher prise libérateur et envoyait de l'amour à tous, surtout à son mari, son doux ami, dont elle rêvait chaque nuit. Mais la jeune fille commençait à perdre espoir de sortir un jour de sa geole, le Monstre pouvait arriver à ses fins, peut-être son pouvoir était-il bien plus fort que son iddyle... Alors elle se remémorait la paroles des Êtres Anges, cela devait venir d'elle, son mari n'allait pas les sauver de toutes façons, le Monstre avait perdu foi en une saine guérison. Aveuglé par la détresse et la solitude, elle ne faisait qu'exprimer son amertume. C'était à elle, à elle seule d'évoluer, de faire basculer les choses en toute égalité, d'agir avec le coeur et ses vérités. Puis l'espoir la gagnait à nouveau, elle se rappelait les moments partagés, les blessures confessées, la guérison au fil des années, leurs liens toujours renforcés. Elle allait sortir de sa prison! Comment? Elle n'en avait pas la moindre idée, mais en elle s'allumait un feu sacré. Ce soir-là, elle s'endormit rapidement, d'un sommeil juste et lourd de ceux qu'on fait enfant. Elle se réveilla de bonne heure et vit quelques choses de changer: un lit avait été dressé, des vêtements propres y reposait, et sur la table de chevet, une bassine d'eau et un savon usé. Le bonheur! Elle se débarbouilla du mieux qu'elle put, enleva ces guenilles pour essayer la tenue! Elle lui allait un peu grande mais sentait le propre, le frai! La gratitude l'ensoleillait! Elle se tourna vers le lit et se coucha dessus, testa le matelas, l'oreiller, les tissus et... tomba sur un papier avec un mot dessus:"courage". Elle connaissait cette écriture, elle venait d'une main maintes fois embrassée! Elle avait enfin des nouvelles de son bien aimé! Toujours aussi généreux et altruiste, même s'il la croyait Monstre, il était triste. L'espoir se fit plus fort! S'il était venu, peut-être allait-il recommencer? La chose maintenant devait être de lui montrer qui elle était pour vrai. Et alors ensemble, peut-être, ils sauveraient trois êtres.